Mémoire d'un autre temps au Rwanda - Tome 5

Nicole Toch

Description

«?Mais un esprit éclairé vous dira : ‘‘Voyez ce vieil homme, têtu et trop fier. À force de ne pas vouloir voir plus loin que le bout de ses traditions, il a tué son fils et sa belle-fille ! Ainsi, il se retrouve sans descendance... L'orgueil est vraiment un vilain défaut, car qu'a-t-il gagné maintenant ? Il est seul. Qui le protégera contre les bandits lorsqu'il y en aura vraiment ? Qui veillera sur les vaches maintenant ? Qui s'occupera de lui lorsqu'il lui sera difficile de se déplacer et que la vieillesse l'aura rattrapé ?''?» C'est à une nouvelle excursion sur les terres rwandaises que nous convient Nicole Toch et sa fille Evelina Merlo. Contes et chroniques s'entremêlent, légendes et leçons de vie se conjuguent : une aventure dépaysante au cœur de la culture africaine, épaulée par un visuel toujours aussi riche et évocateur.

Sujets

• Folk Tales
• Fairy Tales
• Ruanda
• Légende (Wieniawski)
• Legends
• Mythology
• Récit initiatique
• Rwanda
• Fiction
• Contes
• Nature
• Légende
• Littérature
• Afrique

Informations

• Publié par: Société des écrivains
• Date de parution: 17 février 2017
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782342150827
• Langue: Français

Extrait

Ce livre est dédié à ma mère qui mourut le 11 janvier 2010. C’était son projet de publier ce livre, et j’ai voulu qu’il aboutisse, même si elle n’est plus.
Avant-propos
Ceci se passe dans les terres du milieu, ces lieux où les pharaons eux-mêmes allaient pour collecter leurs pierres précieuses et leur or. Plus précisément dans la région des mille collines, aujourd’hui communément appelée le Rwanda.
Ces histoires se passent dans des contrées si lointaines et secrètes que nous en tairons les noms et leur emplacement.
Dans ce royaume, les Hommes et les animaux peuvent se comprendre ; certains ont des pouvoirs, d’autres pas. Mais chacun est indispensable à l’autre…
Il n’y a pas beaucoup de personnes qui peuvent se vanter d’avoir eu le privilège d’être allées dans ce royaume, mais celles qui eurent le courage de revenir – je dis courage car il en faut vraiment pour quitter ces contrées paisibles et ce pays magnifique – nous sont revenues avec des histoires afin de nous faire connaître ce fabuleux endroit.
On dit que les portes qui mènent à ce royaume sont plus nombreuses qu’on ne le pense, mais elles sont bien cachées… Elles se trouvent au bout de longs chemins de pèlerinage et elles ne s’ouvrent qu’aux cœurs purs et méritant d’y accéder. Alors, que les cœurs sages écoutent ces histoires et que ceux qui écoutent ces histoires deviennent plus sages encore…
Ngondo za Rugondo
Un proverbe en Afrique dit : « lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre ».
En effet, la fin d’une histoire est le début d’une nouvelle, et celle-ci débute avec la fin de la vie d’un homme qui avait bien vécu et qui, avant de mourir, désirait faire le partage de ses biens entre ses enfants pour les aider à bien commencer leur vie.
Deux troupeaux de vaches furent donnés à l’aîné, et le cadet reçut ici de quoi décourager le plus vaillant des hommes : un grenier, également nommé ikigega .
Ce grenier était censé accueillir des grains de maïs, des haricots, du sorgho… Mais le vieil homme n’avait pas de champ à cultiver, donc il était resté vide et ce durant des années… Vous comprenez maintenant la déception du cadet face à cet héritage !
Lorsque le père offrit l’ ikigega à son benjamin, il lui recommanda d’aller l’inspecter chaque matin et chaque soir, comme font les propriétaires de bétail qui vont visiter leurs bêtes…
Puis, il lui serra la main pour lui faire comprendre qu’il devait lui faire confiance.
Le garçon fit ce qu’on lui avait demandé et, chaque matin ainsi que chaque soir, il allait regarder dans son ikigega , sans vraiment comprendre ce que son père voulait lui dire par là. Mais il avait confiance, donc il essaya de ne pas se poser trop de questions.
Le premier soir, le garçon ne vit rien ; le lendemain non plus et ainsi de suite jusqu’au quatrième soir où il se décida quand même à aller parler à son père. Ce dernier lui répondit qu’il devait accepter ce qu’il lui donnait sans se plaindre, car d’autres n’avaient rien !
L’enfant s’excusa et repartit.
Puis, un beau jour, alors qu’il retournait le matin pour visiter son ikigega , il eut une surprise.
Il y trouva une vache et un taureau ! Pris de panique, il recula et ferma la porte. Il se rendit chez son père pour lui demander :
— Père, vous m’avez donné un ikigega . Ne pourriez-vous pas me donner aussi un cyansi et un injishi (une cruche à lait généralement taillée dans du bois d’érythrine, et une corde en écorce de bananier tressée pour attacher la vache lors de la traite) ?
Ensuite, il sourit et raconta à son père ce qui lui était arrivé. Celui-ci lui rendit son sourire et accepta sa requête.
Le lendemain soir, le garçon prit sa cruche, sa corde et de quoi manger. Puis, lorsque tout le monde fut endormi, il se rendit à son ikigega et partit avec sa vache et son taureau à l’aventure.
Si le garçon prit cette décision, c’était pour éviter d’avoir des problèmes avec les aînés qui auraient réclamé la vache et le taureau, car le benjamin n’en avait reçu aucune ! Il marcha durant plusieurs jours en se dirigeant vers une très grande forêt profonde. Là, il se construisit un abri de berger, aussi nommé ikiraro , pour y passer quelque temps.
Au matin de son départ, la famille ne trouva plus trace de lui. Après l’avoir cherché partout, ils finirent par penser qu’il était mort ou qu’il avait été tué. Ils firent leur deuil puis la vie continua et son souvenir commença à s’effacer petit à petit des mémoires…

Là-bas, la vache eut beaucoup de veaux ; ainsi, le troupeau s’agrandit avec une particularité : toutes les vaches et les taureaux avaient la même couleur, la couleur rugondo , c’est-à-dire un mélange de blanc et de brun…
Le garçon vivait seul dans cette grande forêt avec son troupeau. Sa maison était tellement isolée qu’il ne rencontrait personne.
Malgré tout, un jour que le garçon était en train de nettoyer une petite source pour préparer l’eau à boire pour ses vaches, vint à passer par là une vingtaine de jeunes filles qui venaient couper du bois. Voyant le garçon occupé, elles lui demandèrent de l’eau à boire mais le jeune homme refusa :
— Non, je ne peux pas vous donner de cette eau car mes vaches refuseraient d’en boire après. Elles sont très particulières !
Mais les filles ne se laissèrent pas décourager et se présentèrent les unes après les autres, sûres qu’il finirait par céder à l’une d’entre elles qu’il trouverait la plus jolie. Il refusa jusqu’au tour de la plus belle fille du groupe…
Elle était tellement belle que les hommes, aussi difficiles qu’ils fussent, ne résistaient pas à son charme ! Elle s’approcha doucement du garçon et lui demanda à boire, de la voix la plus douce. Le garçon, face à sa beauté, hésita, mais lorsqu’elle lui sourit, il fut ébloui un instant, oubliant ce qu’il faisait…
Le temps semblait s’être arrêté, la jeune fille était belle comme la lune et ses dents étaient blanches comme des perles et lorsqu’elle parlait, sa voix était si mélodieuse qu’elle faisait balancer le cœur de celui qui l’écoutait.
Alors, comme hypnotisé, sous l’effet de son charme, le garçon lui donna à boire !
Lorsqu’il reprit ses esprits, il était trop tard, il savait que les vaches allaient refuser cette eau. Alors, avec un grand soupir, il prit ses outils pour aller nettoyer un autre endroit. Pendant ce temps, la jeune fille, ravie et fière d’avoir obtenu ce que tant d’autres avaient essayé en vain, resta un peu auprès du garçon. C’est là qu’elle constata, qu’en effet, les vaches se détournaient de l’eau que le garçon avait donné à boire à la jeune fille. Elle comprit qu’il était obligé d’aller nettoyer un autre endroit pour que les bêtes puissent enfin boire.
Devant cela, la jeune fille eut des remords d’avoir insisté pour une chose dont elle pouvait se passer et d’avoir causé tant de travail supplémentaire au garçon. Confuse, elle lui présenta ses excuses, puis lui tint compagnie un moment avant de repartir avec ses compagnes.
Lorsqu’elle rentra chez ses parents, elle leur confia qu’elle avait rencontré un gentil jeune homme. Elle fit tant d’éloges à propos de sa gentillesse, de sa beauté et de son courage… que les parents rirent de voir leur fille éprise. D’habitude, c’était elle qui faisait tourner les têtes…
De son côté, le jeune homme reprit le chemin de la forêt avec son troupeau. Il vit une antilope passer près de sa cabane et, comme cela faisait longtemps qu’il n’avait plus mangé de la viande, il prit sa lance et la...