Denise
340 pages
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Denise , livre ebook

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Description

Dans le petit village du Marchais, au cœur du bocage gâtinais, vivent Victor et Madeleine, entourée de leur quatre enfants. Il y a l’aîné, Marcel, né hors mariage mais que Victor aime comme son propre fils, le pauvre Armand qui souffre d’une infirmité qui l’empêche de se déplacer aussi librement qu’il le souhaiterait, puis Ferdinand et enfin la petite Denise. La vie est rude à la maison, Madeleine ne manque pas d’ouvrage, mais la famille est unie. Les années passent, la guerre éclate, et Marcel se retrouve enrôlé comme tant de jeunes à cette époque-là tandis que Victor est réformé à cause de ses graves engelures. Il se gage pour les mois d’été, afin d’aider pour les moissons, puis se charge,lors des battages, d’ensacher le blé, l’avoine et l’orge afin d’épargner ses pieds qui le font toujours autant souffrir. Denise, elle, commence son apprentissage de couturière durant ses vacances à Bourg-en-Plaine, une bourgade bien plus animée que ce qu’elle a connu jusque-là. Mais sur le front, Marcel va faire une singulière rencontre en la personne de son nouveau commandant, le capitaine Paul Henri du Plessis...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414274277
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0135€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-27428-4

© Edilivre, 2019
Chapitre 1
Victor traînait son pas lourd de fatigue sur le chemin du retour. Le soleil d’octobre avait disparu derrière la ligne de châtaigniers. Il pressa l’allure pour traverser le bois avant que la pénombre l’envahisse. Quand il le pouvait, avant qu’il ne fasse trop noir, il prenait ce raccourci. Il gagnait ainsi une demi-heure sur son trajet. Il s’arrêta un instant pour changer d’épaule la bretelle de sa musette car cette douleur lancinante venait encore de se réveiller. Il faut dire qu’il avait bien quatorze à quinze livres de châtaignes qui tiraient sur la courroie de cuir en plus de sa grosse veste de drap délavé, placée en travers de la besace. Il reprit sa route, faisant de temps à autre sonner les semelles ferrées de ses galoches sur les pierres du chemin. Le crissement de ses « basanes » (sortes de guêtres en cuir dur et épais) accompagnait chacun de ses pas. La journée avait été dure.
Depuis trois semaines, c’était le charroi du fumier. Cela allait encore durer quinze jours pour lui car on l’attendait dans deux autres fermes pour commencer les semailles. Il avait ainsi quatre patrons qui l’employaient par fractions de deux à quatre jours, selon leurs besoins. Il était toujours attendu pour les tâches les plus pénibles, les plus ingrates. Les valets qui étaient gagés pour trois ou neuf mois, faisaient le travail courant, choisissant le plus facile, laissant aux journaliers ; foins, moissons et semailles. C’était comme cela car une sorte de jalousie existait entre valets et journaliers. Les journaliers gagnaient un peu plus alors il était normal qu’ils fassent le travail le plus éreintant. Aussi charger le fumier était vraiment très épuisant. Il fallait arracher chaque fourchée du tas en tirant assez fort sur le manche de la fourche, pour en démêler la longue paille, soulever assez haut et pousser le paquet fumant sur le tombereau. Les journées encore chaudes de cet automne augmentaient la difficulté de la besogne. Le fumier dégageait une odeur âcre d’ammoniaque et surchauffait les pieds des travailleurs. Il fallait une grande habitude pour respirer et ne pas suffoquer avec l’émanation du gaz qui s’y dégageait. La sueur ruisselait sur les visages. Les chemises de laine étaient trempées mais jamais personne ne se découvrait. On avait très peur du courant d’air qui conduisait tant d’imprudents vers le cimetière. Au contraire, on resserrait davantage la large ceinture de flanelle grise autour de sa taille. Les basanes servaient ici à protéger le bas du pantalon de velours côtelé et aussi des malencontreux coups de fourche. Bien ajustées sur les tiges des chaussures, elles empêchaient le fumier de glisser à l’intérieur. Ailleurs, elles retardaient la pénétration de l’eau ou de la rosée des petits matins quand on effeuillait les betteraves. Tel un petit blindage, elles étaient utiles au travail des haies et du bois. Les épines retardaient moins l’ouvrier par leurs égratignures et il se trouvait plus à l’aise lors du fagotage.
Son épaule lui faisait toujours mal. Ses rhumatismes se réveillaient. Demain, nous aurons de la pluie, pensa-t-il. La gelée blanche du matin et le soleil se couchant plus pâle, annonçaient le changement de temps. Le vent n’était pas encore de galerne mais il y descendrait probablement cette nuit. Il réajusta son sac en essayant de soulager cette articulation douloureuse. Tout son avant-bras le faisait souffrir.
La vérité c’est qu’il y a cinq ans, alors qu’il était en pleine force, il avait été victime d’un accident. Cet hiver-là, n’ayant pas trouvé à se gager, il avait opté pour faire un chantier de bois. Ce jour-là, il ne faisait pas beau. La pluie fine et froide de décembre avait dissuadé d’autres bûcherons de se rendre à leurs coupes. Ceux qui y étaient allés, étaient rentrés très tôt, transis de froid par le crachin glacé que le vent rendait encore plus pénétrant. On sait qu’il est dangereux de bûcher le bois mouillé. Mais Victor avait décidé de finir son abattage. Aux vacances de Noël, Marcel, son fils aîné qui avait onze ans, viendrait l’aider. Il rangerait les rondins en un tas rectiligne sur un mètre de haut pendant que son père, armé d’un feuillet, scierait les perches à longueur.
Il fallait donc qu’il continue car il avait besoin de l’argent gagné à cette tâche. Une fois le travail terminé le propriétaire viendrait mesurer. Il payait généralement tout de suite. Ce gain, Victor en plaçait une partie car il avait des projets de travaux pour la maison qu’il avait achetée quelques temps avant. Et puis, Armand, son second fils lui coûtait cher. Il était atteint d’une maladie inconnue qui lui atrophiait une jambe. Madeleine, son épouse, était enceinte pour la quatrième fois. Elle serait obligée d’arrêter bientôt ses journées au lavoir. Elle avait déjà renoncé aux quelques sous que lui procurait l’allaitement d’un nourrisson du village.
Seul dans le bois, il fallait donc qu’il continue sa journée jusqu’au bout, jusqu’à la nuit. Sa hache s’abattait sur les pieds de châtaignier en faisant voler d’énormes copeaux. Une à une, les perches tombaient, lâchant de sinistres craquements, ultimes plaintes que transportait le vent dans la forêt. La pluie tombait toujours et les derniers cris d’oiseaux avaient maintenant cessé.
Comme tous les jeudis, Marcel lui avait apporté le déjeuner sur les coups de midi. Sa mère avait glissé une chemise et un gilet sec dans le grand sac. Marcel aimait venir voir son père travailler. Il l’admirait beaucoup. Son adresse à manier la cognée le fascinait. En fait, Victor n’était pas son père. Marcel était né avant le mariage. Les voisins l’appelaient Marcel le « champi ». Le gamin était reparti à contrecœur. Il aurait voulu soulager son père en restant à l’aider un peu. Mais Victor avait insisté, lui recommandant de se sécher dès qu’il serait arrivé à la maison.
– Aujourd’hui il fait trop vilain mais la semaine prochaine, s’il fait beau, tu viendras m’aider à mettre en stères.(ceci consistait à empiler le bois, scié en rondins d’un mètre de long, en en tas d’un mètre de haut pour pouvoir en mesurer le volume. Un stère est égal à un mètre cube.)
Au soir, la taille avait avancé. Maintenant, Victor était vraiment seul dans la forêt. Il n’entendait plus rien sur les côtés. Les coups sonores, ponctués de « han », suivis des râles émis par les troncs qui chancellent et tombent, s’étaient arrêtés. Les autres bûcherons avaient regagné leurs demeures pour se sécher. Plus personne, seulement le vent qui criait dans les cimes et le bruit de sa hache résonnant dans la futaie. Les perches, en tombant, faisaient vibrer alentour le sol détrempé. Après une courte accalmie, la pluie se remit à tomber encore plus drue. Il sentait l’eau ruisseler sur son dos et sur son visage se mélanger à la sueur. Le petit bois était rangé en une ronde, en attendant d’être fagoté. Ce soir il finirait donc son abattage. Derrière lui se dessinait un couloir d’une vingtaine de mètres de large sur deux cents de longueur. C’était une saignée dans le taillis où, seuls restaient les baliveaux, tourmentés par le vent qui s’élançaient vers le ciel en attendant le jour où, suffisamment développés pour devenir poutres, madriers ou bois de travail de menuiserie, les dents du « godelant » des bûcherons viendront s’enfoncer dans leurs troncs. Ce jour là, ils vacilleront à leur tour, puis tomberont dans un grand vacarme, offrant leurs billes presque rectilignes aux lames acérées des outils.
On voyait et on se rendait compte du travail que Victor avait dû fournir depuis le milieu d’octobre. Il en était à sa dernière « taffée » de châtaigniers. Neuf à dix perches la composaient, dont l’une plus grosse que les autres, penchait du mauvais côté. De plus, le vent qui s’engouffrait dans la percée, poussait la cime des arbres. Victor eut un frisson. L’eau avait transpercé ses vieux vêtements et il sentait l’humidité gagner. Il réajusta sa ceinture de flanelle pour maintenir ses reins au chaud. Il essuya le manche de sa cognée à son genou puis à son gilet : tout était trempé. Il attaqua le pied en surplomb du côté du vent. Les copeaux jaillirent blancs et réguliers. La hache s’enfonçait une fois en haut, une fois en bas de l’entaille. Elle avait atteint le cœur du châtaignier. Chaque coup provoquait la chute de milliers de gouttelettes. On aurait pu croire que l’averse devenait plus forte. Victor ne sentait plus le froid. Le travail le réchauffait et il en avait presque fini pour aujourd’hui. Il était cinq heures, la nuit tombait. Victor était tout de même satisfait de sa journée. Soudain un craquement. Le pied de la perche de châtaignier venait de se fendre au niveau de l’entaille. La cognée glissa et rebondit sur le bois mouillé. Victor fut déséquilibré, il chercha à s’abriter derrière les autres brins encore debout. Une douleur vive à la jambe le mit à genoux. Il s’affaissa. Une bourrasque poussa l’énorme perche. Elle tomba violemment sur lui. Victor se sentit aplati au sol. Une immense charge pesait sur son épaule gauche. Il ne pouvait plus bouger, il était prisonnier : la perche tenait encore à sa base. Il était dans un étau. Le sang coulait chaud dans la main qui comprimait la plaie de sa cuisse ouverte. Son épaule lui sembla brisée. Il ne sentait plus son bras gauche. Il essaya de se libérer, rien à faire. La douleur était atroce. Il avait chaud à l’intérieur. Respirer devint pénible. La nuit enveloppa le chantier. Plus un bruit dans la forêt, seulement le vent et la bruine qui le transit. Victor essaya encore de se sortir de cette nasse mais la douleur fut trop forte, il s’évanouit.
Le son lointain des c

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