La relation de la littérature à l événement
302 pages
Français

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La relation de la littérature à l'événement , livre ebook

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Description

Le projet qui a rassemblé les contributions réunies dans cet ouvrage est né de l'état de la réflexion théorique sur l'événement en littérature et de la volonté de mettre à l'épreuve, dans le champ littéraire, les différentes définitions de la notion apportées par les recherches récentes en sciences humaines.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296490505
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La relation de la littérature à l’événement
(XIX e – XXI e siècles)
Sous la direction de
Marie-Laure ACQUIER
et Philippe MERLO


La relation de la littérature à l’événement
(XIX e – XXI e siècles)


L’Harmattan
Ouvrage publié avec le soutien du
laboratoire LIRCES et de
l’Université Nice Sophia Antipolis


© L’HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96074-9
EAN : 9782296960749

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Comité scientifique

Marie-Laure Acquier (Université Nice Sophia Antipolis)
Marie-Aline Barrachina (Université de Paris IV-Sorbonne)
Dominique Carlat (Université Lumière-Lyon II)
Jean-François Carcelen (Université de Montpellier III)
Dejan Dimitrijevic (Université Nice Sophia Antipolis)
Milagros Ezquerro (Université de Paris IV-Sorbonne)
Xavier Huetz de Lemps (Université Nice Sophia Antipolis)
Philipppe Merlo (Université Lumière-Lyon II)
Jacques Soubeyroux (Université de Saint-Etienne)
Alain Tassel (Université Nice Sophia Antipolis)
Introduction
Introduction. Circulation du sens, mobilité et extension de la
notion d’événement


Marie-Laure ACQUIER
Université Nice Sophia Antipolis
LIRCES


Chacun garde en mémoire les montages photographiques qui mettaient en scène les premiers instants des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Images graphiques, esthétisées, rythmiques qui ont barré la une de nos journaux pendant les 48 heures qui ont suivi l’impact des avions contre les deux tours du sud de Manhattan. Elles rendaient compte de ce que Clément Chéroux appelle la « souffrance des bâtiments » dans la catastrophe urbaine {1} . Cet événement, vécu quasi en direct à travers toutes les télévisions du monde, mais aussi photographiés par des milliers de témoins, a réactivé un paradigme fondateur de la perception des événements depuis le XX e siècle, celui de la médiatisation à outrance. Mais il l’a surtout exacerbé par une surreprésentation du même, par la mise en boucle d’images types saturant tous les médias {2} .

Si le rôle des journalistes est de rendre intelligible l’événement, la couverture médiatique des attentats du 11 septembre fut condamnée un moment à une relation de l’instantané, de l’irrésolution du présent : que se passe-t-il ? Cette faillite momentanée de la médiatisation de l’événement a entraîné une mise en rapport quasi immédiate avec un autre traumatisme guerrier d’origine aérienne, l’attaque de Pearl Harbor, dont les Etats-Unis venaient de commémorer en 2001 le soixantième anniversaire, production hollywoodienne à l’appui {3} . L’ethnologue Carol Gluck a interprété cette scénarisation dans le sens d’un récit « héroïco-simpliste », celui qui, selon elle, précède toute guerre {4} . Les publics spectateurs du monde entier étaient alors plongés dans la sidération, dans le partage d’une sphère publique, « pathologique » d’abord, celle des images fascinantes et répétitives du traumatisme, « thérapeutique » ensuite, celle de l’empathie avec les victimes. S’en est suivi la longue série mémorielle et non moins répétitive des images annuelles du ground zero, par ailleurs fondée sur un imaginaire post-apocalyptique.

Cet exemple montre magistralement que loin d’entretenir une relation d’externalité avec l’événement, les médias participent pleinement à sa nature et à sa fabrication. Selon l’approche et la terminologie adoptées par les études de médiologie, l’événement est « média-dépendant {5} ». Les médias contribuent en outre à l’extension de l’événement grâce en particulier au temps « automatique » de la télévision et d’internet qui, en diffusant en continu les mêmes images, y projettent une « focalisation dilatée ». L’événement médiatique se déploie dans la société, nationalise, socialise, unifie les téléspectateurs ou les internautes dans un ressenti de l’instant mais octroie aussi un « monument électronique », ou plutôt iconique voire inter-iconique qui sert de cadre préfabriqué à la mémoire de cet événement {6} .

Dans les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre, plusieurs esprits critiques, adeptes de la théorie du complot, ont reçu avec suspicion ces événements avec les récits héroïques qui les accompagnaient et sans doute à cause d’eux : ne s’agissait-il pas d’un coup monté ? Ces images n’avaient-elles pas été créées de toutes pièces pour servir la lutte du bien contre le mal ? Cette attitude faisait basculer l’événement vers la fiction. La prise en charge scénarisée par les médias fait que l’événement demeure sujet au doute. Mais face à ce que Françoise Revaz en tant que théoricienne du feuilleton médiatique appelle « pseudo-événement {7} », le détour par la fiction peut aussi apparaître comme un recours. De fait, la mise en images standardisées et les récits médiatiques orientés des événements du 11 septembre, qui se sont comme substitués à l’événement même, ont activé l’écriture {8} . La poésie, le théâtre, le roman, se sont emparés de l’événement, comme en témoignent les contributions au présent volume. Car le traumatisme qui ouvre sur la blessure pour l’avenir pose la question de la possibilité de dire l’événement, voire de le comprendre. Derrida et Habermas ont défini les événements du 11 septembre par une aporie : ils constituent pour eux un concept producteur d’incompréhension qui oblige à une posture de modestie. Pour eux, l’événement est ce que nous ne comprenons pas {9} .

Comme portées par cette vague créative et réflexive, par les questions qu’elle pose sur l’irreprésentable ou l’indicible du traumatisme remisé et métaphorisé dans l’inconscient individuel ou collectif comme des restes de souffrances, sur le rôle biaisé des médias qui semblent saisir l’instant de l’événement mais en réalité détermine et oriente son caractère extensif, les études littéraires ont interrogé la notion d’événement à nouveaux frais. Les ouvrages collectifs publiés à Rennes en 2004 et 2006 qui scandent la sidération dans leur titre même Que se passe-t-il ? {10} , puis Que m’arrive-t-il ? {11} proposent l’un, une synthèse du regard des sciences humaines sur l’événement, l’autre, un tour d’horizon des modalités d’intégration de l’événement dans la littérature du Moyen Âge au XX e siècle, avec une importante section sur la littérature et la guerre. En 2005, à Klagenfurt en Autriche, un colloque a réuni plusieurs chercheurs autour du Sens de l’événement en littérature {12} . Le numéro 10 de la revue de littérature générale et comparée de l’université de la Sorbonne Nouvelle, Trans-, s’est donné également comme objet de réflexion l’événement et le non-événement dans les littératures et les théories critiques modernes et contemporaines {13} . L’effervescence récente de la communauté scientifique sur le sujet nous révèle peut-être que la notion d’événement était une sorte d’impensé de la théorie littéraire. Nous pourrions affirmer en effet avec Emile Boisset, qu’il n’y pas de façon stricte de théorie littéraire de l’événement, que l’événement n’est pas le concept par lequel la littérature se pense elle-même, alors qu’elle est traversée de toutes parts par la notion d’événement {14} . De fait, les théories du récit, qu’elles soient fidèles aux analyses structuralistes ou qu’elles en soient simplement issues, la narratologie post-moderne de l’école anglo-saxone, les études sur la narrativité emploient, sans toujours le caractériser, le concept d’événement.

Pour le définir, la critique littéraire doit en passer par un détour et emprunter ses concepts à l’historiogra

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