Le Biniou ensorcelé
68 pages
Français

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Le Biniou ensorcelé , livre ebook

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Description

« Alors, une indescriptible panique s'empara du garçon. Il se mit à trembler, rassembla ses hardes et, sans quitter l'instrument des yeux, gagna la porte. Dès qu'il fut dehors, il partit, tout courant, sans demander son reste. Il n'avait pas fait trente pas qu'il entendit le chant continuer à résonner derrière lui. La peur au ventre, il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et vit l'instrument, qui courait après lui, ses deux bourdons lui servant de jambes. Fou de terreur, Grégoric pressa l'allure, mais le biniou semblait régler sa course sur la sienne ; plus il allait vite, plus l'autre courait, et s'il ralentissait, même conduite. Quand il s'arrêta un moment, hors d'haleine, le biniou stoppa à son tour ; son chant se fit alors plus grinçant et plus ironique. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342006544
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Biniou ensorcelé
Daniel Tharaud
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Biniou ensorcelé
 
 
 
Pour Cédric et Fanny, et tous les enfants qui aiment la musique et les histoires.
 
 
 
 
Le petit joueur de pipeau
 
 
 
De l’endroit où il se trouvait, Panagiotis, le petit berger Chypriote, voyait un grand morceau de mer bleue s’étendre jusqu’à l’horizon. Comme le matin était clair, il ne se lassait pas de regarder la multitude des barques de pêcheurs qui gagnaient le large, leurs voiles blanches tendues par la brise. C’était un spectacle enchanteur qui le faisait rêver.
Ce matin-là, un grand bateau glissait vers le lointain. Panagiotis, qui n’avait encore jamais mis le pied sur un grand navire – tout juste avait-il accompagné quelques pêcheurs, qui ne s’éloignaient guère des côtes – se mit à songer au bonheur de ces heureux voyageurs qui parcouraient le monde et devaient y découvrir mille merveilles, que lui, pauvre berger parmi les pauvres, n’aurait certainement jamais l’occasion d’admirer.
Oh ! ce n’était pas qu’il s’ennuyât sur son île. Non. Il la trouvait très belle et très pittoresque, et la vie n’y était pas monotone ; mais quand on est enfant, tout ce qui est inconnu et lointain contient un charme plein de mystère.
Il imaginait des paysages magnifiques et des aventures fabuleuses. Mais l’image du navire s’estompa peu à peu, comme engloutie par la mer, et notre petit berger se remit à tailler son pipeau.
C’était là son occupation favorite. Oh, ce n’était pas un travail facile ! Il fallait d’abord trouver le bois, pas trop tendre et bien sonore. Puis, le creuser dans son milieu. Cette opération faite, s’il sonnait bien quand on le frappait contre une pierre, il convenait de placer les trous pour les doigts, au bon endroit, afin que l’instrument émette des sons harmonieux à l’oreille. C’était une besogne délicate à laquelle il apportait beaucoup de soins. Mais quand le pipeau était réussi, quelle joie de jouer dessus les airs favoris et de faire résonner les collines de trilles joyeux.
Panikos – c’était le diminutif par lequel l’appelait sa mère – prenait ses moutons à témoin de son talent. S’ils se groupaient autour de lui et semblaient écouter son concert avec attention, il était certain que son instrument méritait d’être aimé, et il s’appliquait à l’orner de fines sculptures pour en faire un objet précieux que les autres bergers lui envieraient, quand il rentrerait au village. Parfois même, il ajoutait quelques points de couleur, en utilisant une certaine terre rouge ou en pressant le suc de petites plantes qui donnait au bois une jolie teinte jaune. Panikos était très fier de ses pipeaux.
À part ses moutons, le premier témoin de ses succès était son ami Bafou. C’était un petit berger comme lui. Ils se connaissaient depuis l’enfance et leur amitié était solide.
Ainsi, s’entendaient-ils pour faire paître leurs troupeaux l’un près de l’autre. Cela leur permettait de ne pas se sentir trop isolés et de partager leurs repas ; parfois même, de discuter un moment ou de jouer un peu ensemble, quand les moutons paraissaient bien tranquilles. Bafou aimait beaucoup Panikos. C’était son seul ami ; car, autant le petit joueur de pipeau était ouvert et gai, autant il était sombre et réservé. Panikos était petit, vif et rapide, Bafou était gros, lent et placide. Au village, beaucoup de gens se moquaient de ce garçon joufflu que la timidité rendait silencieux et qui se tenait toujours à l’écart. Il ne voulait pas se mêler aux autres camarades et rire avec eux, car quand il riait, ses joues se mettaient à ballotter de si curieuse façon que l’hilarité devenait générale ; et le pauvre berger n’avait qu’une hâte, celle de se retrouver seul au milieu de ses moutons.
Et encore, rire n’était rien, le pire était quand il se mettait à trembler. Et Bafou tremblait souvent. Oh, pas de froid, mais de peur ! Bafou était horriblement peureux. Et quand la peur le prenait, pas seulement les joues, mais tout le corps se mettait à trembler. On eut dit un gros morceau de gélatine agité par une force intérieure.
Le pauvre Bafou en éprouvait une grande honte. Aussi, quand la moindre inquiétude le prenait, se sauvait-il vivement et s’allait-il cacher pour échapper à la risée que son agitation provoquait.
Au début, Bafou avait bien essayé de dissimuler cette infirmité, mais trop souvent, la peur le paralysait et ses jambes n’étaient plus capables de le porter. Aussi, chacun au village savait qu’il était un poltron, et Bafou n’en éprouvait qu’un plus grand désir de solitude. Quand il se retrouve, sur la colline, au milieu de ses bêtes, loin des regards moqueurs des autres garnements, Bafou cherche un moyen d’échapper à ces accès de terreurs qui le font tant trembler. Il se dit qu’il est fort, qu’il devrait se battre… mais dans le même temps, rien que l’idée de prendre aussi des coups le fait frémir…
Pourtant un jour, bien décidé à se guérir de ses faiblesses, Bafou s’est mis à se confectionner un gros gourdin. Muni de cette arme rudimentaire, il résolut de partir en campagne et, tel un petit Don Quichotte, se mit à défier tout ce qui se trouvait sur son chemin : arbre mort, fourré d’arbrisseaux, grosses pierres, herbes hautes et même parfois, papillons ou abeilles…
Bien vite, il se sentit très adroit pour manier son bâton, et le goût lui vint d’améliorer son équipement. Ainsi, pendant que Panikos taillait ses pipeaux, Bafou se mit à fabriquer ses bâtons. Il choisissait de jeunes branches de bois dur et les préparait soigneusement à sa main. Pour les rendre plus effrayants, il sculptait des têtes de diables et de dragons sur leur tige et sur leur pommeau.
Ainsi équipé, notre berger se sentait plus fort et comme rassuré sur ses craintes.
D’ailleurs, comme il passait chaque jour plusieurs heures à livrer des batailles contre des ennemis imaginaires, il sentait ses bras devenir plus vigoureux et ses jambes plus alertes. Panikos l’encourageait dans ces entreprises, et Bafou priait, le soir, pour que son cœur devienne aussi vaillant que son bras.
Un jour, alors que nos deux amis passaient par le village avec leurs bêtes, ils trouvèrent plusieurs bergers rassemblés sur la place. On y parlait très fort, et certains faisaient de grands gestes de colère. Ils apprirent que des voleurs de moutons opéraient dans la région depuis quelques semaines, et qu’ainsi, de nombreux troupeaux avaient vu leur effectif diminuer de cinq ou six têtes. Un berger, qui avait surpris deux hommes occupés à cette besogne, avait été sévèrement rossé.
En entendant cette histoire, Bafou se mit à trembler, mais, comme les bergers étaient fort échauffés par leurs discussions, personne ne le remarqua.
 
Bien sûr, on avait averti les autorités, mais personne ne se faisait d’illusions. Comment pouvait-on surveiller tant de petits troupeaux qui se déplaçaient d’une colline à l’autre ?

Un vieux berger qui connaissait Panikos et l’aimait bien, lui dit :
— Si l’on veut te prendre tes bêtes, ne dit rien petit, laisse faire, car ces vauriens n’hésiteront pas à te faire du mal.
— Qu’ils viennent ! s’écria inconsidérément Bafou.
Ce fut un éclat de rire général, et le berger, pendant que le pauvre garçon se mettait à nouveau à trembler, lui tapa sur l’épaule sans rien dire…
Panikos entraîna son ami vers les moutons, et tous deux rentrèrent à la bergerie. Le petit joueur de pipeau ne savait que dire à son compagnon, qui marchait, tête basse, sans oser le regarder.
 
Le lendemain, quand Panikos réunit ses bêtes, il constata que son camarade était déjà parti. Ils devaient mener leurs moutons sur l’endroit que tous deux aimaient tant. Cette colline qui avait une si belle vue sur la mer. Un ruisseau, qui dévalait allègrement sur ses pentes, semblait la séparer par son milieu, et nos bergers étaient accoutumés de s’installer l’un vers l’Est, l’autre vers le couchant. En arrivant, Panikos remarqua que Bafou était déjà là. Il le voyait, de loin, s’affairer à manœuvrer son couteau sur une grosse branche.
 
Il lui fit un signe amical de la main, auquel l’autre répondit de joyeuse façon. Il semblait avoir oublié sa honte de la veille. Notre petit joueur de pipeau se sentit consolé. Il aimait sincèrement son compagnon et souhaitait trouver un moyen pour l’aider à dominer sa couardise. Quand l’heure du midi fut venue, Panikos prit son pipeau et joua l’air convenu pour le déjeuner. Aussitôt, l’autre leva gaiement son bâton, prit sa musette et le rejoignit près du ruisseau.
Ils aimaient se rencontrer là ; pas seulement pour partager un maigre repas, mais aussi pour se raconter leurs idées, leurs rêves, leurs craintes ou leurs espoirs. C’est là que leurs chiens venaient se désaltérer avant de retourner veiller sur les troupeaux, c’est là qu’était née leur amitié.
Parmi tous les endroits où il leur était permis de faire paître leurs bêtes, c’est celui-là qu’ils préféraient.
Sans rien dire, Bafou posa son nouveau bâton près de lui et sortit les aliments de son sac ; Panikos remarqua que le gourdin était de belle taille, bien équilibré et que son pommeau s’ornait d’une tête de diable. Bafou mangeait sans parler, l’air joyeux, mais son regard, plus qu’à l’accoutumée, surveillait les bêtes et scrutait la...

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