Écrire pour vivre
132 pages
Français

Écrire pour vivre , livre ebook

132 pages
Français

Description

Toute création est à la fois tissée de mélancolie et de beauté, à l'image de cette vie humaine qui porte la marque d'une déchirure ou d'une incomplétude dont le langage se fait l'écho. Par quel effet de transmutation, ce manque à être qui nous fonde devient-il ce ferment de l'écriture où la souffrance se met à l'œuvre ? Le propos de cet essai est de montrer comment, à travers le témoignage des écrivains eux-mêmes, un sujet se soutient ou se constitue par le biais de l'écriture et apporte une réponse toujours singulière à cette question de la douleur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782140041747
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

VéroniqueSaint-Aubin Elfakir
Ecrire pour vivre
Ap p r o c h e s li t t é r a i r e s
Écrire pour vivre
Approches littéraires Collection dirigée par Maguy Albet
Dernières parutions
Sylvie GAZAGNE,Mythocritique de la quête spirituelle dans Thérèse Desqueyroux de Mauriac et Nouvelle histoire de Mouchette de Bernanos, 2017. William SOUNY,Warsan Shire. Une voix poétique féminine de la diaspora somalienne, 2017. Marie-Christine BRIÈRE,Jusqu’à ce que l’enfer gèle. Hommage à Thérèse Plantier, 2017. Ali ABASSI,Flaubert dans le texte, Études sur la poétique romanesque, 2017. Maya OMBASIC,Paysages urbains et mélancolie chez Ohran Pamuk, 2016. Mamadou Abdoulaye LY,Malraux et la poésie, 2016. Gilles GONTIER,L’Ermite et le Renégat, 2016. José FONTAINE,La gloire secrète de Joseph Malègue,2016. Thierry Jacques LAURENT,André Maurois, Moraliste,2016. Rachid BAZZI,Permanence et variabilité dans le récit persan et arabe classique, 2016. Taïeb BERRADA,La figure de l’intrus, Représentations postcoloniales maghrébines, 2016 Magda IBRAHIM,Le personnage de Charlotte dans Le Testament français(1995) d’Andreï Makine, 2015. Claire CARLUT,Entre Poésie et Philosophie : l’œuvre de Christian Bobin, 2015. Jean-Philippe PETTINOTTO,À Marguerite Duras : L’écriture comme un fleuve asiatique, Représentation narrative de la vie familiale dans les œuvres de l’auteur, 2015. Petra KUBINYIOVA,À la recherche de l’identité dans l’œuvre de Frédérick Tristan, 2015. Ramona MIELUSEL,Langue, espace et (re)composition identitaire dans les œuvres de Mehdi Charef, Tony Gatlif et Farid Boudjellal, 2015. Rafik DARRAGI,Hédi Bouraoui. La parole autre. L’homme et l’œuvre, 2015.
Véronique Saint-Aubin Elfakir
Écrire pour vivre
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12288-5 EAN : 9782343122885
« L’art, c’est une blessure qui devient lumière » George Braque
Avant-propos Toute création est à la fois tissée de mélancolie et de beauté, à l’image de cette vie humaine qui porte la marque d’une déchirure ou d’une incomplétude irrémédiable, dont le langage se fait l’écho. Par quel effet de transmutation, ce manque à être qui nous fonde, devient-il ce ferment de l’écriture où la souffrance se met à l’œuvre ? Telle est la question que nous souhaitons ici déployer en interrogeant l’œuvre et les écrits des auteurs qui nous ont laissé le témoignage ou la trace de leurs interrogations. Car, comme le décrit si bien R.M. Rilke dans lesCahiers deMalte Laurids Bridge, il s’agit de « faire quelque chose de son angoisse » et d’opérer une véritable métamorphose, dont témoigne depuis l’origine le mythe d’Orphée, où la douleur et la perte deviennent musique et chant. A l’image du poète grec, l’artiste, dans sa quête de profondeur, se tient souvent dangereusement en équilibre à la bordure d’un Réel dont il nous rapporte l’énigme ou l’image transposée. Ainsi selon Maurice Blanchot, la figure d’Eurydice représente dans le mythe d’Orphée cet extrême, ou « ce point profondément obscur vers lequel 1 l’art, le désir […] semblent tendre ». L’écrivain frôle dans sa quête ce point limite qu’il souhaite dévoiler mais il doit finalement s’en détourner, en le métamorphosant, sous peine de succomber à ses aspérités. Il y a donc là une tension contradictoire ou une opposition, un combat
1 Maurice Blanchot,L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1982, p. 13.
7
intrinsèque au processus artistique que l’on pourrait définir comme une sorte de détour et de retournement incessant. Ce point focal ne pouvant finalement jamais pleinement être atteint par l’écriture qui, de ce fait, se trouve définie par Blanchot comme l’expérience de l’errance. Le travail créatif, par le biais du retournement symbolique qu’il opère, constitue, en fait, une sorte d’arrimage pour aborder ces états particuliers ou cette zone frontière, que chaque écrivain décrit à sa façon. Frôlant dangereusement les abîmes, légèrement décalé des habitudes normatives, l’artiste ne peut supporter ou sublimer ces territoires inconnus qu’il aborde, qu’en transcendant ces vertiges de la pensée en créativité. 2 Comme le note R. Musil , l’état de création s’apparente à « une chute à chaque instant et à travers tout dans l’abîme. Sans périr ». Souvent, on retrouve parfois dès l’enfance une forme de sensibilité particulière qui s’exprime sous forme de « chocs » successifs ou de moments presque extatiques. Ils surviennent généralement à l’issue de traumas, le plus souvent de deuils, qui viennent précocement déchirer la trame de la réalité. Nous aborderons à travers des auteurs tels que Romain Rolland, Gide, Rilke ou Musil, ces états particuliers que Virginia Woolf nommait des « instants d’être ». Tout se passe comme si ces expériences parfois « déréalisantes », constituaient, par la suite, comme autant de moments féconds annonciateurs de l’œuvre à venir, où ce qui n’était d’abord qu’effraction ou trou dans le « Réel » devient révélation voire même extase.
2 R. Musil,Les Exaltés, Paris, Seuil, 1961, p. 170.
8
A travers l’œuvre, se déploie ici un paradoxe qui semble constituer le fondement même de l’existence humaine : tendre vers la complétude ou une sorte de totalité mythique, tout en sachant que l’on ne pourra jamais l’atteindre ou la retrouver. Car cet instrument que constitue le langage est précisément ce qui ne peut que rater son objet, en tant qu’il est porteur de dualité et de division : le mot n’est jamais équivalent à la chose elle-même. Cette dimension de l’absence et de la perte est à la fois un vecteur d’inventivité qui nous permet de recréer ou recomposer la réalité et la source d’une insatisfaction qui relance sans cesse le désir d’écrire : il y aura toujours un reste à dire, quelque chose qui nous échappe. L’écriture ne peut s’approcher de ce que Blanchot nomme « la fascination du point central » ou parfois « l’origine » qu’à travers ce détour propre à l’usage de la métaphore. Comme il l’exprime dansCelui qui nem’accompagnait pas, le narrateur ne peut être « éternellement ici » mais doit se remettre à évoluer 3 « seulement autour d’ici, dans un voyage incessant ». En d’autres termes, la jouissance est cette Chose mythique et originaire qui ne peut jamais être retrouvée. L’art est toutefois ce qui va venir sublimer, en la recouvrant d’un voile de beauté, cette perte initiale et fondatrice. Cette fascination du point se situe peut-être à ce carrefour entre le symbolique et le Réel, en une sorte de zone blanche dont le franchissement n’est jamais sans dangers. C’est ce dont témoigne le narrateur de ce récit, qui s’adresse à un compagnon dont on ne sait s’il est réel ou fictif ou s’il
3  Maurice Blanchot,Celui qui ne Gallimard, 1953, p. 55.
9
m’accompagnait pas, Paris,
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents