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Description
Sujets
Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 11 octobre 2018 |
Nombre de lectures | 4 |
EAN13 | 9782378774271 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Antoine Duport
Contes aléatoires
Roman
© Lys Bleu Éditions – Antoine Duport
ISBN : 9782378774271
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À Viviane
Mon père
Ce conte est né d’une histoire vraie vécue par l’une de mes amies lorsqu’elle était jeune fille à Rio de Janeiro où son père était alors un brillant avocat.
Le subterfuge utilisé par elle pour échapper au dilemme qui était le sien n’est que pure vérité. Stratagème bien innocent, très étranger cependant à la droiture et à l’honnêteté scrupuleuse de cette femme chère à mon cœur, qui en conservera le souvenir comme celui d’un péché…
***
Mon père ce héros, ce prince des prétoires qui domina ma vie ainsi que celle de tout son entourage pendant des décennies était un être généreux et fier qui ne souffrait guère que l’on discutât ses directives, ses ordres ou ses commandements.
Véritable Pater Familias, redouté de ses confrères et des juges du Palais, adulé par les femmes, par ma mère et par moi, il était aussi le précepteur sourcilleux de ma jeunesse, celui qui m’enseignait la différence entre le bien et le mal, qui m’apprenait la probité et l’indulgence, la tolérance et la colère juste contre l’iniquité et la cruauté.
Mon père, au regard si doux, était aussi l’homme que j’ai aimé le plus pendant longtemps, avant que mes yeux ne se posent sur d’autres hommes et ne tentent de comparer et de comprendre, peut-être, ce qui le rendait supérieur à tous les autres.
Mon père, c’était un père d’un autre temps déjà. Un père de la fin d’une époque ; juste à la croisée des chemins : entre avant et aujourd’hui. Un homme élevé lui-même dans les anciennes règles auxquelles, à ses yeux, il était tout à fait impossible de déroger.
Mon père me disait, mieux que ne savait le faire ma mère, comment il fallait me tenir en société parce que lui, c’était la rigueur, l’incarnation même de la bonne conduite.
Il veillait à mes fréquentations, faisait le tri de ceux qui pouvaient un jour aspirer à me mériter et il les regardait tous, sans exception, avec cet œil inquisiteur et méfiant du rival, suspicieux et peu enclin à l’indulgence.
Il se voulait aussi le féroce gardien de ma virginité et me le faisait savoir avec cette insistance irrécusable qui rappelait celle des commandements du Sinaï... Je devais parvenir avec son aide à un hypothétique mariage, l’hymen pur et inviolé... Et il voulait se voir dans cet avenir improbable, comme le géniteur d’une vierge, que dis-je, d’une vestale, à laquelle, alors, mais alors seulement, il donnerait sa bénédiction.
Règles, carcans, camisoles de toutes sortes faisaient ainsi de ma vie de jeune fille, avec cette bienveillance paternelle qui finissait par m’étouffer peu à peu, une sorte de couloir sans fin dont les parois se rétrécissaient au fur et à mesure que j’avançais vers cet horizon qui ressemblait de plus en plus à un timbre-poste.
Mon père était l’homme que j’aimais le plus et je le détestais. J’avais envie de le combattre pour me libérer de ces liens serrés où il me tenait prisonnière et pour lui dire que d’autres temps étaient venus, que je manquais d’air et que jamais, avec de tels préceptes, je ne parviendrais à trouver un mari. Mais c’était offensé. Comme le disent les juifs, « c’était péché » et il ne voulait pas en entendre parler, ni même commencer avec sa fille le moindre début de discussion sur un sujet qui devenait chaque jour pour moi une véritable obsession.
Vierge... Vierge... Vierge... Ce mot si pur finissait par me hanter et transformait mes rêves, chaque nuit davantage, en cauchemars lancinants où je me voyais traînée devant l’autel du mariage, enchaînée à ma ceinture de chasteté, consolée par une mère impuissance et sourde à mes appels.
Je me voyais alors emportée vers mes noces par un père qui me menait à l’abattoir de la consommation matrimoniale avec cette obligation, venue de la nuit des temps, d’étendre à la fenêtre au petit matin de la première nuit, le drap de notre lit dont la tache de mon sang allait prouver à l’univers entier mon irréprochable conduite.
Tout cela m’avait conduite à des dérèglements. Ma pauvre cervelle ne parvenait plus à supporter les irrésistibles pulsions de ma chair que les tentations de ma beauté faisaient naître de-ci de-là. Je n’étais plus que désir et frustration... Je voulais aimer librement, sans entraves, me laisser caresser et mordre à pleines dents cette vie qui s’offrait à moi et que mon père m’interdisait.
Je voulais... Je voulais... Et je ne pouvais pas ! Chaque fois que l’amour m’appelait, chaque fois que j’entrouvrais la porte d’une chambre où mon corps mis à nu allait rencontrer celui d’un autre, l’image de mon père surgissait de l’ombre et sa voix, comme celle de Jéhovah, se mettait à retentir dans les nuages du plafond et me terrorisait.
Chaque fois que se concrétisaient ces apparitions dans la chambre que j’aurais voulue d’amour, je m’enroulais dans les draps, fermais les yeux, me bouchais les oreilles pour tenter d’échapper au tyran.
Le seul qui parvenait alors à s’échapper, pris de panique devant un tel comportement dont il ignorait les motifs, c’était ce compagnon d’infortune que j’avais entraîné là et que, bien sûr, je ne revoyais plus jamais !
Il me fallut un jour demander à mon père l’autorisation de consulter en arguant de problèmes de femme, mystérieux, secrets et abscons touchant à la psychologie, à la psychanalyse, à des troubles freudiens dont malheureusement sa fille se sentait atteinte, sans lui avouer cependant qu’il pouvait être le responsable de tout cela.
Mon père que j’aimais tant, ce despote auquel tous devaient obéissance et respect décida cependant de me faire payer cher cette autorisation qui faisait peser sur lui de nouvelles obligations financières.
L’analyste que j’avais choisi demandait en effet à être réglé de ses honoraires à chaque début de mois ce que mon père, inexplicablement, refusait de faire, retardant sans motif le règlement du praticien qui ne cessait de me le réclamer.
Aux maux qui étaient les miens et qui avaient engendré cette analyse s’ajoutèrent dès lors les réclamations financières du médecin, mes demandes réitérées adressées à un père impassible et les affres vécues tout le long du mois avant de savoir si les honoraires seraient ou non payés à l’échéance demandée.
Cruelle maladie que celle que vous transmettent les êtres que vous aimez, ceux-là dont on dépend parce qu’on a pas d’argent, ceux là qui vous font souffrir parce qu’ils savent que cette ponctualité que vous ne pouvez pas respecter v