Des larmes et des beignes
316 pages
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Des larmes et des beignes , livre ebook

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Description

Dans ce touchant roman aux accents autobiographiques, Serge Bonnewyn restitue avec justesse l'atmosphère des années soixante, époque de transition durant laquelle s'affrontèrent les générations. Bernard est un enfant abandonné par ses parents, pris en charge par ses grands-parents, puis placé en internat durant sept ans. Sensible, ce bon élève souffre du «désintérêt de son géniteur» et des corvées qu'on lui impose dans la maison familiale. Malgré les brimades et les mauvais traitements infligés par les ecclésiastiques, l'amitié qu'il soude avec un petit groupe d'adolescents lui permet de surmonter son pénible quotidien. Ensemble, les «compagnons de galère» font les quatre cent coups pour tuer leur ennui et défier l'autorité abusive des religieux. Ils décrivent l'établissement comme le «refuge des élus du diable» allant jusqu'à affubler l'abbé du surnom de «Diabolicus». L'auteur dresse un tableau peu gratifiant du fonctionnement de l'institution où il est peu question de bonté chrétienne et brise ainsi la loi du silence protégeant les comportements déviants des adultes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334197106
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-19708-3

© Edilivre, 2016
Dédicace


À mes petits-enfants,
Meredith et Howard…
Avant-propos
Le silence, l’indifférence, l’amnésie, le déni…
Des mots qui définissent le comportement coupable de quelques bien-pensants, à propos de faits qui se passaient dans les pensionnats au cours des années soixante.
Il ne s’agit pas seulement de faits de pédophilie, que les plus courageux ou les plus téméraires dénoncent et qui, lorsqu’ils sont enfin établis, Dieu soit loué, sont prescrits par la machine à laver la mauvaise conscience et à essorer la culpabilité.
Il s’agit aussi des mauvais traitements infligés par ces « bons apôtres » en robe noire, à la main légère et protégés par leur droit de frapper – pour éduquer – des rejetons que leur confiaient des parents indifférents et démissionnaires, trop heureux de se débarrasser de cette « chose » encombrante.
Un sombre mois d’août
Lundi 31 août 1964
Ce dernier jour du mois d’août a un étrange fumet ; un mélange de vacances - dont Bernard ne gardera pas un souvenir impérissable - et de jours prochains voués à un enfermement dans un collège de province. Un mois de juillet passé dans une colonie animée par des religieux loin d’être de joyeux drilles, un mois d’août partagé entre révisions scolaires et travaux d’utilité familiale… entendons de « futilités familiales ».
Ces religieux affublés des qualificatifs de « petits » et de « frères », qui collaient autant à la réalité que la docilité d’un chat affamé devant un bocal de poissons rouges, avaient un concept bien huilé pour faire construire – à très bon marché – des lieux de vacances par de jeunes adolescents encadrés de quelques professionnels du bâtiment… tous bénévoles, bien entendu ! Trait de génie, ou perfide truanderie, ces « petits frères » parvenaient à convaincre ces embarrassants et inutiles rejetons qu’ils étaient en vacances.
N’était pas « petit frère religieux » qui voulait.
Le beau mois de juillet, les belles et saines vacances que voilà !
Le matin était dédié au travail, principalement à la fabrication de blocs de béton. Séchés et prêts à la pose, ils étaient transportés vers le chantier – entassés par dix – dans des brouettes annonçant à chaque tour de roue une agonie crispante et fatale. Les jeunes « coltineurs » empruntaient un parcours chaotique au travers d’un petit bois en lisière d’un lac. Ce dernier servait de piscine en fin d’après-midi et contenait autant de vase que d’eau ou d’eau que de vase. Posés, assemblés et maçonnés, ces blocs formeraient bientôt de nouveaux locaux où seraient hébergés de jeunes vacanciers innocents qui, à leur tour, fabriqueraient des blocs qui …
L’après-midi, place au sport. Malheur aux perdants des différentes disciplines… Ils sont versés le jour suivant dans l’équipe qui transporte les blocs de béton, l’activité la plus dure, celle où l’on se tord les pieds sur le chemin, où l’on se casse le dos et où apparaissent les cloques qui vous torturent les mains ; maudites cloques qu’encensent généralement ceux qui ne fichent rien et qui vous disent bêtement qu’elles font entrer le métier. Honneur aux vainqueurs… Ils ne portent point de lauriers mais peuvent fixer leur activité du lendemain, et cela vaut bien toutes les couronnes du monde.
Le soir, veillée et chants autour d’un feu de bois ; le seul bon moment de la journée. Voilà comment Bernard avait occupé son mois de juillet, pendant qu’au même moment, « Maître Jacques » Anquetil gagnait son cinquième et dernier Tour de France.
Le mois d’août se définissait en deux verbes : étudier et travailler. Que dire de plus ? Il n’y avait rien à dire, tout était contenu dans les faits.
Tandis que Bernard rêvait, plongé dans ses pensées, son transistor Schaub Lorenz diffusait : J’y pense et puis j’oublie.
Dans quelques heures, ce serait la rentrée à l’internat.
Les copains, les amis, les corbeaux, les pions, les heures de colle, les week-ends où l’on ne rentrait pas chez soi… Bernard avait-il seulement un chez lui ? Les week-ends passés seul dans une classe humide et non chauffée à écrire, écrire et encore écrire des dizaines de temps primitifs latins, des verbes conjugués ou des lignes selon l’humeur des uns et des autres ; c’était cela, la rentrée… c’était aussi bien d’autres choses.
À chaque heure suffit sa peine. Pour l’instant, il attendait le verdict du patriarche à propos de son travail de jardinage.
Le patriarche Armand, son grand-père, père de son géniteur, était un vieux maniaque possessif et emmerdeur à souhait. Il menait son petit monde à la baguette, à commencer par Maria, sa fidèle et corvéable épouse depuis quarante ans, sa « chose » à son unique service. Une sclérose en plaques lui paralysait la jambe droite et rendait ses déplacements difficiles, ce dont il profitait abondamment pour crier : « Maria, mon journal ! Maria, mes lunettes ! »
Maria par-ci, Maria par-là… Lamentablement profiteur, ennuyeux et misogyne, c’était là le mari rêvé ! La pauvre Maria courait toute la journée avec, pour seules trêves, l’heure de la sieste et la visite de son amie Germaine.
Ah ! Germaine… Cette énorme voisine encombrante et veuve - les deux situations n’étant pas forcément liées l’une à l’autre - lui tenait compagnie tous les jours au retour d’une promenade qu’elle croyait réparatrice. La sotte confondait flânerie avec pèlerinage à Lourdes, et perte de temps avec perte de poids. Pour qu’une légère – très légère – amélioration puisse se voir sur ce cube de graisse, il eût fallu qu’elle fasse le tour du monde sur les mains et à reculons. Et comme si cela ne suffisait pas, pour étancher sa soif après l’effort, elle buvait un grand bol de café au lait avec de la chicorée, cinq sucres et, bien entendu, une petite goutte pour la route. La « brave » et « bienveillante » Germaine rassemblait à elle seule tous les cancans colportés à cinq lieues à la ronde.
Rien ne lui échappait, rien ne trouvait grâce à ses yeux. Le voisin du dessus flirtait avec la voisine du dessous, untel n’avait plus un sou et celui-là avait fait fortune durant la guerre… Dieu sait comment. L’allusion gratuite et méchante était à peine masquée. Pour Germaine, tous ceux qui avaient quelques sous étaient forcément d’anciens collaborateurs.
Le dimanche, jour du Seigneur, des mascarades et de toutes les hypocrisies, elle était à l’église au premier rang, comme il se devait pour être vue, acquiesçant de la tête à chaque mot prononcé par monsieur le curé dans son homélie. C’est vrai qu’il parlait bien, Monsieur le curé. Pourtant, lorsqu’il apercevait Bernard et sa bande, sa voix se mettait à sautiller comme les grenouilles que ces chenapans avaient lâchées un vendredi soir dans la sacristie, avant un captivant cours de catéchisme qui n’eut jamais lieu, capture de grenouilles oblige. Ce jour-là, l’expression « grenouilles de bénitier » prit tout son sens.
Revenons à Germaine… Dévouement suprême et désintéressé, elle faisait la quête, provoquant un concert de pieds de chaises qui, en reculant pour la laisser passer, grinçaient sur le sol carrelé. Après son passage, les derniers rangs se trouvaient sur le perron pour la plus grande fierté de monsieur le curé, qui s’enorgueillissait de déplacer les foules. Vanitas vanitatum, omnia Vanitas 1 .
Cette « fidèle » Germaine déposait ensuite le panier de la collecte à la sacristie et ne manquait pas d’apprécier à leur juste valeur les oboles de ses généreux donateurs. Elle avait un œil de dénonciatrice ; mieux valait y déposer un billet pour éviter au comptage le bruit des pièces et ses sarcasmes, qui ne manqueraient pas d’alimenter les conversations de la semaine… « Ils ont de l’argent pour aller boire au café, mais rien pour le bon Dieu ; quelle honte ! » Avec Germaine, l’aumône prenait vite une tournure de « racket » ; son regard était expressif et persuasif… Vous donnez ou je parle !
Bernard, loin d’accorder la moindre pensée à Germaine, suivait des yeux le vol d’un papillon. Il fut surpris dans ses rêveries par l’arrivée sur la terrasse du patriarche – qui prit bien soin d’accentuer son handicap – venu contrôler le travail de Bernard.
« Tu n’as rien d’autre à faire que d’écouter cette musique de sauvage ? lui lança-t-il.
– De sauvage !? A Hard Day’s Night, The Beatles, de la musique de sauvage !? Sais-tu au moins qui ils sont, bon-papa ? »
« Bon-papa », c’est ainsi que Bernard nommait son grand-père, tout en l’affublant à mi-mot de « patriarche », « vieil emmerdeur », « ancêtre », « amorti » ou « vieux ».
Un discours absurde – un de plus – étaya ce moment béni par l’indifférence.
« Des sauvages qui feraient bien de se faire couper les cheveux. De mon temps…
– Mais ce sont les rois aux États-Unis, tout le monde achète leurs disques !
– Les rois de rien du tout. Éteins-moi cette radio et montre-moi ce que tu as fait ! »
Rien ne trouvait grâce aux yeux de ce capricieux aigri qui allait jusqu’à imposer à Bernard de faire – à genoux – le tour de la pelouse et d’en tailler les bords aux ciseaux.
Après la tonte, la pelouse devait être balayée avec un balai doux, tout cela sous la supervision soutenue du patriarche qui, du haut de la terrasse, pointait d’un doigt fouineur une herbe – provocation suprême et sublime scandale – qui dépassait les autres. La réflexion fouettait sans équivoque : « C’est quoi ça !? »
Mais, aujourd’hui, Bernard était plus préoccupé par l’arrivée imminente d’Antoine, le cousin de Maria, que par les élucubrations du patriarche. Antoine était chargé de le conduire au collège dans sa Citroën traction avant, non pas noire, couleur emblématique, mais bordeaux. Cette couleur le différenciait des autres utilisateurs rendus,

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