L'autre initiative qui conforte « ceux qui ont intérêt à confondre les bonnes actions avec le beau langage », comme le disait Baudelaire, c’est assurément celle de Sembura, Ferment Littéraire, une plateforme vouée à la promotion des Lettres dans la région des Grands Lacs africains, depuis 2010. Refusant par principe l’affirmation faite par certains selon laquelle pour être un thème fréquent, la guerre serait à l’origine de toutes les littératures, cette plateforme propose plutôt la plume comme un moyen efficace pour combattre l’épée. À cet effet, elle a pris l’habitude d’organiser à intervalle désormais triennal des Journées Littéraires, assorties d’un colloque international centré sur la compréhension mutuelle des groupes qui ont des origines et un patrimoine ethnique différents ou perçus comme tels, l’enjeu étant d’endiguer la dimension violente et mortifère de la différence et promouvoir le vivre ensemble. Avec Convergences, positiver l’autre, titre de l’édition 2017, que nous avons le privilège de présenter au lecteur, l’heure n’est plus au constat ni à la simple plaidoirie, mais au mouvement à faire vers l’Autre, avec empathie, ce dernier mot étant entendu dans le sens d’un effort de compréhension intellectuelle de l’Autre et d’une capacité à se mettre à sa place pour apprendre non seulement à respecter, mais à valoriser positivement son système de référence.
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Extrait
COLLECTION
Fermentlittéraire
Convergences Positiver l’autre
Anthologie3 Plateforme des écrivains et universitaires des Grands Lacs africains
Plateforme des écrivains et universitaires des Grands Lacs africains
Convergences Positiver l’autre
Anthologie3
ée de a coaboratîon entre a pateforme « Sembura, ferment N îttéraîre» des Grands Lacs afrîcaîns et a maîson d’édîtîon La Croîsée des Chemîns, a coectîon « Sembura » contrîbue à a promotîon de a îttérature afrîcaîne. Ee est dédîée à a îttérature générae, tous genres confondus, et met ’accent sur ’accès à des anthoogîes consacrées au créatîons îttéraîres tout partîcuîèrement de jeunes auteurs des Grands Lacs afrîcaîns. Ces anthoogîes sont pubîées au format EPUB et sont tééchargeabes gratuîtement sur e sîte înternet de ’édîteur. La coectîon propose égaement chaque année un ourage coectîf sur une thématîque concernant toute ’Afrîque. Ee s’înscrît dans e cadre des actîîtés de «Sembura, ferment îttéraîre », pateforme ancée en 2010 dans es Grands Lacs afrîcaîns pour promouoîr a îttérature et ’enseîgnement îttéraîre, en accompagnant de jeunes pumes et en encourageant a jeunesse à s’întéresser à a ecture. La coectîon « Sembura » est soutenue par a Fondatîon Corymbo, Zürîch, Suîsse.
Rabîaa Marhouch
Dîrectrîce de la collectîon Sembura
PR ÉFACE
une crîtîque séère émîse par veuîot dans e journa Le Réeî duÀ maî contreLes Feurs du made Chares Baudeaîre – qu’î ne faaît décîdément pas mettre entre toutes es maîns – ’auteur du recueî de poèmes controersé aaît réseré une répîque au pîcrate:«Ce n’est pas pour mes femmes, mes ies ou mes sœurs que ce îvre a été écrît, non pus que pour es femmes, es ies ou es sœurs de mon voîsîn. Je aîsse cette fonctîon à ceux quî ont întérêt à confondre es bonnes actîons avec e beau angage». ï s’împosaît aînsî comme e promoteur de ’écoe de « ’art pour ’art» quî depuîs es Parnassîens, préconîse que ’œure îttéraîre doît rester une recherche de a beauté sans autre utîîté, à en croîre cette formue de Théophîe Gautîer seon aquee«dès qu’une chose devîent utîe, ee cesse d’être bee ».Depuîs, des génératîons d’épîgones se partagent une même conîctîon : a îttérature n’a pas de mîssîon socîae à rempîr. Ee est ie de a gratuîté et prîîégîe a forme. Pourtant, ’utîîté, oîre « ’outîîté » de a îttérature, aaît déjà été étabîe par es romantîques et pus spécîaement par vîctor Hugo, pour quî a îttérature se deaît de prendre faît et cause pour es mîsérabes. C’est probabement un crîtîque canadîen, Henrî-Raymond Casgraîn, s’eprîmant à peu près à a même époque que Chares Baudeaîre (), quî a e matre-mot pour assîgner à a îttérature une mîssîon hautement morae, céébrant aînsî es noces entre esthétîque et éthîque : « Heureusement que jusqu’à ce jour, notre îttérature a comprîs sa mîssîon, cee de favorîser es saînes doctrînes, de faîre aîmer e bîen,
8 — Convergences : Posîtîver ’Autre
admîrer e beau, connaïtre e vraî, moraîser e peupe en ouvrant son âme à tous es nobes sentîments […], en montrant du doîgt es sentîers quî mènent à ’îmmortaîté». DansQu’est-ce que a îttérature, Jean-Pau Sartre, bîen connu pour défendre ’engagement en îttérature sans pour autant partager toutes es aeurs de ’abbé canadîen, en arrîe à une concusîon sensîbement anaogue:«Bîen que a îttérature soît une chose et a morae une tout autre chose, au fond de ’împératîf esthétîque nous dîscernons ’împératîf mora».Pour uî, ’écrîaîn est en sîtuatîon dans son époque : chaque paroe a des retentîssements, chaque sîence aussî. Autant î rend hommage à votaîre pour aoîr pourfendu es înjustîces faîtes à Caas, à Zoa quî s’opposa à a condamnatîon de Dreyfus dans son céèbreJ’accuse, et à Gîde pour aoîr rééé es eactîons de ’admînîstratîon coonîae au Congo, autant î tîent Faubert et Goncourt pour responsabes de a répressîon quî suîît La Commune de Parîs parce qu’îs n’ont pas écrît une îgne pour ’empêcher. DansLes droîts de ’écrîvaîn, Sojenîtsyne ne dît pas autre chose orsqu’î estîme que ’écrîaîn a e deoîr de parer à a socîété de ce qu’î oît ou du moîns de ce quî représente un danger. Quîconque s’întéresse un tant soît peu à a îttérature négro-afrîcaîne moderne se souîent de cette érîtabe passe d’armes entre Camara Laye et Mongo Betî, ce dernîer estîmant que ’auteur deL’Enfant noîr auraît mîeu à faîre que ce roman en produîsant une œure en faeur de ’affranchîssement des peupes afrîcaîns du joug însupportabe de a serîtude coonîae. Car, pour Mongo Betî aussî, ’écrîaîn afrîcaîn doît faîre e choî de ’engagement. Comme e conlît est consubstantîe à toute socîété, e rôe de ’écrîaîn peut être de s’emparer de ce type de dysfonctîonnements, de ce morceau d’îceberg quî dépasse, car on ne raconte pas ’hîstoîre du traîn quî arrîe à ’heure. Cependant, cet engagement ne a pas de soî. Écrîaîns et înteectues ne font pas forcément œure de prophètes quand îs font appe à eur îmagînatîon et à eur întuîtîon pour rééer es érîtés cachées et es dangers auques a socîété est eposée.
Préface — 9
Dans e numéro de a reuePeupes noîrs Peupes afrîcaîns(), Aoy. U. Ohaegbu consacre un artîce à a guerre cîîe du Nîgerîa – pus communément connue sous ’appeatîon de «Guerre du Bîafra» ( juîet à décembre ), quî emporta pus ou moîns un mîîon de îes humaînes – comme facteur de créatîon îttéraîre. ï constate que, hormîs queques « poètes-cîtoyens » de a eîne d’un Chînua Achebe ou d’un Woe Soyînka, quî ont eu e courage de condamner, aant que a guerre n’écate, es îoences poîtîques, a corruptîon oficîee, e trîbaîsme et e népotîsme, e totaîtarîsme, bref ’état d’însécurîté généraîsée quî préaaît au Nîgerîa jusqu’au coup d’État de , cause îmmédîate de a guerre, nombreu aaîent préféré se murer dans un sîence compîce. Or, a régîon des Grands Lacs afrîcaîns, puîsque te est notre propos, est e théâtre de îoences paroystîques commîses et endurées depuîs ’époque des îndépendances et ayant dégénéré en génocîde hîdeu perpétré contre es Tutsîs au Rwanda, en . Pour ne nous îmîter qu’à ce dernîer cas, hormîs queques înteectues souent en eî quî aaîent condamné a dérîe trîbao-dîctatorîae du régîme poîtîque quî refusaît tout espace îta au Tutsîs, es autres, surtout à ’întérîeur du pays, s’îs ne se taîsaîent pas, huraîent aec es oups. Nous en ouons pour preue cette coterîe de pumîtîfs du régîme d’aors, dîte de « ’écoe de Nyakînama », quî s’éertua à justîier ’éîmînatîon du Tutsî anîmaîsé et noîrcî de péchés et auque ee dénîaît a rwandîté ain qu’î puîsse serîr de bouc émîssaîre. C’est après a catastrophe que La Répubîque des ettres s’étaît réeîée, notamment dans e cadre de ’opératîon « Écrîre par deoîr de mémoîre » (-) dans e soucî de témoîgner pour « dépasser a haîne (et) construîre a paî dans a régîon des Grands Lacs », pour reprendre e tître d’une pubîcatîon de ’ïnîtîatîe de Genèe pour a paî dans a régîon des Grands Lacs aec a coaboratîon de Ereîne Suîsse (). On tîendra pour embématîque de cette dynamîque e beau roman d’Eugène Ebodé,Souveraîne magnîique, quî montre que, quee que soît a graîté de a crîse, a réconcîîatîon est possîbe, a paî aussî.