Angéline et la 25 ième heure
81 pages
Français

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Angéline et la 25 ième heure , livre ebook

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Description


Suivez le mouvement du pendule : tic-tac, tic-tac...



Savoir ou se taire à jamais... Par une fraîche soirée de début d’hiver, les formes prennent un aspect trompeur, inquiétant. Angeline regagne son appartement en somnolant dans le trolley... mais la réalité est parfois encore plus étrange.


Dans ce second recueil de nouvelles, l’auteur nous emmène au cœur des quartiers populaires de Lyon. Suivant un fil rouge conducteur, la ville et la Vallée du Rhône se prêtent à ces récits où la femme est acteur ou victime des éléments. Les histoires se succèdent comme des instantanés grâce à une écriture authentique et légère.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782368325742
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Angéline et la25 ème heure
LaSAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires deproduction participant à la réalisation de cet ouvragene sauraient être tenus pour responsables de quelque manièreque ce soit, du contenu en général, de la portéedu contenu du texte, ni de la teneur de certains propos enparticulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ilsproduisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'unéditeur tiers, qui en endosse la pleine et entièreresponsabilité
FrancineRey-Terrin


Angéline et la25 ème heure
Pour Virginie et Isabelle
EvelyneSuzanne et Joëlle

Pour toutesles femmes
Angeline et la 25èmeheure
Angeline et la 25 ème heure
LyonCapitale des Gaules Sa gastronomie Ses Quartiers
Mercredi 7 décembre 21h30
Angeline se pelotonne sur la banquette.
Il fait froid, la buée qui sort des lèvresse dépose en un voile opaque sur les vitres du bus. Uneécharpe de brume encotonne le décor. Tout est irréel.Ce qu’elle aperçut, elle le devina dans le brouillardcomme dans un rêve. Mal réveillée, ses sens,engourdis par le froid et la fatigue perçurent le danger, maisfurent incapables de le décoder. Au lieu de baisser lespaupières, de tourner la tête, ou tout simplement desembler somnoler, elle fut scotchée sur son siège, lesyeux grands ouverts, à regarder la rue par la vitre sale.

Son regard croisa celui de l’homme, et ellefrissonna malgré elle. Était-ce à cause de sesyeux noirs, profonds, aux sourcils épais et indisciplinés ?Parce qu’il était en tee-shirt, bras nus par une nuit à-5° ? Ou était-ce parce qu’elle distingua sesmains, puissantes et carrées, alors qu’il serrait contrelui une forme sombre entre ses doigts tâchés de sang.

Tout se passa le temps d’un éclair.Angeline fit un signe de tête, léger presqueimperceptible. L’homme esquissa ce qui ressemblait à unsourire. Leurs yeux s’étaient compris. Elle savait. Ilsavait qu’elle savait.
Le bus continua sacourse. Ligne 33. La Croix Rousse – Caluire – Montgay.
À cette heure tardive, il y avait peu depassagers. Tous des habitués ou presque. Des vendeuses ducentre-ville qui fermaient seules la boutique pendant que leurspatrons offraient des tournées dans les troquets à lamode. Des employées modèles, exténuéesqui rentraient retrouver leurs enfants glapissants et leurs marispantouflards, abreuvés de télé et de mauvaisebière. Des étudiants malingres et dégingandésqui arrondissaient leur maigre bourse en donnant des coursparticuliers ou en exerçant des petits travaux d’écritures.Des cadres vieillissants, pour qui les heures sup étaient ladernière chance de s’accrocher à leur entrepriseet qui repoussaient ainsi la porte entrouverte à la mise surla touche. Quelques vieilles rombières, qui étaientdescendues au centre-ville faire du lèche-vitrine et papoterdans les salons de thé, mais qui ne pouvaient plus s’offrirle luxe d’un taxi pour regagner leurs froides demeures. Deshommes, des femmes, des anonymes. Sourires de commande, langueur detristesse qui colle comme un gant de toilette. La routine, la rouetourne. Course perpétuelle contre les aiguilles du temps. Desmarionnettes obéissantes, des figurants silencieux. Oubliésde la vie…

Ce soir-là, malgré la fréquentationhabituelle du bus, Angeline fut la seule à remarquer l’hommeau regard si noir, enserrant une forme inanimée comme unenfant serre son jouet, pantin désarticulé. La têterenversée, ses cheveux longs pendaient misérablement,jaunâtres, filasses. Son front bombé étaitlivide. Ses joues fardées et striées par les larmes.Les lèvres entrouvertes, encore carmines mais immobiles. Leteint cireux et blafard. Les yeux, Angeline ne les vit pas. Ilsdevaient être fermés. Seule une barre de mascara noirtraversait ce visage déjà marqué par la mort, etelle ne pouvait pas s’y tromper !

Angeline descendit du bus. Comme d’habitude.Trop fatiguée pour se poser des questions. Elle marcha unecinquantaine de mètres le long du trottoir éclairépar les quelques devantures et boutiques encore ouvertes. Des barsessentiellement, où les babasses se disputaient aux jeuxélectroniques et aux rêves artificiels…
Elle franchit le porche noir et crasseux, tournala poignée lisse et ronde à force d’êtrecaressée, et pénétra dans la cour intérieure,petite, nauséabonde. Elle prit l’escalier sur la droite,gravit les marches de granit usées, irrégulièresjusqu’au premier étage et ouvrit la porte de sonappartement. Son manteau jeté négligemment sur ledossier du fauteuil d’entrée, le cabas ouvert àmême le sol, ses bottines volèrent et retombèrentau milieu du désordre appliqué qui formait le quotidiend’Angeline.
Une longue douche chaude pour oublier la fatigue,un bol de soupe tiède par habitude, Angeline, la têteenrubannée d’une serviette rose, le corps enroulédans un peignoir se laissa tomber sur son lit au milieu des coussinset édredons qui se coloraient en un camaïeu de rose, dupâle au fuchsia, rose bonbon rose bébé, rosetendresse rose sucette…
Brisée, exténuée, Angeline nefit aucun effort pour résister et sombra dans un sommeilprofond, peuplé de rêves, de soleil et de chaleur.
Jeudi 8 décembre 06h00

Le radio réveil clignote et déverseson flot de musique jamaïcaine. Bob Marley dès six heuresdu matin. De quoi faire se damner un macchabée ! …
Angeline se tourne et se retourne dans son lit,voulant prolonger la nuit et garder cette chaleur bienveillante aucreux des draps qui bruissent doucement en réponse àses mouvements. Elle s’étire comme un gros chat, lèveles bras hors de la tiédeur de sa couche, se frotte lestempes, les yeux, baille longuement et décide de se lever,puisqu’il le faut…
Je udi 06h3 0

Une aube grise pointe. Les derniers nuagesnocturnes s’effilochent comme une dentelle dans le cielblafard. Pas d’air. Pas de vent. Pas de bruit. Tout secristallise. Il va geler encore aujourd’hui. Attention auxdérapages sur les trottoirs et aux parapets faussementamicaux. La voirie est déjà au travail. Salage etsablage sont les garants de la sécurité pour les colsdu fémur qui rencontrent malencontreusement les chausséesscintillantes de givre.

Le marché s’installe sur le boulevardde la Croix Rousse. Le jeudi les maraîchers se partagent lavedette avec les bouquinistes, les quincaillers, les forains. Tousces petits métiers qui font que le marché draine lacolline et les environs. Chacun y va de son secret pour seréchauffer. Un tel allume un braséro et en profite pourgriller quelques châtaignes. Tel autre a sa bouteille de gazson chalumeau, son radiateur… Les femmes malaxent entre leursmains une chaufferette grande comme un paquet de cigarettes etbrûlante comme des braises… On enfile des gants, desmitaines, des moufles même… On tape du pied dans desaprès-skis fourrés. On superpose des pulls, des gilets,des doudounes… On s’affiche avec bonnet, écharpe,cache-col… Il y a loin de la légendaire élégancelyonnaise ! Tout ce qui couvre, recouvre, engonce de la têteaux pieds, tout est bon pour affronter la matinée glaciale.Même le petit blanc qui circule d’étal en étalet réchauffe les gosiers mieux qu’une écharpe delaine ! Il est vrai que c’est coutumier par ici de seréchauffer de l’intérieur ! Les bistrotssont déjà ouverts et les percolateurs ronronnent. Maisle « petit ballon » fleurit sur les comptoirs.Les hommes au rouge, les femmes au blanc, enfin c’est comme çagénéralement…

Manu lui, avale son cinquième cafébrûlant. La trentaine, grand, solide, brun et bouclé, lacigarette au coin des lèvres. Mal rasé il a la barbedure et récalcitrante. Un clou doré à l’oreillegauche. Il est accoudé au comptoir du « PetitLouvre » avec ses collègues, facteurs comme lui. Lamusette au côté, les brodequins de l’administrationaux pieds. En ville, pas de mobylette, encore moins de petite voiture« jaune PTT » ! Non, ici c’est toutà la force du mollet ! Et il en faut du muscle et ducourage pour arpenter les pentes de la Croix-Rousse, de la Grande Rueau Gros Caillou, affronter les escaliers et les traboules, lesimpasses, les recoins sombres, les ruelles perdues entre les façadesdes anciennes demeures des canuts où les bistenclaques( Métierà tisser lyonnais.) sont maintenant silencieux.

La dernière gorgée de café.La dernière bouffée de cigarette. On salue le patron,les clients, les collègues et en route pour la premièredistribution de courrier de la journée. Manu remonte lafermeture éclair de son anorak bleu et jaune, visse sacasquette sur son crâne et pousse la porte du bistrot. Unebourrasque de froid et de givre pénètre dans la sallesurchauffée. Manu s’engouffre déjà dansl’ouverture et est happé par la chape de glace quis’étend ce matin sur Lyon, et qui affiche son intentionde s’installer ici pour le restant de l’hiver.

Dans la Grande Rue, la distribution est simple.Beaucoup de magasins, peu d’entrées de particuliers. Leshabitations sont désertées et profitent maintenant auxépiciers d’Afrique du Nord, où le thé vertembaume et volute le long des tentures qui lambrissent les murshumides. Entre les devantures, une porte de bois, le plus souventprécédée de deux marches s’ornant encorede tire-bottes et de grattoir, puis un couloir sombre qui débouchesur une cour intérieure. Là des escaliers et les boîtesaux lettres.
En général, les maisons de lacolline sont sur trois étages. Avant, au temps de l’abondanceet de la soie, les ouvriers étaient en bas et les bourgeoisau-dessus, puis les chambres de bonnes. Aujourd’hui deschambres pour étudiants et des logements sombres et sales auxplafonds si hauts qu’il est impossible de les chauffer. Il fautdire qu’il ne reste plus guère que des personnes âgéesà la Croix-Rousse. Des mémés au sourire édenté,des artisans à la panse joviale qui animent le cœur duquartier. Des employés qui descendent en ville en trolleyaccomplir leurs huit heures de travail quotidien. Et des jeunes, pourqui la colline reste le bastion de la révolte et le berceau del’histoire. On refait le monde autour d’un pichet commele refaisaient leur père et leur grand-père ! Àdeux pas des facs et des grandes écoles, des théâtreset de l’opéra.

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