Dialogue des mondes
362 pages
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Dialogue des mondes , livre ebook

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Description

L’accès à cette autre vérité – celle du « voyant » – fait quitter le monde commun, celui que nous habitons tous depuis l’enfance, celui à l’intérieur duquel notre dialogue est possible et que Rimbaud évoque toujours par « ici ». Ceux d’entre nous qui l'ont vécu finissent par dire comme lui : « Je ne suis plus au monde. » S’ils vivent, s’ils consentent à vivre, c'est dans un autre monde, dont Arthur dit à Victor qu’il est translogique par rapport au monde commun, par rapport au logos, par rapport à « ici ». Néanmoins, ils connaissent le monde commun, ils connaissent la règle de son jeu puisqu’ils y ont passé leur enfance : quel ennui, l’heure du « cher corps » et « cher cœur ».

D’un monde à l’autre, le dialogue est impossible, la logique ne passe pas, il faut franchir une contradiction.

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Informations

Publié par
Date de parution 20 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414021598
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-02157-4

© Edilivre, 2016
Du même auteur :
– L’être et la logique , Essai, 2009
– Frontières et lieux communs , Essai, 2011
– Quelqu’un arrive, Franz Kafka , Essai, 2011
– A propos de rien , Essai, 2012
– Alain Badiou, ou l’obscur retour de la métaphysique , Essai, 2013
– Le Dernier Mot de la métaphysique, cycle Après Heidegger n°1, Essai, 2014
– Théorie des choses , cycle Après Heidegger n°2, Essai, 2015
– Le Phénomène religieux, cycle Après Heidegger n°3, Essai, 2016
Préface
Le dialogue des mondes – sous forme d’échange de lettres à propos d’Arthur Rimbaud – a réellement lieu. Il est rendu ici tel qu’il a lieu.
L’un des interlocuteurs, prénommé Arthur, tente d’expliquer comment il a compris Rimbaud à Victor, à ce très vieux Victor, féru de belle poésie, qui lui a avoué ne rien y comprendre. Trois demis – ou 3/2 – est une réminiscence des années de classes préparatoires – la taupe –, que les deux amis ont passées ensemble, quarante ans avant l’écriture de ces lettres. Durant toute leur vie – ils ne sauraient même pas dire pourquoi –, ils sont restés l’un pour l’autre des 3/2.
L’acharnement qui se dégage de ce dialogue a l’avantage d’aller jusqu’au bout de la vérification d’une thèse : une vérité se montre à certains d’entre nous qui ne se montre pas à tous. Les efforts déployés pour montrer cette vérité à celui qui ne la voit pas – qui ne la voit pas encore, parce qu’il n’en a pas encore fait l’expérience personnelle – restent vains. Le « voir » dont il s’agit ici est celui de la « voyance » de Rimbaud. Il faut entendre ici « vérité » comme « pouvoir de vue ». On voit par soi-même selon cette vérité – et l’expérience soudaine de cette vue est alors inoubliable, elle est l’événement d’une vie, comme une seconde naissance – ou l’on continue de voir selon la vérité commune, celle qui nous vient de l’enfance. Nul ne peut donner cette naissance à l’autre.
L’événement de l’accès à cette autre vérité – la vérité de l’être – fait quitter le monde commun, celui que nous habitons tous depuis l’enfance, celui à l’intérieur duquel notre dialogue est possible et que Rimbaud évoque toujours par « ici ». Ceux d’entre nous qui l’ont vécu finissent par dire comme lui : « Je ne suis plus au monde. » S’ils vivent, s’ils consentent à vivre, ils vivent dans un autre monde, dont Arthur dit à Victor qu’il est translogique par rapport au monde commun, par rapport au logos, par rapport à « ici ». Néanmoins, ils connaissent le monde commun, ils connaissent la règle de son jeu puisqu’ils y ont passé leur enfance : Quel ennui, l’heure du « cher corps » et cher « cœur ».
D’un monde à l’autre, le dialogue est impossible, la logique ne passe pas, il faut franchir une contradiction.
Au départ, il semblait à Victor comme à Arthur que le nombre de lettres échangées ne dépasserait pas cinq ou six. Chacun commence par dire rapidement ce qui lui paraît essentiel à dire sur le sujet. Et puis le dialogue prend de l’ampleur, la conversation s’anime.
Qui verra qu’il existe une analogie entre cet impossible dialogue et celui – peut-être plus subversif mais aussi moins explicite et plus mystérieux – de K (alias Kafka) avec les habitants du village de son enfance, dans son Roman Le château ? K, après avoir franchi le pont de bois, revient au village de son enfance avec l’intention de déjouer le piège que l’imagination a tendu à ses anciens compatriotes. Dans le roman, qui semble hors du temps, c’est le château et le Comte, purement imaginaires, qui maintiennent le village en lévitation, qui lui donne son unité, son fondement.
Ici, il ne s’agit pas de roman, il s’agit de notre réel, de notre vie, sans transposition. Ce qui fait l’unité synthétique de notre monde commun – du monde de Victor –, c’est d’abord le temps, puis l’imagination, le pouvoir des règles, la logique. Notre monde commun, celui de notre dialogue ordinaire, où règne la logique, est aussi celui de la science et de la culture en place : c’est celui du logos.
29 janvier 2002 (TD1)
Trois demis,
Le soir même où tu me l’as conseillé, j’ai tenté de lire Une Saison en enfer mais après huit pages, si j’avais bien compris que l’homme avait mal, je savais aussi que je ne saurai pas où. La couleur des voyelles n’est-ce pas de la schizophrénie ? Un béotien aurait proposé : A amarante, E endive (c’est presque blanc), I indigo, O ocre…
Quand François Villon dit sa peine et ses regrets, j’entends. Quand Jacques Brel, plus de 500 ans après, décrit le monde et ce qui lui déplaît, j’entends aussi. Quand il s’écartèle pour atteindre l’inaccessible étoile, quand il court sus au moulin je suis Sancho Pança, moi fonctionnaire moyen qui passe sa vie au chaud.
Mais connais-tu bien Grand-Jacques ? Sais-tu que ce poète fut la même vertu ? Qu’il a dit sur l’enfance des mots jamais ouïs, que quand je les entends, je me demande pourquoi je suis pas Sitting Bull ou Vasco de Gama :
L’enfance,
Qui peut nous dire quand ça finit,
Qui peut nous dire quand ça commence ?
C’est rien, avec de l’imprudence,
C’est tout ce qui n’est pas écrit.
L’enfance,
Qui nous empêche de la vivre,
De la revivre infiniment,
De vivre à remonter le temps,
De déchirer la fin du livre.
L’enfance,
C’est encore le droit de rêver,
Et le droit de rêver encore.
Mon père était un chercheur d’or,
L’ennui, c’est qu’il en a trouvé…
L’enfance,
Il est midi tous les quarts d’heure,
Il est jeudi tous les matins.
Les adultes sont déserteurs,
Tous les bourgeois sont des indiens.
Des poètes, il y en a dans bien des domaines. Est poète qui touche au génie. Connais-tu le brésilien Edson Arantes Do Nascimento ? Je ne suis pas de la confrérie, mais le poète je le sens, le philosophe non ! Cependant Kierkegaard a un bien joli nom…
Je parle des « vrais » philosophes, ceux que l’on ne comprend pas, pas de ceux qui peuplent les cafés du commerce, ni de ceux que, trop rarement, on présente à la télé : Michel Serres, par exemple, ne peut pas en être car je comprends presque tout ce qu’il dit.
Voilà longtemps qu’Aron et Sartre ont quitté les étranges lucarnes. Aujourd’hui, c’est plutôt David Douillet, et même Zizou, qui essaient de faire des phrases.
Je te remercie de m’avoir fait savoir que Rimbaud est aussi un philosophe, on ne me l’avait pas dit. Je comprends mieux pourquoi je ne le comprenais pas.
Je retiendrai de lui : Ophélie , Le bateau ivre , Le dormeur du val , Ma bohème , Roman et peut-être Le bal des pendus .
Pour terminer, quelques vers bien connus de Baudelaire :
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Dis, dessine-moi un philosophe. Je doute que ce soit aussi joli. Tu me diras que ma quête, à moi, c’est le beau et non le vrai. Peut-être que les deux vont de pair…
Je n’ai pas trouvé dans l’anthologie de Pompidou le poème de Mallarmé qui contient le vers que tu me citais il y a déjà 40 ans : « Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change ». Si tu m’en fais une copie, je le lirai volontiers. Je crois me souvenir que le début du poème est assez beau, mais qu’ensuite on retrouve le vrai Mallarmé.
Victor
Février 2002 (TVV1)
Très Vieux Victor,
Rimbaud, pour moi, est né au mois de mai 1871. Son acte de naissance, ce sont les lettres dites « lettres du voyant », envoyées l’une à son professeur, Georges Izambard (le 13 mai), l’autre à Paul Demeny (le 15 mai). Avant cet événement, la poésie de Rimbaud est ordinaire. Après, elle est extraordinaire.
Un peu d’analyse logique. Ce n’est pas que je tienne à faire gagner la logique, mais il faut la pousser jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus rien, jusqu’à ce que, à sa plus grande surprise, elle soit définitivement contredite. Tu me diras que, pour être contredite, il faut déjà que la logique dise quelque chose. Or, apparemment, elle ne dit rien, elle ne fait que tirer les conséquences de ce qui est d’ores et déjà admis, étendant ainsi notre vérité. Et sur ce qui est ainsi déjà admis, elle ne se prononce pas, elle ne dit rien. Elle ne dit rien sur rien. Elle étend simplement l’absence de surprise du déjà admis par nous tous depuis toujours, le diluant encore dans un plus grand espace de vérités sans surprise. La logique est un agent du « rien », du « sans surprise ». Ce qui la surprendrait, c’est ceci : il n’y a pas rien ! Car implicitement, pour elle, c’est rien qu’il doit y avoir, l’évidence du rien partout. « Rien » est le credo implicite du travail logique.
Voyons. Si les « vrais philosophes » (je saisis bien l’ironie de ton propos) sont « ceux que l’on ne comprend pas », pourquoi n’en serait-il pas de même pour les poètes ? Or, la poésie que tu aimes, c’est celle que tu comprends. D’autre part, elle est aussi la « belle poésie », puisque ce que tu recherches, c’est le beau. Donc le beau (le tien) nécessite que tu comprennes, il nécessite le vrai (le tien).
L’ordinaire est le vrai commun, celui qui nous réunit. C’est le vrai de l’enfance, notre commune patrie. L’enfance ne commence pas. Nous ne sommes jamais nés. Le vrai de l’enfance (ce qui est admis par tous) a toujours déjà été le nôtre : nous n’avons aucun souvenir d’un jour où nous ne le connaissions pas.
Rimbaud, né, n’est plus avec nous. Il n’est plus au monde. Il a perdu son ancienne communauté : l’enfance. Il cherche à la rejoindre ou plutôt à nous faire le rejoindre. Ce qu’il a à dire ne se comprend pas, croit-il, dans la langue ordinaire. Il crée un nouveau langage : A noir, E blanc… Bien sûr, cela ne marche pas.
Le problème de Rimbaud est celui des poètes maudits : il est seul, personne ne peut le

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