Dernier dimanche de campagne
164 pages
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Dernier dimanche de campagne , livre ebook

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Description

En ce « dernier dimanche de campagne », Pierre attend...
Il attend que ce dimanche interminable passe, il attend que Mathilde lui revienne, il attend de pouvoir enfin vivre...
De cette attente vont naître de nouveaux rêves, se révéler nombre de pensées, se revivre d’insolites souvenirs. Pierre nous entraîne dans les méandres de ce qu’il a vécu ou de ce qu’il vivra au gré de sa fantaisie mentale. La fraîcheur de Marie nous enchante, Grand-Mère Julia nous régale de son franc-parler tandis que, comme Pierre, nous attendons sa Mathilde...
Et ce dernier dimanche que Pierre semblait tant redouter, qu’il craignait insipide en même temps qu’angoissant, prend une saveur toute particulière : celle des dernières fois...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 février 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332550460
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-55044-6

© Edilivre, 2013
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que coïncidence fortuite.
Dédicace

A mes Zamours
I
La main droite s’enfonce dans la poche de mon blouson puis en ressort, enfermant mon trousseau de clés. Mes doigts en choisissent une à la tige étroite et à l’extrémité doublement crantée. C’est lorsque mon bras s’allonge, la clé pincée fermement par le pouce et l’index, que la porte bleue m’apparaît. Je perçois soudain les bruits du trafic autoroutier assourdis par la paroi de protection phonique qui longe la copropriété et les pétarades d’une mobylette débridée dans la rue derrière la maison.
Je me retrouve là, adossé à la porte que je viens de refermer, hébété. Un éveil . C’est le mot qui vient. Comment exprimer autrement l’instant où mes sens ont à nouveau capté mon environnement ? Comment suis-je arrivé là ? Quelque chose ne va pas . Je suis incapable de visualiser l’instant précédent. Pire… la dernière chose dont je me souviens, c’est d’être sorti du bureau de vote et d’en avoir franchi le portail grand ouvert avec l’intention de rentrer chez moi.
Mu par la raison, je fouille ma mémoire à la recherche du souvenir qui rassurerait. Ma démarche est vaine, c’est une évidence et pourtant je n’ai de cesse de trouver un son, une image, une odeur, une sensation tactile, une émotion. Je ne me résous pas à cette amnésie. Comment accepter ne pas avoir conscience de ce que l’on a fait les trente dernières minutes ?
Aussitôt la panique submerge les émotions… Et si je devenais fou ? Je m’avance vers le vestiaire aux portes miroirs… Si je suis fou, je dois pouvoir observer des signes, non ? Je suis seul à la maison et je serai, de fait, mon psy.
Je me fais face, je me toise, je me fixe, je m’épie. Rien… Mais peut-être ne suis-je pas assez près de moi-même ? Je fais deux pas en avant à me coller le nez sur le miroir. Les yeux . Je scrute mes yeux en quête d’un indice confondant mais rien ne sort de mon examen.
Et si mon cerveau en avait eu assez de mes questionnements, de mes films intérieurs, de mes émotions exacerbées, sans cesse renouvelés ? Et s’il s’était volontairement court-circuité ?
Je recule pour retirer mon blouson et le pendre à un cintre dans le vestiaire. J’extirpe d’une poche mon téléphone portable. Je me baisse, abandonne momentanément l’appareil au sol à côté de moi, délace mes chaussures, les range dans le bas du meuble à la place des pantoufles que je chausse puis, après m’être saisi du portable, je me relève, entre dans le séjour et pose, sur la table du salon, le téléphone en veille.
J’ouvre alors l’insert de la cheminée, je craque une allumette qui enflamme le papier journal puis, après avoir rabaissé la paroi vitrée, j’ouvre le tiroir à cendres…
Les flammes grondent, emplissent le foyer, mordent bûches et bûchettes. Je reste accroupi devant la vitre, la chaleur soudaine et intense frappe mon visage de son souffle violent. Je sens, un instant, que les battements désordonnés et accélérés de mon cœur qui, depuis cette nuit, attisent mon foyer intérieur, s’atténuent, se calment. Sérénité furtive. Je ferme les yeux pour saisir cet instant, apprécier ce calme intérieur. Cette paix éphémère s’estompe aussitôt : j’ai mal aux genoux, je me relève, les articulations craquent, le dos n’a pas apprécié non plus cet abandon. Je n’ai plus vingt ans… Je m’en suis éloigné même… Je me suis toujours demandé si c’était de cette manière que le poids des ans se manifestait. Peut-être n’ai-je pas de réponse probante parce que je n’ai jamais osé poser la question à d’autres. Imaginez : « Et toi, tu te sens vieux comment ? ». Là, dans l’instant présent, alors qu’une douleur s’exprime au bas du dos, je ressens l’absurdité de la question que l’on ne se pose qu’à soi-même…
Je suis ramené à ce jour. Le cœur s’affole de nouveau. Des coups sourds emplissent mon corps, battent mes tempes, bourdonnent dans ma tête, rythment la sarabande des émotions qui se bousculent, se percutent, s’éloignent brusquement et reviennent, plus agressives. Je les vois qui dévastent ma raison, je les sens qui se complaisent, machiavéliques, à la distordre sans la rompre, animées d’une joie perverse. Je sais leur plaisir à me torturer, j’aimerais les fuir ; toutefois, je suis prisonnier de démons que j’ai créés, je suis à la fois geôlier et condamné, j’ai moi-même tissé les liens qui m’entravent. Ma délivrance ne viendra pas de moi, j’agonise et j’attends la grâce pour guérir. Le temps qui s’égrène lentement est l’allié de cette souffrance qui m’envahit, qui m’emplit l’être ; il la décuple, la transcende : elle me martèle le cœur jusqu’à l’implosion, me bat les tempes à les rompre, m’enserre les boyaux à l’occlusion, me flageole les membres à l’entrechoquement. Rien ne cède.
Je titube et dois prendre un instant appui sur le dossier du fauteuil. Mon cœur s’apaise. Mes jambes sont faibles, j’ai besoin d’attendre pour affermir mes pas. Des images d’objets familiers m’imprègnent la vue. Une porte s’est ouverte sur la lumière. Les rayons du soleil me frappent le visage ; dans un geste protecteur, j’abaisse la tête et lève le bras à hauteur des yeux. Aussitôt, l’étrangeté de ma réaction me parvient. Mon décor se fige enfin ; je le redécouvre, soulagé.
J’entends le vrombissement du feu dans la cheminée. Je me retourne, fais deux pas et ferme le tiroir à cendres du bout du pied. J’ai froid . La main posée sur le bord de l’âtre, je prends un peu de chaleur, tout en embrassant du regard la pièce d’un mouvement circulaire. J’ai besoin d’imprimer ces images pour affirmer mes certitudes du moment. Je me traîne devant les miroirs du vestiaire. Rien . Quelque part, cela me rassure vraiment. Rien dans mon apparence ne la trahit : mon agonie sera sournoise. Toujours rien . Aucun stigmate n’apparaît chez cet autre qui me fait face. Pas un trait déformé, pas un rictus sur ce visage placide qui me regarde. Comment peut-on être dans une même entité paix et chaos ? Devant ce miroir, je suis le témoin de ma dualité !… J’ai encore froid, je suis las, j’aimerais tant que cette lutte stérile cesse mais aucun de celui qui se fait face ne peut l’emporter sur l’autre : je suis le seul vaincu ou le seul vainqueur. J’assiste, résigné, à l’apparition d’une lueur ironique qui s’allume dans mon regard, dernier éclat de rire de ma dichotomie devant mon impuissance à infléchir, en cet instant, le cours de mon existence. Je dois accepter ma soumission : mon salut ne m’appartient plus depuis longtemps, mon sort est entre d’autres mains.
Je me détourne de mon image muette. Je soupire, ressens ce besoin de sentir ma poitrine se soulever, d’entendre mon souffle. Je mets un terme à cette confrontation stérile. Avais-je vraiment besoin de ce passage devant le miroir ? Je n’ai rien appris sur moi que je ne sache déjà : j’ai peur de mes choix passés jusque dans leur écho présent, j’ai peur de mes choix futurs qui en sont déjà induits. Je me délecte à la fois de ne pas être maître des évènements, insouciance de l’ignorance de demain, et je souffre de ne pas connaître l’incidence de mes choix. Tant de questions, de doutes comme autant de voix qui participent à l’harmonieuse discorde d’un désuni où, de chaque partition, naît un soliste…
Je sens subitement le besoin de me savoir vivre. Le son sourd d’un cœur qui bat, le réflexe de la respiration me deviennent essentiels pour combattre la peur d’un esprit qui oublierait sa condition humaine. Et, tandis que je m’éloigne de mon reflet, fatigué de mes turpitudes psychiques, penché en arrière, je tourne la tête pour faire face une dernière fois à cet ego que je singe. Je m’applique, dans un geste magnifique de puérilité, à m’offrir la preuve irréfutable de ma vie ici-bas : j’ouvre la bouche en un « O » béat et macule mon reflet d’une tache brumeuse. Un baiser humide sans passion. Une preuve tangible sans saveur. J’entends le rire de l’enfant niché en moi et heureux de s’éveiller. Il a gardé toute sa fraîcheur… Il est vrai que les périodes de réclusion sont longues.
Je reprends pleinement conscience de mon corps, je n’ai plus l’impression d’une enveloppe charnelle désarticulée. Je savoure cet instant présent où je me redécouvre ne faire plus qu’un. Totalement.
Je fais les quelques pas qui m’amènent à nouveau dans le séjour et retrouve un peu de la chaleur que dispense l’âtre éclairé. Je veux vivre l’instant qui se présente, goulûment, apprécier cette paix intérieure si inhabituelle. Quel sens pourrais-je donner à un décompte qui serait vain alors que l’issue de cette journée est inéluctable ? J’en ai restreint les possibilités, je n’ai plus qu’à attendre que le cours de cet avenir proche prenne la voie qu’il désirera suivre. Mon corps se vautre dans ce bien-être et mon esprit est épuisé mais s’en délecte tout de même. M’allonger, m’étendre dans cette douceur anesthésiante mais avant, je prends quelques bûches dans le panier près de la cheminée et ouvre l’insert pour recharger le feu. J’attends quelques secondes devant pour m’assurer qu’il ne s’éteindra pas. Des crépitements rompent le silence tandis que les flammes, un instant étouffées sous le poids du bois, reprennent de plus belle leur festin : elles s’élèvent, grandes et belles, caressantes, ondulant en une danse chaleureuse et flamboyante dans l’espace clos. J’aime regarder ces filles de joie se contorsionner, lécher, dévorer leur victime sans retenue. Un feu de camp, un feu dans l’âtre me fascinent, m’emportent. Hors temps. Hors des repères spatiaux. Le corps n’est plus,

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