Des nouvelles des autres
154 pages
Français

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Des nouvelles des autres , livre ebook

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Description

Quatorze nouvelles qui nous mènent dans des univers différents. On y rencontrera une femme qui en a marre de son compagnon, un journaliste qui revit son passé, une petite fille abandonnée, un huissier, et d'autres personnages originaux. On croisera même Claude Monet. L'écriture simple et efficace, ainsi que des moments pris sur le vif, permettent un véritable plongeon jubilatoire dans ces vies.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334097888
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-09786-4

© Edilivre, 2017
Délivrance annoncée
J’en ai marre de cette vie ! Je vais la changer, je vais tout reprendre à zéro !
Pour cela, il faut que je sois seule. Je vais commencer par plaquer Denis. Ça fait cinq ans que je supporte son petit déjeuner ignoble : Harengs et café au lait. Ça me dégoûte.
Je veux prendre mon thé du matin de manière raffinée. Qu’il y ait sur une nappe damassée : ma théière, une tasse en porcelaine, des croissants, du miel et un bouquet de roses blanches. Sur la platine, en sourdine, Nougaro et non pas les résultats sportifs à plein tube.
Donc premièrement je redeviens célibataire. Deuxièmement je déménage, je pars à… Perpignan. Je ne connais personne à Perpignan. Je n’aurais pas à me justifier. J’ai toujours rêvé de vivre à Perpignan. Il y a le soleil, la mer et la montagne. C’est un endroit parfait.
À Perpignan, je prends un deux pièces face à la mer. Non, ce n’est pas possible, il y a bien dix kilomètres entre Perpignan et la mer… Bon, alors avec fenêtre en direction de la mer. Un deux pièces c’est trop petit, il me faut trois pièces… Un living, une chambre et un bureau pour écrire. Un bureau que je pourrais fermer pour ne pas voir le souk du reste de l’appartement, car il faut bien que je finisse par me l’avouer, je suis loin d’être la reine du rangement…
Un bureau à moi où rien ni personne ne viendra me troubler. J’aurai un ordinateur sur une table roulante à côté d’un bureau en laque chinoise avec des incrustations de nacre. Je me servirai d’Internet pour avoir toutes les infos qui me seront nécessaires pour écrire. Écrire… J’écrirai sûrement des romans historiques, j’adore ça… J’installerai une bibliothèque avec tous les dictionnaires qui existent. L’étagère où j’aurais mis l’Encyclopédia Universalis, quand elle n’était pas éditée sur CD, sera réservée à mes livres… Quand ils seront publiés…
Si ma sœur m’entendait, elle ricanerait. Elle dirait que je ne suis déjà pas fichue d’écrire des cartes de vœux… Alors le temps que j’écrive un roman, le troisième millénaire sera pratiquement terminé. C’est pour ça que je veux aller à Perpignan, pour qu’on arrête de me critiquer et de me démoraliser. Je veux faire un trait sur ma vie d’avant. Et d’ailleurs, je changerai de nom, au lieu de Laura Bronstein, je me ferai appeler Brigitte Lambert, comme ça ce qui est à mes initiales pourra toujours servir.
Donc, moi, Brigitte Lambert, installerai ma maison comme j’en ai toujours rêvé. Un déménagement les mains vides… Quel bonheur ! Je ne serai plus obligée d’avoir les vieux meubles horribles que la mère de Denis nous a fourgués sous prétexte que nous étions jeunes et fauchés, en réalité pour s’en débarrasser. Tout sera neuf chez moi ! Les meubles, la vaisselle, le linge de maison. Tout sera à mon goût. Personne ne discutera mes idées. Je serai une femme nouvelle. Il faudra que je trouve un nouveau travail aussi.
Si je change de nom, et veux rester incognito, il faut que je quitte l’Education Nationale. Je ne pourrai plus être prof d’anglais, ni me servir de mes diplômes… Tant mieux !
J’ouvrirai un restaurant, j’adore faire la cuisine… Le restaurant sera près de chez moi mais pas trop, je ne tiens pas à ce qu’on vienne me déranger. J’installerai une petite scène pour les chanteurs, les musiciens et les comédiens. Ça sera tellement bien et pas cher qu’au bout de deux ans je serai recommandée par le Guide du Routard et Jean-Pierre Coffe. Non, c’est un mauvais plan, si je deviens célèbre, on pourra me retrouver.
Ma carrière de restauratrice est râpée. Tant pis j’écrirai des sitcoms, sous mon faux nom. Je pourrai faire ça de Perpignan. Je n’aurai pas besoin de revenir à Paris. Je gagnerai bien ma vie, donc je pourrai m’offrir tout ce que je veux.
D’abord une nouvelle voiture, une petite. J’en ai marre de la grosse BMW de Denis. D’ailleurs, je ne crois pas qu’il me la donnera si je le quitte. Après tout, nous ne sommes pas mariés, rien ne nous relie vraiment. À part les habitudes.
Ah ! Une vie où personne ne me demandera de recoudre des boutons, de repasser des chemises, de ne pas oublier le pressing. Une vie sans match de foot, ni débat politique à la télé, sans paires de chaussettes qui disparaissent et réapparaissent toujours dépareillées. Une vie sans cri, ni dispute, une vie pour moi.
Je me perds dans mes propres pensées, où en étais-je ?… À m’acheter une voiture. Je la prendrai vert pomme, pour la retrouver facilement dans les parkings. Je la repérerai tout de suite. Elle sera décapotable, aura une direction assistée et un autoradio programmé sur MES fréquences préférées. Je salive d’avance des créneaux que je ferai en un tour de main avec ma mini voiture. Les machos ne me regarderont plus, goguenards, en train de manœuvrer pour caser cette monstrueuse bagnole dans une minuscule place. Moi aussi, je vois bien qu’elle est trop petite, mais il y a dix minutes que je tourne dans le quartier et il n’y en a pas d’autre. En plus j’espère grâce aux gros pare-chocs, qui servent à parer les chocs comme leur nom l’indique, agrandir un peu la place… D’accord ça ne se fait pas, mais que celle qui n’a jamais tenté l’expérience me jette la première pierre… À mon avis, ce n’est pas demain que je serai lapidée.
Avec ma petite voiture j’irai explorer tout l’arrière-pays. Je longerai la côte jusqu’à Nice. L’été je pourrai même aller à Biarritz en faisant le tour par les côtes espagnoles et portugaises. Denis ne me dira pas qu’en passant par Foix et Tarbes, c’est plus rapide, je le sais.
Ce que les hommes peuvent m’énerver à toujours nous prendre pour des imbéciles parce que nous avons des envies qu’ils ne comprennent pas. Pourtant il me semble clair que dans la proposition « aller de Perpignan à Biarritz en passant par l’Andalousie » ce n’est pas Biarritz qui est important…
Il faut dire que moi j’aime flâner, m’arrêter quand j’en ai envie. Chronométrer le temps m’est parfaitement indifférent. Enfin, pas tout à fait, puisque j’ai un TOC (Trouble Obsessionnel de Comportement). Je compte tout ! Les marches quand je monte un escalier, les voitures rouges quand je suis arrêtée à un feu de la même couleur, les gens dans les salles de conférence, au moins trois fois mes élèves pendant les heures de cours. Il m’arrive même de décompter les minutes qui restent jusqu’à la fin d’une réunion qui me barbe. Pourtant Dieu sait si j’étais nulle en maths… Je ne crois pas que ce soit très grave, les autres ne s’en aperçoivent pas. À part ma sœur qui passe son temps à me demander « Tu comptes quoi, là ? » Depuis qu’à dix ans, sous la torture (elle tirait mes nattes) je lui ai avoué mon péché mignon. Elle m’énerve. Ce doit être un homme déguisé… Non, on a pris trop de bains ensemble, je m’en serais aperçue. Je crois que c’est le qualificatif de sœur qui me la rend insupportable. Je m’entends bien avec les autres femmes, sauf avec celles de ma famille.
En vérité, je serai heureuse à Perpignan de ne plus avoir ma mère au téléphone tous les jours pour savoir : Ce qu’il y a de nouveau ? Quand je vais épouser Denis ? Si j’ai bien pensé à téléphoner à la tante Zelda pour la remercier de m’avoir pris un rendez-vous chez son dentiste ? Alors que moi je ne pense qu’à un truc, tuer la tante Zelda, qui m’a fait tellement honte. Elle a raconté toute ma vie au virtuose de la quenotte et surtout les détails qui tuent.
Je me demandais pourquoi cet homme que je ne connaissais pas me regardait d’un air narquois jusqu’au moment où il a voulu savoir si je continuais à me bâfrer de saucisson et de rillettes la nuit alors que je prétendais être végétarienne le jour. J’avoue que ce triste épisode de mon adolescence n’est pas à mon honneur. À quatorze ans, je trouvais qu’il était ignoble de tuer de pauvres animaux pour se nourrir. Malheureusement, des visions de charcuterie hantaient mon sommeil et me tarabustaient jusqu’à ce que je me réveille et me laisse aller à mes coupables envies.
Y a-t-il quelque chose de plus humiliant que s’entendre rappeler ce genre d’histoire par un beau quadragénaire alors qu’on est bloquée dans son fauteuil la bouche ouverte ? Non !… Si ! ça aurait pu être chez un gynécologue…
Quand je serai à Perpignan je laisserai à Marina, ma sœur, le plaisir d’entendre les plaintes et jérémiades à mon sujet. Quel délice d’être enfin tranquille ! Mais est-ce qu’à la longue ça ne va pas me manquer ?
J’aurai toujours la possibilité de leur téléphoner d’une cabine pour ne pas qu’on repère mon numéro. Il faudra que j’appelle d’une autre ville, parce que Tante Zelda regrette de ne pas être devenue détective privé. Avec le moindre indice, elle est comme un chien après son os, elle ne le lâche pas tant qu’il reste la moindre fibre à rogner. Sans parler de l’entraide juive qui n’a jamais marché pour moi, mais fonctionnerait certainement CONTRE moi.
Quand je vivrai seule, je ferai ce que je voudrais. Je passerai le week-end à me goberger dans mon lit. Je me lèverai juste pour ouvrir au livreur de pizza. Je regarderai « Love Actually » en boucle et je repasserai vingt fois de suite mes scènes préférées. Je savourerai d’autant plus ces moments que personne ne me fera remarquer : qu’il est temps de se lever, que ça ne se fait pas de rester à traîner toute la journée dans son lit… Je dois dire que là encore, c’est à ma mère que je pense. Denis, à sa décharge, est plutôt d’accord pour les week-ends au lit, mais avec lui le farniente tourne toujours à une activité épuisante, quoique merveilleusement agréable.
Je veux dormir seule dans mon lit, m’y étaler, prendre toute la place. Je veux pouvoir m’enrouler dans la couette jusqu’à ce que plus un centimètre car

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