Entre l amour et le mal - Tome I
274 pages
Français

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Entre l'amour et le mal - Tome I , livre ebook

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Description

Goéland est un village de Legâteau, un pays miniature situé dans l’Amérique dominé par un mal : la sorcellerie. Cependant, il existe une force plus puissante que celle des démons : le travail scolaire. Michel est le deuxième des trois fils de M. Guy Moulin et de sa femme Dura Jacques Moulin. M. Moulin le destine au travail des champs, alors qu’il rêve que son fils aîné, Domond, se spécialise dans l’agronomie, et que son cadet, Claude, étudie la médecine. Michel, avec l'aide de son oncle Samuel et de sa mère, parvient à échapper à sa condition d'esclave agricole. Il deviendra médecin et transformera son village...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 juillet 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332969767
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-96974-3

© Edilivre, 2015
Entre l'amour et le mal
 
Le match terminé, je me dirigeai vers la rivière pour me laver le corps avant de rentrer à la maison. Je passai par la voie étroite qui reliait le marché Bœufs-Gras au fleuve. J’entendis derrière moi un fracas semblable à celui d’une furieuse cataracte qui venait d’une hauteur incalculable. Le bruit était si violent que j’en sentis la secousse comme un soubresaut qui tapait le sol sous mes pieds. La magnitude de cette gigantesque détonation semblait échapper aux caractéristiques des secousses dont M. Richter 1 en avait établi les lois mathématiques. Or, à part La Gosseline, il n’y avait à Goéland aucun autre cours d’eau géant dont la déflagration pouvait provoquer un tel frisson. Donc, il ne pouvait pas y avoir de chute d’eau au village percutant d’une telle avalanche.
« Loups garous aussi tôt ! » me dis-je en moi-même. « On va me vendre au marché demain », pensai-je. « Mon Dieu, sauve-moi, je suis trop jeune pour mourir » dis-je en me souvenant de la foi de ma mère en Dieu quand elle priait avec nous.
Sept heures du soir, je le savais, c’était l’heure incongrue pour un enfant de s’éloigner de sa maison. Cependant, pour la première fois, je bravais la consigne qu’avaient imposée mes parents pour m’exposer à la mort temporaire et gratuite, juste à quelques mètres du marché Bœufs-Gras où des hommes étaient déjà à l’affût. Oui, des hommes faits de chair et d’os comme moi, mais animés d’esprits finauds, se préparaient déjà à gonfler leurs recettes lucifériennes avec la vente d’un jeune taureau en plus. Et qui sait si mon propre père n’était pas de cette horde de démons qui tendaient des cordes noires pour sauter de paisibles passants et de gamins imprudents et téméraires dont il m’arrivait d’en faire partie ?
Comme moi, les cinq autres gamins étaient trempés de sueur après deux heures de jeu sur un terrain arénacé et pavé de gravois qui maquillaient nos pieds d’une poudre noire. Mes copains s’inclinaient soigneusement aux prescriptions imposées par leurs parents. Ce qui leur avait épargné les arias qui avaient failli me coûter ma nature humaine. Ils préférèrent ne pas satisfaire les requêtes physiologiques de leurs glandes sudoripares ce soir-là que de s’impliquer dans une logique de déni avec ces éternels dépositaires de vérités séculaires.
« Allez, c’est l’heure de rentrer à la maison », me dit Jules, tout trempé de sueur. Il était mon meilleur ami et compagnon de jeu, mais il avait ce côté turpide que je n’appréciais pas en lui.
« Mais on ne va pas trouver d’eau à la maison, allons donc nous plonger dans la rivière, petit crasseux ! » lui dis-je. Jules ne fit aucun cas de mes suggestions. Les autres enfants, y compris mon frère aîné, faisaient pareil. Ils regagnèrent leurs maisons sans se libérer de l’odeur de vêtements sales et mouillés qu’ils dégageaient sur le terrain de jeu et que je ne pouvais même pas respirer. Moi, j’étais différent. Je savais que mes pores avaient besoin de liberté et, pour y parvenir, ils devaient coûte que coûte entrer en contact avec l’eau qui était leur meilleure amie.
J’avais entendu parler d’apparences épouvantables, mais je n’en avais jamais vues avant. Grâce au retard de l’angélus qu’attendaient tous les chats du village pour devenir gris, j’avais encore une certaine liberté d’utiliser mes sens. Ainsi, je pouvais voir ce profil dressé qui surgit devant moi portant un terrible chapeau noir déposé de façon très décousue sur sa tête conique. Le rebord gauche de la coiffe s’infléchit jusqu’à obstruer la portion correspondante de son front et de son œil. Il portait un vêtement confectionné d’une pièce de couleur noire qui ressemblait à une robe de femme et qui balayait ses pieds. Le bord libre et élargi de l’étoffe était la seule partie mobile du spectre. La pause était morbide, même la brise s’était tue. Pourtant, le dense ourlet du manteau se livrait à une sorte de danse multidirectionnelle qui ne fit qu’augmenter mon effroi. L’ombre ne portait pas de chaussures à proprement parler. Je vis dans ses pieds deux objets allongés similaires à une paire de skis noirs ; sauf que ces apparents équipements, normalement conçus à des fins d’utilisation hibernales, étaient impromptus pour la géographie. En effet, Goéland est une zone éternellement tropicale qui n’avait jamais connu la neige dans toute son histoire. Donc, le port de skis nocturnes par une forme monstrueuse se retrouvant sous les tropiques augmenta la suspicion et la panique du contrevenant téméraire. Les bras du fantôme, aussi fins et longilignes que ses jambes, étaient suspendus à ses côtés. Ses longs doigts lui arrivaient en dessous des genoux.
L’odeur d’encens que dégageait l’étrange morphologie était différente de celle que j’agitais, à genoux, chaque dimanche à côté du curé de Saint-Antoine. Je n’avais jamais respiré pareil arôme aussi désagréable que l’émanation pestilentielle d’un échappement de solution cadavérique talée jusqu’à cette nuit du 20 janvier 1974. Une énorme fumée sortit de son corps et s’étendit dans toute la surface où je me réfugiais. L’espace devint tout noir en quelques secondes. J’étais perdu dans un méandre de vapeur noire épaisse qui assiégeait le milieu.
« Michel ! Michel ! Michel ! Où es-tu ? » C’était l’écho lointain de la voix de Domond. Je devais m’avoir créé des nuisances formidables à me trouver dans la rue à cette heure. Mon frère aîné, mon ami Jules et les trois autres gamins qui tapaient avec moi sur la balle étaient en totale congruence avec le couvre-feu. La boule ovale, faite de papier et de tissu en coton, fut l’œuvre collective des six gamins qui jouaient en parfaite harmonie sur leur terrain de jeu habituel. Sauf que ce soir-là, on était divisé quant à l’application des règlements du jeu familial. L’extrapolation osée de notre horaire habituel de jeu changea le ton et força ma désolidarisation du groupe. Cette volte-face eut un piteux prix : ma visite aux royaumes des démons du village. Mon corps devint immobile, paralysé par l’effroi de la forme insolite figée au cœur de la petite rue qui menait à la rivière. Mais ce blocage physique soudainement disparut au moment où la maudite ombre se mettait à bouger dans ma direction. Elle s’avança à pas de robot. C’était comme des enjambées d’un géant courroucé qui voulut punir. Punir qui ? Moi qui n’étais qu’un gosse de neuf ans dont la pudeur n’avait pas encore été souillée par quelque transgression trop hasardeuse. Mais quoique de fines oreilles à mon âge, je n’entendis pas de bruit lors de ses mouvements pourtant effroyables. Dès la seconde où je l’aperçus s’avancer vers moi, je sus qu’il me fallait vider les lieux ou risquer le pire. Le pire, c’était de me voir au marché Bœufs-Gras le lendemain matin, retenu par une corde attachée à mon cou, sans aucune liberté de revendiquer mon droit, même si mon père aurait été l’architecte de cette vente arbitraire et illégale.
Je rebroussai chemin, je courus, je voltigeai en exécutant des pas imposants, analogues à ceux d’un daim sauvage qui venait d’échapper de justesse à la vue d’un traqueur embusqué à quelques pas de sa portée. Mais je sentis cette étreinte qui s’opposait à ma progression, comme si je marquais mes géants pas en place. Et l’étau m’emprisonna les quatre membres alors que je courrais à toute vitesse. Je criai « papa, papa ». Je perdis ma lucidité pour quelques secondes. Je crus avoir vu mon père pour une fraction de seconde. C’est alors que je m’aperçus chez moi, sans savoir comment je fus charrié de la rivière à la maison. Une dizaine de secondes avant ma fuite, j’entendis les tonitruantes voix de ma mère et de Domond qui traversaient le compact brouillard noir que continuait d’alimenter jusque-là cette apparence singulière :
« Michel, où es-tu ? Rentre maintenant à la maison. Tu ne devrais pas être dans la rue à cette heure. Ne m’oblige pas à venir te chercher », menaça-t-elle, comme toujours. Il était à peine sept heures du soir. Dans les zones où il y avait de l’électricité, comme la ville Pitié, les enfants devaient être partout dans les rues à jouer au foot, à ricaner et courir à travers champs. Mais à Goéland, c’était l’heure de s’abstenir des démons, des métamorphosés et curieusement, des revenants appartenant à notre propre famille.
Je refuse d’accepter cette tragique réalité que dans mon propre foyer pouvaient exister des porte-malheur. Je disputai avec mon oncle Samuel que je n’échangerais pas de mots avec ces esprits saugrenus que j’avais la malchance de croiser deux nuits de suite. Depuis, maman me défendit de sortir la nuit. « La prochaine fois que tu n’es pas là à sept heures du soir, la porte sera fermée et tu resteras dehors », menaça-t-elle. Dura était une femme rigide, même trop dure pour sa nature féminine. Même papa avait dû se calmer avec elle, du moins durant les quinze premières années de leur mariage. « Moi, tout ce que je veux, c’est ma paix », dit-il quand l’un de ses amis lui demandait pourquoi il était si inoffensif face aux agressions de sa femme. Maman était peut-être la seule personne du village à avoir ignoré que papa menait une vie hypocrite. Oncle Samuel semblait me cacher un vieux secret. Je pouvais lire dans ses yeux qu’il avait la certitude que j’entretenais des relations avec le diable.
« Es-tu sûr que tu n’as jamais parlé avec des mauvais esprits, mon fils ? » me questionna mon oncle en ancrant les pupilles de ses grands yeux noirs dans la prunelle de mes mirettes brunes.
– Non, lui dis-je, l’ombre ne m’a pas adressé la parole. Quand je l’ai vue, j’ai fait marche arrière ; j’ai traversé la rue et j’ai couru jusqu’

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