Embarquement porte 46
90 pages
Français

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Embarquement porte 46 , livre ebook

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Description

Je me souviens d'un aéroport, celui de Genève, que je connaissais depuis mon enfance. Avant chaque départ, la salle d'embarquement me fascinait. Des odeurs de tabac et de parfums envahissaient cet endroit magique et, lorsque le moment de monter à bord s'annonçait, mon cœur s'emballait. L'hôtesse au chignon parfait et au maquillage immaculé contrôlait les billets d'avion en forme de carnet de chèques. Les passagers se bousculaient un peu, leur sac Panam, British Airways, Air Afrique ou TWA en bandoulière. La salle se vidait progressivement. Souvent, un passager restait assis, dans un coin, près d'un cendrier, absorbé par la lecture d'un livre.
Ces fictions ou nouvelles (comme le lecteur voudra) sont le livre lu par ce passager inconnu avant d'embarquer porte 46. Bon voyage !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 avril 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414339495
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je me souviens d’un aéroport, celui de Genève, que je connaissais depuis mon enfance. Avant chaque départ, la salle d’embarquement me fascinait. Des odeurs de tabac et de
parfums envahissaient cet endroit magique et, lorsque le moment de monter à bord s’annonçait, mon cœur s’emballait. L’hôtesse au chignon parfait et au maquillage immaculé
contrôlait les billets d’avion en forme de carnet de chèques. Les passagers se bousculaient un peu, leur sac Panam, British Airways, Air Afrique ou TWA en bandoulière. La
salle se vidait progressivement. Souvent, un passager restait assis, dans un coin, près d’un cendrier, absorbé par la lecture d’un livre. Ces fctions ou nouvelles (comme le lecteur
voudra) sont le livre lu par ce passager inconnu avant d’embarquer porte 46. Bon voyage !
Après des études universitaires dans la filière classique en littérature espagnole et latino-américaine, civilisation et linguistique hispaniques, Xavière Douyon s’est intéressée
plus particulièrement à Jorge Luis Borges, auteur argentin. Enseignante d’espagnol et de français langue étrangère dans divers instituts de langues pendant plusieurs années
et aujourd’hui professeure d’université aux États-Unis, où elle enseigne l’anglais et l’espagnol, les voyages ont été, de par sa vie familiale et ses études, partie intégrante de
son existence. La découverte de pays différents depuis son plus jeune âge a fait naître en elle cet amour des langues, de la littérature. Une passion qui lui a tant appris sur la
tolérance, la diversité, l’importance de la connaissance et le respect de l’Autre.
Xavière Douyon
Embarquement porte

46
----------------------------INFORMATION---------------------------Couverture : Classique
[Roman (130x204)]
NB Pages : 90 pages
- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 7

---------------------------------------------------------------------------Embarquement porte 46
Xavière Douyon
7 963571

2

« Il n’y a pas d’au-revoir pour nous. Peu
importe où tu es, tu seras toujours dans mon
cœur. »
Gandhi
à M, P, MT et M.
à C, V et L.

3
4
Ange gardien
Chaque matin, à la même heure, des dizaines de
personnes affluent dans le même gratte-ciel, attroupées
devant les mêmes ascenseurs. Un panneau immense contre
l’un des murs énumère la longue liste des corporations,
sociétés, organisations ou multinationales dont les bureaux
occupent cet immeuble de soixante étages. Le service
d’accueil, poli, anticipe, impassible, les questions des
nouveaux visiteurs. Les œuvres d’artistes du monde entier,
placées dans le hall d’entrée glacial, laissent croire à une
cohabitation intelligente entre le monde de l’art et celui des
affaires. Les noms de donateurs fortunés apparaissent
gravés sous quelques-unes des sculptures ou des peintures
exposées, afin de confirmer cette étroite collaboration.
Chaque parole résonne pour se perdre dans cet espace irréel
et froid ; on entend indistinctement des bribes de
conversations dans toutes les langues, y compris les plus
étranges.
Les mêmes gobelets en papier à la main pour siroter le
même café brûlant, les têtes bien pensantes de la finance, du
droit, de l’humanitaire, de l’administration défilent dans les
5 couloirs, circulent entre des bureaux au mobilier
soigneusement choisi. A certains étages, lorsque la porte de
l’ascenseur s’ouvre, le silence effraie. Pas un bruit, une
ambiance feutrée et des murmures derrière des portes
sécurisées aux poignées dorées ou noires. La même réaction
se répète : tourner à gauche ou à droite ? Le marchand de
fleurs appelé à l’étage rompt le silence en sortant de
l’ascenseur. Il connaît parfaitement l’endroit et renseigne les
hésitants.
Magritt, elle aussi, connaît tellement bien ce lieu que
personne ne parvient à apprivoiser. Ce matin, elle se rend à
une réunion, des dossiers sous le bras, pressée, comme
d’habitude. Pendant des jours, elle a rassemblé les
documents et autres données essentiels dont elle aura
besoin tout à l’heure. L’expérience accumulée au fil des
années ne l’empêche pas de se sentir nerveuse. Cependant,
son appréhension demeure insoupçonnable. La dominante
masculine de son univers professionnel ne l’a jusqu’à
présent pas découragée. Sa mère l’avait prévenue dès son
plus jeune âge : elle savait qu’il lui faudrait sans cesse se
préparer à des désillusions de toutes sortes, des
humiliations, des remarques oh combien déstabilisantes.
Son éducation, tant familiale qu’universitaire, lui sert de
rempart. Une carapace la protège pour affronter chaque
jour ce monde impitoyable. Mais c’est surtout sa force de
caractère qui l’accompagne constamment. Un détachement
mystique qui a envahi son être lorsque, lors d’un voyage, elle
a découvert la spiritualité et la sagesse au bord du Gange.
Un voyage initiatique en quelque sorte.
Aujourd’hui, elle défendra avec pertinence ses idées et
son projet. Sa secrétaire, petit soldat discipliné, l’attend au
6 bout du couloir pour lui remettre, à la dernière minute,
quelques papiers importants. Magritt entre, salue l’assistance
déjà assise dans la salle de de conférence. Le vernis de
l’immense table lui renvoie l’image de son visage fatigué
quand elle s’en approche pour déposer ses dossiers. Tout au
long de son intervention, elle s’applique à n’éviter aucun
regard. Elle apprivoise l’assemblée déconcertante. Chaque
mot doit être méticuleusement choisi pour convaincre, ne
pas blesser et, surtout, ne susciter aucun reproche et aucune
critique. Bien qu’elle maîtrise ce langage particulier de la
négociation et du débat, elle reste au plus près de ce qui lui
tient le plus à cœur : la simplicité et la sincérité. Pour elle, les
deux s’entremêlent, l’une ne va pas sans l’autre. Cependant,
depuis deux mois, quelque chose d’étrange se produit à
chacune de ses interventions. Elle ressent comme une chaleur
autour d’elle. Quelquefois, c’est une odeur agréable qui se
dégage brusquement dans la pièce où elle se trouve. A
d’autres moments, si l’ambiance devient tendue, elle se sent
comme transportée au bord du Gange, en train de respirer
l’air des montagnes tibétaines. A d’autre reprises, une voix
intérieure lui parle doucement : « persévère, n’abandonne
pas, ne dis rien pour mieux parler ».
Elle a fini par comprendre que ces expériences
singulières ne devaient pas la contrarier, bien au contraire.
Comment pourrait-elle d’ailleurs survivre à ces défis
permanents sans cette présence invisible. Son ange veille,
l’observe. Les étapes difficiles de sa carrière ont pu être
surmontées grâce à lui, sans qu’elle n’en sache rien.
Elle avait découvert cet ange, par hasard, après le décès
de sa sœur dans un violent accident de la route. Elle
dépérissait, inconsolable, perdue dans le tumulte de la vie
7 quotidienne, insatisfaite et désemparée. L’ange était alors
apparu furtivement, puis avait ressurgi sans prévenir pour
finalement rester à ses côtés, quoiqu’il arrive. Cela l’amusait
et lui donnait une assurance discrète, insoupçonnable aux
yeux des autres. Plus tard dans sa vie, autour de la
quarantaine, l’initiation à la philosophie indienne et à la
mythologie indouiste l’avaient éblouie et ses pas avaient pris
une autre direction. Magritt avait appris à méditer, à
bouger, l’esprit éclairé par son ange. Elle n’était plus sûre du
tout d’avoir trouvé son chemin – professionnel, personnel –
mais elle était, en revanche, convaincue d’être en chemin,
son ange derrière elle.
Son intervention terminée, elle ordonna lentement les
feuilles de papier pour les ranger et se leva. Elle n’attendit
pas les réactions sans doute offusquées du groupe, mais
soudainement sembla se désintéresser de la suite des
événements. Peu importe ce qu’en penserait sa hiérarchie :
elle ne reviendrait plus. Sa décision de partir et de tout
abandonner était irréversible. L’ange le lui avait bien dit et
elle l’écouta.

8
Chandelier
« Avant de partir, n’oubliez pas d’allumer les
chandeliers. Je ne supporte pas l’obscurité ».
Mme Heurtiz donne ses ordres, sans un mot plus haut
que l’autre, d’une voix calme et grave. Le rituel du
chandelier ne la quittera jamais, même avec l’invention la
plus extraordinaire de tous les temps : l’électricité. Elle
affectionne cette petite manie comme si le confort de ce
siècle n’existait pas. Pendant des heures, elle observe
régulièrement les bougies qui se consument rapidement, et
elle adore recommencer ce rite chaque soir. Tilda, sa
domestique, reste imperturbable. Elle la respecte beaucoup
et ferait n’importe quoi pour la rendre heureuse.
Maintenant, Mme Heurtiz se sent soulagée et gaie ; toutes
les lampes du salon sont désormais allumées : deux
lampadaires derrière le canapé et une lampe chinoise
couleur ivoire sur le bahut de la salle à manger. Mais il faut
les chandeliers, de toutes façons.
Depuis trois ans maintenant, Tilda l’assiste dans ses
moindres gestes. Les douleurs de l’infirmité dues à la
maladie l’isolent complètement du monde extérieur. Lors
9

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