Causeries sur Noirmoutier

Dr A. Viaud-Grand-Marais

Description

Sous-titrées récits du foyer, ces causeries furent dédiées par un des grands érudits de l’île de Noirmoutier à ses petits-enfants. Croyances et coutumes anciennes recueillies infatigablement par le Docteur Viaud-Grand-Marais et publiées en 1889. Des lieux hantés, en passant par les sorciers, les lutins, les farfadets, les dames blanches, les loups-garous et les sirènes... Voilà tout un bestiaire fabuleux que l’on sera ravi d’évoquer à nouveau grâce à ce petit ouvrage très précieux.

Sujets

• Noirmoutier
• Vendée
• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: Editions des Régionalismes
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782824050355
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Même auteur, même éditeur :

Tous droits de traduction de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Conception, mise en page et maquette : © Eric Chaplain Pour la présente édition : © EDR/EDITIONS DES RÉGIONALISMES ™ — 2009/2014 EDR sarl : 48B, rue de Gâte-Grenier — 17160 CRESSÉ ISBN 978.2.8240.0250.7 (papier) ISBN 978.2.8240.5035.5 (numérique : pdf/epub) Malgré le soin apporté à la correction de nos ouvrages, il peut arriver que nous laissions passer coquilles ou fautes — l’informatique, outil merveilleux, a parfois des ruses diaboliques... N’hésitez pas à nous en faire part : cela nous permettra d’améliorer les textes publiés lors de prochaines rééditions.

r D A. VIAUD-GRAND-MARAIS

CAUSERIES SUR NOIRMOUTIER VIEILLES CROYANCES

ET VIEILLES COUTUMES

ÀMES ENFANTS

AVANT-PROPOS à la première édition de 1889 C’est à vous, mes bien aimés, que je dédie ces récits du foyer. Ils vous rappelleront les douces soirées passées ensemble, alors que la bûche en feu projetait par intervalle des milliers de bretons ou d’étincelles, ou donnait lieu à une de ces fusées lumineuses qui annoncent la visite d’un ami. J’ai réuni à votre intention les croyances d’autrefois et les vieilles légendes de la terre bénie, où ont vécu nos bons parents. Vous savez que toutes m’ont été contées, les unes au bois de la Chaise-Dieu cher à vos souvenirs ; les autres sur les dunes de l’Épine au vaste horizon ; d’autres à Barbâtre, dont les maisons proprettes se dressent les unes au-dessus des autres, comme pour mieux vous voir, quand vous venez dans l’île par le Gois. Il n’y a de moi dans ce recueil, que l’explication des choses. Il est en effet souvent facile de trouver les causes de ce qui nous étonne et nous surprend et de rectifier les illusions des sens si communes dans l’obscurité. À notre époque, dite de lumière, les vieilles croyances de nos marins et de nos laboureurs excitent le sourire. Elles sont remplacées par un autre genre de merveilleux, qui n’a pas, comme l’ancien, pour base le remords et dont l’action sur l’âme est désastreuse. Les faits qui s’y rapportent s’expliquent aussi naturellement. N’oubliez pas, toutefois, mes bien aimés, que le monde où nous passons, offre des échappées sur le monde surnaturel ; mais les faits de cet ordre ont des caractères qui permettent de les reconnaître.

VIEILLES CROYANCES ET VIEILLES COUTUMES. I. es deux îles placées sur le littoral de la Vendée, la plus méridionale, l’île haute D s falaises aux attaques de la mer sauvage. d’Yeu(insula Oya, île d’Oys)n’est qu’un grain détaché du chapelet de granit des îles bretonnes, et elle oppose, comme Belle-Î1e et Groix, de Au moment où le trèfle incarnat montre ses têtes rouges, c’est un bouquet de verdure et de fleurs se détachant sur la teinte aigue-marine des flots. Son chef-lieu, qui s’est appelé Port-Breton avant de porter le nom de Port-Joinville, ses villages, dont les noms commencent par Ker, et ses monuments mégalithiques, confirment son origine armoricaine, surtout pour sa partie nord ouFouras.Quantà sa partie sud, ouCreuzland,que domine le village de la Croix, elle a dû être occupée, momentanément du moins, par une autre race que les Celtes. Les foires suivies à l’île d’Yeu sont, avant tout, celles d’Auray, et Sainte-Anne est le lieu où se dirigent ses pèlerins. Noirmoutier(Herio, Heri monasterium, Hermoutier)est, au contraire, une terre basse, dont le centre est au-dessous du niveau de la mer. À la fin d’août, on dirait l’Égypte avec son sol brûlé et ses troupeaux abandonnés à la vaine pâture. Les mulons de sel complètent l’illusion et font penser aux tentes des Bédouins. Vers le nord-est apparaît une oasis formée d’yeuses et de pins maritimes. L’aspect de ce coin de la côte est méditerranéen ; le ciel, la couleur de l’eau, la teinte et la forme des rochers, rappellent l’Italie. Quelle divinité marine, quel héros gaulois a détaché cette île des côtes de l’Etrurie ou de celles du Samnium pour la transporter sur nos rives ? Faisait-elle partie de la rançon de Rome ? La légende est muette et l’histoire ne répondra pas. Quoi qu’il en soit, rien n’est resté moins celtique que l’antique Hério,l’île des Samnitesde Strabon. Ses menhirs et ses dolmens sont frustres, ou ont servià construire des murs en pierres sèches. Le Pilier(insula Dei, insula puellarum,le puellier)ne garde plus le souvenir de ses druidesses et les rochers des dames ne rendent plus d’oracles. Les noms de lieux ont pris eux-mêmes une forme latine. Des deux races de l’île, celle du sud-est ou de Barbâtre a conservé l’empreinte des auxiliaires du nord, placés là par Honorius. Celle du nord-ouest est gallo-romaine et pdu mélange des populations primitives, après le départ des moines de Saintrovient -

Filbert, avec des colons transportés de la côte voisine. Les cultivateurs portent encore le nom decolons,et le régime suivant lequel ils tiennent les terres, celui decolonage. Il y a dans l’île deux expressions, fournissant de précieux indices dans les recherches sur les faits anciens : le mothanté,appliqué à des lieux, et le mot ébraillard. Les lieux hantés sont soit des pierres druidiques, telles que lapierre à la payenne,le dolmen de l’Herbaudière,soit de vieux chemins, où depuis s’élève une croix (la croix de la Mnisière, croix des sorts, etc.) Ces lieux passent pour être fréquentés, ou pour l’avoir été, par de mauvais esprits, se montrant la nuit sous des formes effrayantes et, en particulier, sous celle de taureaux noirs aux yeux et au museau flambloyants. Les ébraillards sont des âmes en peine, venant demander du secours et des prières, parce qu’elles ont été séparées de leurs corps par mort violente. Les cris poussés par ces malheureux au moment de leur massacre se transmettent d’âge en âge, et on dit les entendre au milieu des rafales du vent, pendant les longues nuits d’hiver. Partout où des ébraillards m’ont été signalés, j’ai retrouvé un fait se rapportantà (1) l’époque révolutionnaire, et je ne crois pas qu’aucun d’eux remonte plus loin . Laissant pour aujourd’hui ces divers modes d’apparition, je me bornerai à parler des sorciers et des guérisseurs et je terminerai par quelques mots sur les confrères de saint Jean, qui n’ont rien de commun avec eux, si ce n’est d’avoir une origine très ancienne.

(1)Un homme qui ne manque ni d’une certaine instruction, ni de courage dans les choses ordinaires de la vie, m’a dit, en frissonnant, avoir entendu les ébraillards, en allant à la chute du jour de la Claire au Vieil. Les cris, au nombre de trois, paraissaient venir de sous terre et étaient déchirants comme ceux d’individus que l’on assassine. — « N’était-ce pas des cris d’oiseaux de mer ou des bruits formés par le vent ? — Oh non ; mais ne m’interrogez pas, j’aime mieux ne pas en parler ». Sur la côte de Barbâtre, il y a lesencharlubins, qu’il ne faut pas confondre avec les ébraillards. La tradition dit qu’un navire est venu, à une époque que l’on ne peut...