Destin et autres nouvelles
194 pages
Français

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Destin et autres nouvelles , livre ebook

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Description

Si le destin est ce qui arrive, il est parfois le fruit du hasard, de la nécessité, de l'absurde, de la coïncidence et de l'effet papillon.

Ces trente-trois courtes fictions se déroulent dans des contextes variés et documentés, et conduiront le lecteur là où il ne s'attend pas à se trouver, car le destin est imprévisible !

Des histoires à lire en été sur la plage, en hiver devant la cheminée, au lit avant de s'endormir, dans les transports en commun... En tout temps et en tout lieu...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332960764
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-96074-0

© Edilivre, 2015
Destin
Monsieur D. était un fumeur invétéré. Il avait bien tenté plusieurs sevrages, plus d’ailleurs pour faire plaisir à son entourage que pour répondre à un véritable souci de santé, mais n’avait jamais réussi à baisser à terme sa consommation.
Ce dimanche matin il tendit comme d’habitude sa main vers le plan de travail de la cuisine pour saisir le paquet de cigarettes qui allait lui permettre de tirer les premières bouffées de la journée, le geste était machinal, presque mécanique. Il glissa les doigts à l’intérieur de l’étui et s’aperçut qu’il était vide. Il le retourna, eut un léger sourire en fixant l’inscription FUMER TUE et l’écrasa dans sa main. La boule de papier crissa en tentant de se défroisser pour retrouver sa forme initiale, les lettres se tordaient pour reformer des bribes de mots. Après une dernière convulsion ce qu’il avait dans la main se figea, l’objet mort était redevenu matière, un simple déchet.
Monsieur D., légèrement déçu alla ouvrir le tiroir du buffet du séjour où il stockait la cartouche dans laquelle il puisait chaque jour ses deux ou trois paquets. Plus de cartouche, l’emballage vide avait été jeté la veille.
La situation devenait compliquée, quelques signes de nervosité commençaient à marquer le visage de monsieur D., le besoin de cigarette peu à peu devenait douleur. S’il avait songé à aller dans le garage il aurait peut-être ouvert la porte de sa voiture et trouvé dans le vide poche un paquet à peine entamé. Il ne restait plus à monsieur D. qu’à aller s’approvisionner au tabac journaux de la rue Chambon qui se trouvait à deux ou trois cents mètres de son domicile. La cigarette matinale avant le café était une nécessité, premier rituel de la journée, la première bouffée marquait la mise en activité, tout ce qui précédait relevait encore de la nuit et du sommeil.
Monsieur D prit son portefeuille et sortit de chez lui.
Le Balto, café – bar – tabac – journaux – PMU, devait être comme tous les dimanches matin en pleine activité, les parieurs ayant déjà étalé Paris Turf sur les tables entre les tasses de café et les ballons de blanc sec. Dans quelques minutes monsieur D. allait repartir avec sa cartouche et la vie allait reprendre son cours normal.
Madame T. avait toujours été une amoureuse des fleurs. Elle les avait soignées avec attention dans sa petite maison de la rue Colbert et avait vécu douloureusement son déménagement pour le troisième étage d’un appartement de la rue Chambon. Elle vivait seule depuis la mort de son mari et l’entretien d’un pavillon avec jardin était devenu trop difficile à son âge. L’appartement était sans doute la moins mauvaise des solutions et elle s’était résignée.
N’ayant pu emporter ses fleurs et ses arbustes elle se consolait en renouvelant régulièrement les bouquets de ses vases et en contemplant souvent les reproductions fleuries qui ornaient les murs de son F2. Lorsque le facteur passait avec ses calendriers, le choix était rapide il se portait toujours sur un énorme bouquet dans un vase, un parc aux couleurs chatoyantes ou un paysage de campagne qui fait la part belle aux fleurs des champs. Madame T. conservait d’ailleurs depuis son arrivée rue Chambon les couvertures de ses calendriers des Postes, elle en avait arraché les pages intérieures et les utilisait comme chemises pour ranger ses factures et documents. Elle possédait également plusieurs ouvrages sur les fleurs et les jardins, certains étaient des cadeaux qu’elle avait reçus d’amis ou de parents qui savaient ne pas prendre de risques en faisant ce choix. Toutes ces fleurs sur papier lui rappelaient son jardin de la rue Colbert dont elle conservait le souvenir avec les géraniums qu’elle avait pu emporter et qu’elle entretenait chaque jour avec grand soin dans leur jardinière. La terre ne devait être ni trop sèche ni trop humide, la moindre fleur fanée était éliminée, les feuilles sèches régulièrement enlevées et un léger griffage à la fourchette aérait constamment les racines.
Monsieur D. approche de la rue Chambon, il marche d’un pas rapide sans prêter attention aux personnes qu’il croise et semble suivre une ligne imaginaire sur le trottoir.
Madame T. fait le tour de son séjour en s’arrêtant à chaque fois quelques instants devant ses reproductions.
Il a pris l’angle du trottoir et remonte désormais la rue Chambon.
Elle se dirige vers sa jardinière de géraniums.
Il s’arrête pour vérifier qu’il a bien suffisamment d’argent dans son portefeuille, il le tire de sa poche, l’ouvre et rassuré le remet à sa place en continuant sa marche.
Elle s’arrête quelques secondes car elle se souvient avoir déjà arrosé ses fleurs ce matin mais s’en voulant presque d’avoir eu cette hésitation qu’elle perçoit comme une infidélité elle reprend sa marche.
Il est à quelques mètres du Balto.
Elle trébuche près de la fenêtre et tend la main en avant pour se retenir à l’appui.
Il ralentit l’allure.
Elle écarte les doigts pour se retenir mais son bras tendu pousse la jardinière qui bascule dans le vide.
Monsieur D. gît sur le dos le crâne fracassé, sur son corps quelques poignées de terre fraîche et quelques fleurs de géranium rouge sang.
Les ombres d’Hiroshima
Lorsqu’il créa son studio photographique dans le quartier de Greenpoint à Brooklyn, Elliott savait que les débuts allaient être difficiles. Avant d’être reconnu par les galeries et les critiques d’art, il fallait faire ses gammes avec des portraits d’inconnus, immortaliser des couples de mariés dans le Mc Carren Park et accepter des contrats minables avec des promoteurs immobiliers en cadrant des paysages urbains qu’on allait retrouver sur des prospectus.
Ce qu’il préférait c’était descendre à Coney Island et prendre des instantanés sur les planches de Brighton Beach. Il saisissait avec son objectif un promeneur solitaire perdu dans ses pensées ou une famille entière dont l’unité frisait la caricature : mêmes corps obèses, mêmes vêtements ridicules, alignement des bras et des jambes dans une marche ordonnée. Lorsqu’un sujet paraissait trop banal, il cadrait le visage à la recherche d’un détail, de ces plis sur le front ou de ce léger sourire qui trahissait une pensée.
Prendre l’image des anonymes pour rendre compte de la condition humaine correspondait pour lui à l’idée qu’il se faisait de l’art du photographe. Les planches de Brighton Beach créaient l’unique décor, pour lui ce dépouillement était essentiel il permettait de se concentrer sur le sujet. De retour dans son studio Elliott se mettait au travail, il développait ses négatifs et tirait ses planches contact, la loupe glissait alors lentement le long de chaque bande et il repérait deux ou trois images intéressantes qu’il agrandissait et développait.
Tout changea le jour où il tomba sur un album de photos d’Hiroshima. Ce qui le troublait le plus ce n’était pas ces cadavres calcinés, ces chairs meurtries et boursouflées des survivants provisoires dans les décombres de pierres après l’apocalypse d’une ville remise à plat, ce qui le fascinait c’était la page 73. En haut, une photo prise après la catastrophe montrait une tache sombre sur un bloc de granite. La légende expliquait cette étrange image : cette photo avait capté, impressionné sur la pierre la silhouette d’un homme assis sur les marches de la banque Sumitomo. Le souffle et le flux thermique l’avaient fait disparaître en même temps que le flash imprimait un négatif de lui sur les marches de granite. Une photo de photo en quelque sorte. L’image du bas montrait deux ombres sur un mur : une échelle et à ses pieds à droite, la silhouette d’un homme debout. Là encore le flash en détruisant la vie avait laissé ce témoignage dérisoire et grandiose d’un quotidien qui s’était arrêté net ce 6 août 1945.
Elliott était fasciné par ces images, les premières pages du livre lui donnaient les éléments pour tout reconstituer. Le 6 août 1945, le B-29 Enola Gay arrive au dessus d’Hiroshima, un vieillard est assis sur les marches de la banque Sumitomo, il attend l’ouverture. A l’autre bout de la ville, un homme, sans doute plus jeune, était descendu d’une échelle posée contre un mur, ou s’apprêtait à monter. Colleur d’affiches, peintre, maçon qui était-il ?
A 8 h 14 la bombe Little Boy était larguée, 53 secondes plus tard elle explosait à 580 mètres au dessus du sol. En une fraction de seconde le corps des deux hommes avait été désintégré après avoir absorbé une partie des rayons du soleil de la mort. Elliott les imaginait devenus atomes de carbone ou d’hydrogène. Lui qui photographiait des êtres vivants ou des objets bien réels fut obsédé par ces images. Pour la première fois il voyait une photo de ce qui n’était plus, une photo qui montrait l’image de son sujet à l’instant même ou elle le détruisait. Sa vision de son art en fut bouleversée, il se mit en quête de cet absolu qu’il avait perçu. Sa pratique évolua, il travailla de plus en plus avec les ombres portées des personnages, se rendit souvent dans le Queen pour saisir des reflets dans les surfaces vitrées, il s’essaya aussi à la pose de nuit pour fixer les arabesques lumineuses des phares des voitures en mouvement. Il continuait les portraits mais en jouant avec les surexpositions ou développait des clichés à partir d’ombres chinoises. Ses expéditions à Brighton Beach devinrent plus rares et il lui arrivait de développer des films et de ne faire aucun tirage. Il avait pourtant tout essayé : prendre des personnages et leur ombre au sol ou sur un mur, photographier l’ombre seule ou des traces de pas dans la boue ou sur le sable. Dans son studio il tenta toutes sortes d’expériences à partir de

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