Est-ce ainsi que Dieu nous aime ?
190 pages
Français

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Description

« Quand la nature a des soubresauts si mortifères, quand l'homme se sert de ses croyances pour assouvir les bas instincts de ses désirs, quand un Trump a l'imposture rivée au corps jusqu'à la lie haineuse de ses discours, quand un Poutine s'allie au despote d'une Syrie en larmes pour allumer un bûcher de femmes et d'enfants, quand des voix mutilent les arts au point d'élever en pleine saison du renouveau des pyramides d'os et de chair, quand... quand... Philomène énumère dans sa tête la liste de ses angoisses. Elle regarde le monde fermer toutes ses portes à des possibles bonheurs. Elle possède encore deux mains, deux jambes, bref un corps entier qui fonctionne et pourtant on dirait une poupée de chiffon, sans muscles ni réflexes. Une viande morte pendue au bout d'un crochet comme dans un abattoir. » Philomène, quatre-vingt-huit ans, vient de perdre son mari Paulin. « Enfin seule », lui traverse-t-il l'esprit. Dans les jours qui suivent, une vague d'attentats survient aux quatre coins de la France : cent soixante-deux morts, une soixantaine de blessés. Bientôt, un suspect est activement recherché : un enfant du pays, de ce petit village de Maine-et-Loire. La vieille dame n'en revient pas... Pourquoi donc Jordan avait-il pris part à ce massacre là-bas sur Nantes ? Lui qui, comme son père, avait tant peur de ces mains levées, comment avait-il pu armer les siennes pour jouer à l'apprenti djihadiste ? Autour d'une galerie de portraits tout en nuances, Marie Paule Rousseau Barbaza observe notre monde d'aujourd'hui, malade, fragile, perdu, et dresse un état des lieux d'une mélancolie renversante. Un concentré d'humanité, loin de tout manichéisme, qui résonne longtemps après la dernière page.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 juillet 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342162394
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Est-ce ainsi que Dieu nous aime ?
Marie Paule Rousseau Barbaza
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Est-ce ainsi que Dieu nous aime ?

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://marie-paule-rousseau-barbaza.societedesecrivains.com
 
Ceci est un roman avec des dates qui ne correspondent pas à celles de la véritable Histoire, des lieux revisités, des personnages inventés, et des rencontres plus qu’improbables comme celle entre Paulin, Sartre et Beauvoir, car jamais ces deux monstres sacrés de l’écriture n’ont trouvé le temps de parler aux gens du village qui les a accueillis, à un moment de leur existence. Mais, bon, l’occasion était trop belle de s’en priver, n’est-ce pas ? Qui serait passé à côté ?
 

Et cependant c’est bien fini
Je ne crois plus au ciel ni à l’enfer
Je ne crois plus je ne crois plus
Le matelot qui fut sauvé
Pour n’avoir jamais oublié
De dire chaque jour un Ave
Me ressemblait me ressemblait.
 
Je veux vivre inhumain, puissant et orgueilleux
Puisque je fus créé à l’image de Dieu.

Guillaume Apollinaire
L’élection
L’air a évacué, depuis quelques jours déjà, les humeurs mouillées d’un hiver plus humide que froid et les tourterelles, affairées à leur quête matinale de graines, n’ont pas vu arriver le printemps. Elles l’ont laissé venir sans se rendre compte que les jonquilles étaient écloses dans le parterre qui léchait de ses herbes folles la façade de la petite maison. On aurait dit qu’elles avaient du brouillard plein les yeux, comme ces gens qui déposent aujourd’hui leur bulletin dans l’urne en ce temps d’avril finissant.
Et il a un drôle de goût ce bulletin, un goût misérable où se mêlent amertume et malveillance, un fumet cendré qui vous accroche la gorge comme dans une angine carabinée. Pourtant, il a l’allure bien insignifiante, avec son visage dessus, à peine sorti des ans de la cinquantaine, et auquel on donne le bon Dieu sans confession. Ce n’est pas qu’il soit particulièrement laid, mais il y a en lui une sorte d’arrogance qui vous dit : « diantre, vous n’êtes qu’un paltoquet méprisable, une roupie de sansonnet, une vieille peau, un rebut de la société, un déchet non recyclable, un profiteur des services publics, noir ou arabe sans préférence, un pédé de première, une lesbienne mauvais chic mauvais genre, un laïcard attardé à gauche toute, et autres amabilités bien senties pour ne pas ajouter une merde à mettre dans le premier wagon plombé vers un aller de son choix, ou pas, mais sans retour ». Moi, je ne le touche même pas, ce bout de papier nauséabond, de peur qu’il me salisse les doigts. J’en prends un autre plus propre, en songeant que celui-là m’offrira à coup sûr un avenir moins sombre même si, à mon âge, les jours ne se comptent plus en lendemains qui chantent… Quatre-vingt-huit ans depuis hier, sans canne ni lunettes, les oreilles encore très ouvertes sur les bruits du monde et la tête bien en place, avec tout ce qu’il faut à l’intérieur pour ne pas paraître trop sénile !
Alors, pas question de tourner le dos à mon devoir de citoyenne ! Je me suis levée plus tôt que d’habitude, car je ne me leurre point, les gestes du quotidien prennent un temps extraordinairement plus long qu’il y a… un ou deux ans, et je ne voulais pas rater l’ouverture du bureau de vote. D’accord, je n’ai pas été la première à entrer dans la salle de la mairie, préparée pour l’occasion, mais il s’en est fallu de peu. Monsieur Deverneau se tient déjà derrière le rideau du seul isoloir dressé dans le coin le plus discret de la pièce, juste à côté de la fenêtre donnant sur la rue principale du village. Je reconnais tout de suite ses chaussons écossais qui dépassent de la toile grise et je me mets à sourire. Il s’est tant pressé qu’il a oublié leur présence à ses pieds, ruinant ainsi sa si belle prestation. « Monseigneur » a désiré nous en mettre plein la vue et l’effet s’avère très spectaculaire, puisque les trois assesseurs de service ne quittent pas des yeux ces deux objets de curiosité qui ne cessent de piétiner le sol comme s’ils savaient n’être guère à leur place, là, dans cette étrange boîte toilée. S’ils continuent de la sorte, ils vont bientôt quitter l’endroit sans leur propriétaire. Je ne suis pas mécontente de la situation, et ma satisfaction grandit au fur et à mesure que les minutes s’accumulent dans l’isoloir.
— Vous allez bien, Monsieur Deverneau ? Vous n’avez besoin de rien ?
Malgré son irrésistible envie de rire devant le spectacle de ces deux chaussons qui s’agitent de plus en plus dans le bas du rideau, l’adjoint au maire commence à éprouver une certaine inquiétude. Le temps dure, s’allonge, s’étire au point de se demander si un drame ne se joue pas là, tout à l’intérieur de ce lieu posément clos. Pas un bruit, pas une respiration n’en sort. Une véritable tombe, quoi !
Et puis, d’un seul coup, les chaussons se rejoignent et ne remuent plus du tout. Le silence devient oppressant, il a quelque chose de sépulcral, un tantinet funèbre. Personne ne se décide à bouger, et pourtant il va bien falloir user d’une indiscrétion certaine pour savoir ce qui est en train de se passer dans ce satané isoloir.
Selon moi, l’affaire est entendue.
Pourquoi ne pas mourir quand on a l’âge d’être vieux ? Mais ce n’est pas de cette manière que nous devons nous y prendre, que diable ! L’indécence n’a aucune tenue et, lorsqu’on supporte quatre-vingt-dix années sur le dos comme Monsieur Deverneau, chacun peut s’attendre à une fin de vie un peu plus honorable, dans un lit ou dans un fauteuil, le regard vissé à une télé allumée du matin au soir. Pas dans une mairie, en plein milieu d’une élection ! Franchement, là, je le trouve très désobligeant, cet homme.
En même temps, je pense qu’il y a une justice quelque part. C’est toujours une voix qu’ Elle n’aura pas. Plus cette idée chemine en moi et plus je me sens légère, malgré la pointe d’arthrose qui rend mes reins fébriles, au point de devoir trouver très vite de quoi placer mon fessier en position assise.
— Un petit malaise, Madame Deverneau ? Vous voulez une chaise ? Nous allons voir si votre mari a un problème, ne vous inquiétez pas.
M’inquiéter, moi… Pour lui ? Je doute de la raison de celui qui me parle ainsi. Tout le monde au village sait que notre couple n’est qu’un duo de pacotille, et ce, depuis belle lurette. La bienséance a voulu que je l’épouse, certes, mais pas l’amour ! Cinquante-huit ans de « bons et loyaux » services à notre actif. Quant au passif, mieux vaut ne pas le comptabiliser en années ou alors… en années-lumière. Notre histoire n’est pas une belle histoire, non, elle est sinistre, pathétique et, cependant, si je devais la réécrire, je n’en changerais pas un seul mot, pas une seule phrase ni onomatopée. Il faut croire que le genre humain trouve un certain bonheur dans la complexité de son quotidien. Nous n’avons donc pas dérogé à cette règle de conduite, pour le meilleur et pour le pire.
Alors que les trois assesseurs tentent une avancée en direction de l’isoloir, je somnole sur ma chaise dans l’attente d’un cri ou d’une réaction plus étouffée à la découverte de ce qu’ils vont trouver là-bas, derrière le rideau. Et ce qui doit arriver arrive immanquablement. L’affolement les prend les uns après les autres, je les vois pousser des petits gémissements, comme les gorets qu’on égorge, se culbuter et se précipiter à l’extérieur du bâtiment afin d’avertir qui de droit en pareille circonstance. Monsieur le Maire habite à deux pas et pas un ne songe à ne pas le déranger. N’est-il pas le premier élu, celui dont on espère tout et même l’impossible ? Je me sens terriblement stupide, là, sur mon siège, abandonnée et solitaire, à fixer, de mes yeux vides d’émotion, le rideau ouvert sur un corps dont le buste est resté accroché à la petite étagère, l’empêchant ainsi de glisser en le maintenant debout comme s’il était encore vivant. Cette façon de continuer à exister malgré la mort m’horripile. Cela lui ressemble tellement de se moquer, de narguer les autres et moi, surtout moi. Jusqu’au bout.
J’ai une véritable envie de me lever et d’aller lui mettre la gifle que je n’ai jamais osé dessiner sur sa joue de vieux. Je ne sais ce qui me retient mais ceci me retient si fort que ma main, prête à l’action, retombe telle une chiffe molle. Dommage, l’occasion est si belle et tellement inédite que, sans doute, je vais la regretter le restant de mes jours. En tout cas, lui n’a pas raté l’occasion de se faire remarquer, une fois de plus. Le village a de quoi causer pour un bon bout de temps.
— Vous n’êtes pas au courant ? Monsieur Deverneau… Figurez-vous qu’il est décédé, et pas n’importe où ! Vous ne devinerez jamais ce qu’il a trouvé pour se rendre encore intéressant… superbe manière de mourir, non ?
— En plein devoir électoral ! Enfin presque… il n’a pas eu le temps de voter.
— Tant mieux ou pas, c’est selon, n’est-ce pas ? Il a voulu couper l’herbe sous le pied de Madame, une course au bulletin quoi, à celui qui serait le premier dans l’isoloir, et vlan !
— La mort l’a vu entrer et ne l’a pas lâché. Vaut mieux ça que mourir à l’hôpital, branché de partout, avec la tête en vrac !
— Et vous connaissez l’heure de l’enterrement ?
C’est le brouhaha du dehors qui me réveille. Des pas et des voix s’entremêl

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