George et Alexandre
486 pages
Français

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George et Alexandre , livre ebook

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486 pages
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Description

Ce livre présente une George Sand inattendue, débarrassée de l'ombre de Musset et de celle de Chopin. Entièrement basé sur sa correspondance et ses agendas, il nous fait pénétrer dans sa vie quotidienne, ses lectures au jour le jour, son goût pour le jeu, ses soucis d'argent pour brosser le portrait d'une femme moderne, à la curiosité insatiable, au coeur de la société de son temps. La période, volontairement choisie, de sa vie avec le graveur Alexandre Manceau (1849-1865) la révèle dans toute sa richesse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782140028342
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Marie-France LAVALADE








GEORGE ET ALEXANDRE

Portrait de George Sand
Copyright

© L’HARMATTAN, 2017
5-7, rue de l’École-Polytechnique – 75005 Paris

www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-78070-2
Remerciements
Toute ma gratitude va à Anne Chevereau qui a transcrit et annoté les agendas, les rendant d’accès facile à toute personne intéressée, et à Simone Bernard-Griffiths qui m’a ouvert la porte du monde sandien.

Je dois remercier aussi, de tout cœur, mes relecteurs et correcteurs efficaces : Chantal Alié, Michèle Chevaugeon et Gérard Brimont, ainsi que mes amis Hélène Perry, Vivien et Odile Blum, Franck Génestoux, qui, d’un bout à l’autre du projet, m’ont offert l’encouragement dont j’avais besoin.

Enfin, je suis pleinement reconnaissante à Bruno Racine dont le soutien fidèle m’a permis de mener à bien cet ouvrage.

À mes filles
Chapitre 1 Décembre 1849
L’hiver, déjà. La neige, qui tombait depuis le matin avait recouvert le parc d’une épaisse couche blanche et donné des couleurs aux visages de George Sand et des trois garçons. À trois heures, c’était elle, George Sand, qui s’était mis en tête de faire une partie de boules de neige. Les jeunes hommes avaient cédé, comme d’habitude, à son caprice. Ils avaient à peine pris le temps d’attraper un vêtement chaud et s’étaient précipités au-dehors comme des collégiens à l’heure de la cloche. La famille Sand, Maurice et George, coalisés contre Müller et Lambert gagnèrent sans aucune peine, la zizanie régnant dans le camp adverse. Croc-en-jambe et bourrade faussement amicale précipitèrent par deux fois Hermann Müller dans la neige. Lambert le haïssait. Sans le regard de feu que lui lançait George Sand à chaque incartade, et sans celui, clair et ironique, de Maurice, il l’eût volontiers piétiné ! En se traitant d’idiot, quand même, intérieurement. Il n’avait jamais été le favori, que lui importait qu’elle se soit entichée de cet Allemand taillé en athlète ? Il le savait, c’était comme ça avec elle, elle aimait trop les commencements. Lui, Lambert, qui n’avait jamais été son amant, avec ses sept ans d’ancienneté dans la maison, il avait le parfum ranci d’une vieille liaison. Madame n’était pas pour lui, pourquoi ?
Dans le feu de l’action, elle glissa, et tomba dans un grand envol de jupe et de pèlerine. Elle riait d’elle-même en se relevant. Hermann se précipita, la saisit à pleins bras. Leurs yeux se croisèrent, elle lui sourit avec tendresse. Lambert se retint pour ne pas hurler.

– Rentrons, décida Maurice.

Ils burent des grogs, dévorèrent des biscuits, parlèrent tous à la fois de la neige, de l’hiver précoce, des prochaines visites d’amis, du bonheur d’être loin de Paris. C’était rare qu’on soit aussi peu nombreux dans la grande maison. Et cela aurait été parfaitement délicieux si George Sand, en lieu et place du brave gros Borie ou de l’éditeur Hetzel, n’avait ramené de son séjour à Paris ce jeune amant, un peu bête et maladroit. Lambert souffrait de ne pas pouvoir donner libre cours à sa mauvaise humeur. Il aspirait à demain. Alexandre Manceau, jeune graveur de ses amis, devait débarquer pour un séjour d’une semaine ou deux et on prévoyait également des visites de Berrichons, la nouvelle du retour de George Sand ayant eu le temps de faire le tour du pays.

Après le souper, Maurice et Lambert se réfugièrent dans le billard pour préparer la prochaine représentation de marionnettes et George fit une patience, couvée des yeux par Hermann. Tandis que ses petites mains déplaçaient les cartes, elle sentait le regard de son jeune amant sur elle. Elle en était vaguement gênée, consciente qu’à 45 ans, elle avait gagné en embonpoint ce qu’elle avait perdu en grâce. Ce jeune homme qui l’adorait en public comme un bon chien fidèle et qui la comblait, dans l’intimité, des preuves de son amour, la consolait de tout. Des cruautés de Solange et de la mort de Chopin. Des soucis d’argent permanents qui la jetaient, nuit après nuit, à sa table de travail pour tenter de nourrir famille, amis, fâcheux, pique-assiettes, amis d’amis et pauvres bougres de passage. Hermann lui faisait du bien, et c’était déjà beaucoup. Il y avait beau temps que son prédécesseur, le journaliste Victor Borie, pour lequel elle avait néanmoins une affection sincère, n’y arrivait plus. Pourtant, à cette heure, c’était à lui qu’elle pensait, avec chagrin, avec remords. Il se morfondait à Paris, désolé d’avoir été abandonné, bête de ne pouvoir comprendre pourquoi. Mon pauvre Borie, tout simplement parce qu’il faut que je vive…

– Perdu ! Je monte…

Et comme Müller se levait, docile :

– Non, restez, Hermann. J’ai besoin d’être seule pour travailler.

Il était minuit. George Sand travailla seule jusqu’à 6 heures du matin, puis se lava à l’eau froide, revêtit sa chemise de nuit, et s’en alla dormir jusqu’à midi. À son lever, il y avait un garçon de plus dans la maison. Alexandre Manceau, l’ami parisien de Maurice et Lambert venait d’arriver. Il salua poliment la maîtresse de maison. Mal réveillée, ses gros yeux à demi dissimulés sous ses paupières, elle se montra plutôt maussade. Hermann s’affairait, s’empressait autour d’elle. Il ne lui reste vraiment plus qu’à haleter, langue pendante, et à remuer la queue, songea Lambert, l’œil mauvais.

Après le déjeuner commença la ronde des Berrichons : les Périgois, empressés, amicaux, Aulard, le maire, avide de discuter politique, gourmand des nouvelles de Paris, le docteur Vergne qui ne put s’empêcher, étant là, de prendre le pouls de George et de lui poser des questions sur son système digestif. Quant à elle, elle se laissait volontiers entraîner dans des discussions sans fin avec les uns et avec les autres. Il était si bon de réentendre le parler épais et fruité des gens du pays, elle avait tant de plaisir aux potins locaux, tant de désir de se fondre, de nouveau, dans l’air de sa campagne. Lambert, qui mâchonnait dans un coin un cigare éteint, assistait au réveil de Madame. Comme à chaque fois, il s’éblouissait de la lente métamorphose de cette femme massive, renfermée, comme absente, en une hôtesse aimable et gaie qui s’amusait comme une enfant et riait à gorge déployée.

– Si on sortait dans le parc ?

Avant tout le monde, Hermann était tout près d’elle, l’aidant à enfiler sa pèlerine. On s’habilla chaudement dans un joyeux tohu-bohu et on sortit sur le perron en même temps qu’Ursule arrivait du village. Grandes embrassades. George qui la connaissait depuis l’enfance et l’aimait comme une sœur aurait voulu abolir toute distance entre elles deux. Mais la sévère paysanne s’obstinait à la traiter en châtelaine. Elle emboîta le pas de la petite troupe. Il faisait un froid vif, piquant, sous un ciel de pur azur. Les grands arbres, ainsi que les cèdres de Maurice et de Solange, baissaient les bras sous le poids de la neige. L’allée en avait été débarrassée grâce aux soins de Lambert et de Maurice qui y avaient passé leur matin, aidés du jardinier. George, entre Ursule et l’inévitable Hermann, respirait à pleins poumons. Autour d’elle, la conversation avait repris. Aulard et le docteur Vergne parlaient politique.

– L’Assemblée a su faire des lois sévères, et c’est une bonne chose. La France a besoin de stabilité, il est temps de revenir à des principes moraux…

– Plus que temps, c’est vrai… Les événements de 48 ont laissé des traces un peu partout, des ferments de révolte…

– C’est cela qu’il faut assainir d’abord. Les lois sur la presse vont porter leurs fruits. Ensuite, le gouvernement pourra rétablir un ordre moral, ramener la sécurité et la prospérité…

– Parlons-en de la sécurité, et parlons-en de la prospérité, leur jeta George par-dessus son épaule. La prospérité des riches et la sécurité pour les bien-pensants. Pendant ce temps-là, on crève de faim dans les campagnes et dans les faubourgs, les amis du peuple sont exilés, le malheureux Barbès enferm&#

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