Dernier de lignée
170 pages
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Description

1960. Dans une bourgade de France, une famille de l'ancienne noblesse française tente de maintenir son rang en appliquant les principes de loyauté de l'Ancien Régime malgré les aléas de la politique moderne.

Et pour se convaincre aussi que les défauts humains ne sont pas irrépressibles.

Cet ouvrage a reçu le Prix de Littérature de la Fondation de France le 23 Mars 1983.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782332808790
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-80877-6

© Edilivre, 2015
Du même auteur
Du même auteur :
– Poèmes inédits de chansons
– Nouvelles brèves
Série Policière « Al Stabritt, Détective Privé » :
– Le rire de la peur
– La main du diable
– Violences feutrées
– Incendie au Grant Hôtel
Romans :
– Gorgonie (ou La maison à béquilles)
– Le Baron Sampain (ou Les Mondanités)
– Pousse d’ivraie (ou une Leçon de Vie)
– Dernier de Lignée (ou Noblesse oblige)
Dernier de lignée
 
 
Œuvre de Fiction
Toute ressemblance avec des événements ou des personnes existants ou ayant existé serait fortuite.
Tous droits réservés
Copyright Géraud de MURAT
 
 
Du Château, il ne restait que ruines. Dominant de haut le large fleuve dont, cent mètres en amont, un bras s’était détaché pour passer tout près et s’associer, en le soulignant, au fier défi par lequel, ainsi dressées, elles attestaient encore de leur majesté passée.
En ce lieu, l’homme avait profané puis détruit un chef-d’œuvre de l’homme. Malgré l’oubli du temps, la crête des murs, indélébilement noircie, accuserait toujours les traces de l’incendie révolutionnaire tandis que les pierres, étonnamment blanches, paraissaient avoir été lavées du viol par la pluie et purifiées des contacts sauvages par le soleil.
Il surprenait d’autant que l’environnement fût aussi soigneusement entretenu. Visiblement tracées sur les dessins originaux, les pelouses étaient rigoureusement tondues et d’immenses massifs de fleurs s’épanouissaient un peu partout en dégageant cependant l’entrée de la vaste Cour d’Honneur paradoxalement intacte.
Seule discordance apparemment voulue, un énorme cèdre calciné et figé en avant-garde d’arbres séculaires, tendait vers le ciel des branches implorantes en imposant fortement l’étrange sensation d’une présence permanente, invisible gardienne d’un mystère.
Alban de Sancilly, le Marquis de l’époque tout à coup devenu ci-devant, avait confié à sa descendance un testament oral. Plusieurs fois, et afin qu’ils complètent les terribles images qu’ils avaient pu conserver du drame, il avait répété à ses deux fils de quatre et cinq ans les moindres détails de la soirée tragique.
Ainsi était-il certain qu’ils pourraient, à leur tour, transmettre à leurs propres descendants un récit les incitant à en perpétuer le souvenir tout en respectant le devoir sacré qu’il avait instauré.
Déjà informé des troubles qui secouaient la Capitale depuis quelque temps, le Marquis n’ignorait pas l’éventualité d’un déferlement subit et désordonné vers la Province. Il savait que le pire pouvait se produire et que nul n’aurait alors la possibilité d’y échapper puisque toute forme de protection lui apparaissait illusoire.
Attaché à son nom, responsable de ses gens, esclave de sa terre, il avait décidé de ne pas se laisser aller à la déshonorante solution de la fuite. Il se devait, pour son Pays, pour ses ancêtres, pour lui et les siens, de faire face. Le courage étant sa force, il pensait que, dépositaire d’une longue tradition de loyauté et de dévouement, sa seule présence suffirait à écarter tout danger.
Mais, en cette fin de journée ensoleillée, il comprit brusquement que tout était perdu et combien il avait eu tort de croire au pouvoir des plus louées des vertus. Remontant le chemin de halage, formés en horde déchaînée et brandissant les armes les plus diverses en chantant des refrains hostiles, des hommes se ruaient vers le Château.
Ce fût à peine si Baptistin, le garde forestier, avait eu le temps de partir en direction de la forêt avec les deux enfants lorsque le Marquis s’était élancé au-devant des émeutiers pour tenter d’arrêter leur fol assaut dévastateur.
En vain. Bousculé, frappé, piétiné, il crut que sa dernière vision de l’humanité serait, sur fond d’azur, cet affreux tableau fait de corps tendus dans la révolte et de visages déformés par une haine qu’il ne pouvait comprendre puisqu’il ne l’avait pas motivée.
Après le pillage, les hautes flammes éclairèrent toute la nuit la grandiose agonie du berceau ancestral.
À l’aube, les derniers vandales ivres de colère et d’alcool partis, Baptistin avait retrouvé, dans l’âcre fumée de la désolation, un corps pantelant qui devait rester infirme. Plus tard, ayant recouvré ses esprits, Alban de Sancilly mesurait toute l’étendue de la tragédie en constatant que sa femme avait péri dans l’incendie ainsi qu’en témoignaient, épars dans les décombres, des lambeaux du vêtement qu’elle avait porté ce jour-là.
Son merveilleux amour anéanti, cachant au plus profond de ses pensées l’ineffaçable souvenir de son bonheur, il pensa à ses fils, à son devoir. La fermeté de son caractère ne permettant pas de ne point survivre à une épouse adorée, sa volonté tira son corps douloureux vers une inlassable activité qu’il employa aussitôt à recréer sur place le foyer des Sancilly et la maison de Ferme principale abrita désormais sa tristesse désespérée et la précoce gravité de ses enfants.
Afin de faire disparaître toute trace des ravages autour des ruines, les pelouses avaient été reconstituées et ornées d’une floraison permanente pour faire des murs mutilés de son Château un haut lieu bien dans l’esprit de sa vénération.
Un sanctuaire dont il entendait que l’ensemble demeurât tel que l’avait laissé cette foule odieuse, atteinte d’une meurtrière folie, pour que tous les aînés des Sancilly acceptent, l’un après l’autre, la charge intangible d’en maintenir l’exemple.
Au cours des années qui suivirent, la Ferme fut transformée en une magnifique demeure. Des constructions successives avaient pu être réalisées grâce à des prodiges d’énergie car, en effet, le Marquis avait voulu que restât enfoui pour toujours sous les ruines le trésor familial disparu et recouvert par des cendres auxquelles nul n’aurait jamais le droit de toucher.
Les terres immenses, les épaisses forêts devaient suffire à l’élaboration d’une nouvelle sécurité pour ses descendants et les inciter à suivre filialement les désirs de son cœur.
Alban de Sancilly eut encore la force de vivre une quinzaine d’années. Le temps de voir ses fils devenir des hommes. Des hommes forts ayant fait leurs les idées paternelles. Il s’éteignit enfin, conscience en repos, dans un long soupir de soulagement et, ainsi qu’il l’avait exigé, il fut inhumé au pied du grand cèdre brûlé, symbole de la détresse humaine, face à ce gigantesque mausolée à ciel ouvert.
 
 
La pluie avait commencé en caressant les persiennes puis, peu à peu, intensifiant sa présence, elle semblait vouloir pénétrer ce domaine inconnu qui lui était refusé. Comme prise à son propre jeu, elle s’aidait du vent pour appliquer sur cette frontière des coups violents et de plus en plus rapprochés qui la faisaient gémir. Enfin, lassée par ses vains efforts, elle devint diluvienne pour marteler rageusement le rebord de la fenêtre.
Valérie, étendue sur son lit dans la pièce obscure, appréciait cette forte colère de la nature avec laquelle, ce soir là, son état d’esprit se trouvait en harmonie. Il lui plaisait que les éléments parussent approuver sa propre révolte tout en prolongeant l’écho d’intimes pensées chaotiques suggérant une action décisive et, dans le paroxysme de son inquiétude, elle souhaitait, de tout son être fébrile, une progressive détente qui lui permettrait de concrétiser une décision s’obstinant à la fuir.
La pluie ne cessait point mais, son ire calmée, elle s’était transformée en un bruit sourd et régulier, insidieux, berçant des idées enchevêtrées dont le sommeil s’emparait.
La faisant enfin sortir de l’ambiance onirique dans laquelle l’avait plongée le lourd repos de cette fin de nuit, la préoccupation subconsciente de Valérie l’avait réveillée et placée à nouveau devant la déplaisante réalité.
Elle en convenait, bien d’autres à sa place se seraient estimées satisfaites par une tranquillité matérielle à toute épreuve et auraient évité de prendre des initiatives susceptibles de venir la troubler. Mais, en ce qui la concernait, elle avait l’absolue conviction que la rencontre avec le bonheur passait avant tout autre considération.
Et c’est bien pour cela qu’elle se rebellait contre l’ordonnance ouatée d’une existence dont le climat sentimental, limité par de hautes barrières de respect, ne pouvait qu’écarter toute possibilité de changement… à moins que, se sachant parfaitement capable des pires audaces comme des renoncements définitifs, elle ne se décidât, ainsi qu’elle y pensait de plus en plus sérieusement, à provoquer la rupture des habitudes par un éclat quelconque…
Ce n’était cependant pas facile. Si, chaque matin en reprenant les gestes machinaux, elle ne pouvait s’empêcher de souhaiter ardemment la manifestation de cet événement auquel elle pourrait devoir de connaître la direction à prendre pour franchir la ligne qui bornait son horizon, elle ne l’accepterait, et elle le savait bien, qu’à la condition que cela puisse se faire sans dommage et que peines ou remords en soient exclus.
Oui, ses vingt ans frémissants s’impatientaient vraiment et leur hâte à s’exprimer ne cessait de l’opposer à la tradition avec une violence dissimulée mais chaque jour plus difficile à réprimer. La veille encore, elle s’était cabrée une nouvelle fois lorsque, chacun observant, après le dîner, un délai poli avant de se retirer, Bertrand lui avait dit d’une voix mielleuse :
– Ce serait une telle bonne chose si vous consentiez à épouser Ancelin de Sancilly…
Son oncle Bertrand, frère puîné de son père, était un Bénédictin de vocation tardive. Gravement blessé au cours d’une de ces petites guerres qui laissent de grandes plaies, il avait dû abandonner tout espoir de redevenir un homme normal e

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