La Structure sémantique
383 pages
Français

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Description

Le présent ouvrage met en évidence les caractéristiques spécifiques de cette structure linguistique particulière qu’est le lexème.

Informations

Publié par
Date de parution 22 avril 2011
Nombre de lectures 14
EAN13 9782760522633
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA STRUCTURE SÉMANTIQUE
LE LEXÈME CŒUR DANS L’ŒUVRE DE JEAN EUDES
par Clément Legaré
1976 LES PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC C.P. 250,Succursale N,Montréal,Canada,H2X 3M4
CET OUVRAGE EST PUBLIÉ GRACE À UNE SUBVENTION ACCORDÉE PAR LE CONSEIL CANADIEN DE RECHERCHES SUR LES HUMANITÉS ET PROVENANT DE FONDS FOURNIS PAR LE CONSEIL DES ARTS DU CANADA.
La conception graphique de la couverture est de Louis DESAULNIERS.
ISBN 0-7770-0164-0 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés ©1976 Les Presses de l’Université du Québec e Dépôt légal — 4 trimestre 1976 Bibliothèque nationale du Québec
PRÉFACE Le travail que sont censées introduire ces quelques lignes a procuré, lors de la collaboration avec l’auteur précédant sa confection sous forme de thèse, des satisfactions de cœur et d’intellect. La simplicité apparente du sujet y recouvre des dépouillements et des manipulations de matériaux exhaustifs, la modestie de la présentation ne réussit pas à cacher l’importance de l’enjeu cognitif. L’exercice rigoureux d’une méthodologie inhabituelle, l’élaboration progressive de la problématique qui n’était pas prévue — et encore moins formulée — à l’avance ont demandé au chercheur une ascèse d’initiation qui, commencée à la manière d’un Descartes refusant tout savoir antérieur consti-tué, par l’exigence de se faire un regard et un cœur « naïfsv, s’est poursuivie par une succession d’épreuves qui, à peine surmontées, laissaient apparaître de nouveaux obstacles. Appelé à remplir le rôle de donateur, opposant et juge à la fois, j’ai été témoin de l’acquisition de la compétence : au lecteur d’évaluer la performance que constitue ce texte. Choisir, fort de son ignorance voulue, un lexème quelconque, c’est d’abord le considérer comme un pur formant, comme un assemblage de lettres qui ne recouvre qu’un vide à combler, pour suivre ensuite, d’un œil attentif comment ce vide se transforme petit à petit en un lieu de l’instauration du sens, comment, dès les premières prédications, apparaissent des qualifications élémentaires du terme, toutes faites d’exclusions et d’oppositions, comment, ensuite, ce noyau lexématique à peine constitué devient le jouet des structures syntaxiques qui le font passer du rôle du sujet à celui d’objet, de la fonction du destinateur à celle du destinataire, en l’instituant, lors d’une saisie synchrone et totalisante, comme un objet polysémique, plurivalent et ambigu.
Le formant coeur recouvre une figure nucléaire à la fois simple et efficace : il s’agit d’une catégorie spatiale binaire dont les termes ne deviennent distincts que lors des lectures contextuelles séparées : ainsi, tout comme le lexème«milieu »désigne en même temps le centre et ce qui l’environne, le lexème«cœur »fonctionne, dans le texte choisi, à la fois comme un /englobé/ et un /englobant/. Cependant, tandis que la figurativité spatiale, dans le cas de
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«milieu », est bidimensionnelle et articule la surface, elle est tridimensionnelle, de l’ordre des volumes s’emboîtant les unes dans les autres, dans le cas de«cœur». Mais«cœur»a également le privilège d’être le lieu de rencontre et de neutralisation du somatique et du noologique : englobé somatique du corps, le cœur est aussi un englobant somatique de l’âme, et se présente ainsi comme une instance de médiation entre deux termes analytiquement contradictoires.
L’efficacité d’une telle figure apparaît dès l’instauration du discours sur le cœur. Des séries métonymiques de cœur, « englobant de l’âme », peuvent se dé-ployer alors comprenant, l’une après l’autre, toutes les facultés partielles de l’âme : le cœur en sera le siège et le principe totalisant, tout en restant lui-même un métonyme du corps, métonyme à son tour de la personne. Il n’em-pêche que, malgré toutes les manipulations noologiques d’emboîtements mé-tonymiques que cette forme lexématique peut subir dans le discours de Jean Eudes, la figure de coeur reste spatiale et régit une réflexion qui ne deviendra jamais entièrement abstraite, mais gardera quelque chose de charnel, ancrée qu’elle est résolument à la figurativité somatique.
Le discours de Jean Eudes est donc bien choisi, du point de vue séman-tique, pour mettre en évidence des caractéristiques spécifiques de cette structure linguistique particulière qu’est le lexème. Celui-ci se présente comme un ensemble de virtualités, susceptible de recevoir, lors de la manifestation dis-cursive — du moins dans ce cas limite précis — tout un micro-univers sémantique qu’il sous-articule dans son sein et sous-tend à lui seul. Tout se passe comme si le discours était là pour réaliser au maximum les possibilités du lexème et qu’en même temps il était ce lieu qui produit pas à pas, énoncé après énoncé, ce lexème comme sa propre condensation.
Le discours eudésien, par son caractère excessif met en lumière certaines propriétés de tout discours qui vise ou accepte sa clôture : il est à la fois redondance, destinée à épuiser l’information dont il est porteur, et mémoire, un énoncé se souvenant de l’énoncé qui le précède et constituent ainsi, à la fin du parcours, une structure de signification complexe où les réseaux de relations hypérotaxiques permettent de suspendre les oppositions hypotaxiques et autorisent la « coexistence des contraires ». Un discours « mystique » qui invite à la réflexion sur l’équivalence du tout et du rien, sur la participation des parties à un tout et la présence du tout dans les parties engendre ainsi un lexème d’un statut particulier que, faute d’un meilleur terme, on pourrait peut-être désigner comme«symbolique».Ce travail de sémantique lexicale apparaît ainsi en même temps comme une exploration prudente du sémioticien qui s’interroge sur les modes de production et d’existence des discours religieux et qui nous dévoile une forme spécifique de religiosité, manifestée au travers d’un discours baroque. A. J. GREIMAS
AVANT-PROPOS
En présentant cet ouvrage au public, nous poursuivons deux intentions bien solidaires l’une de l’autre. Nous ambitionnons, d’une part, de faire bénéficier nos lecteurs éventuels d’une lisibilité maximale des messages sémantiques sur « cœur » dans l’œuvre de Jean Eudes et, d’autre part, de démontrer la rentabilité des principes méthodologiques exposés par A. J. Greimas notamment dans son ouvrage intituléSémantique structurale.
Dans cette optique, une double affirmation préliminaire s’impose. La première concerne Jean Eudes lui-même dont nous avons à fixer rapidement le cadre historique ; la seconde énoncera, de façon sommaire, les postulats qui régissent la sémantique structurale. Cette présentation initiale, destinée à esquisser le portrait de l’homme à qui appartiennent les messages que nous soumettons à notre analyse, puis la discipline à laquelle nous empruntons un outil puissant de l’exploration du sens, constitue un minimum requis pour l’intelligibilité de notre étude.
Jean Eudes vécut en France de 1601 à 1680. Par sa doctrine et ses œuvres religieuses, il appartient à l’école française de spiritualité dont le chef incontesté fut Pierre de Bérulle, fondateur de l’Oratoire de France. Lui-même oratorien pendant 20 ans, Jean Eudes cessa de l’être en 1643 pour mieux promouvoir le mouvement de restauration catholique. Il fonda alors la Congrégation de Jésus et de Marie, dite des Eudistes, et six grands sémi-naires chargés de la formation des prêtres ; il institua l’Ordre de Notre-Dame de Charité en vue de la réhabilitation des jeunes filles. Orateur éloquent (selon Olier il était la « rareté du siècle » et Bossuet, après l’avoir entendu, aurait dit : « C’est ainsi que nous devrions prêcher »), il s’emploie pendant cinquante ans à l’exercice des missions populaires dont la durée s’étendait de 3 jours à 5 mois. Tant à Paris qu’en province, devant la cour et dans les villes les plus lointaines de la Normandie, il prêche avec un succès remarquable.
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Ses écrits étaient destinés à prolonger et à compléter le travail de transformation spirituelle déjà entrepris dans les grands séminaires et les missions. L’édition des oeuvres complètes de Jean Eudes a paru en 12 volumes, à Vannes, de 1905 à 1911, par les soins de J. Dauphin et Ch. Lebrun.
Au sein de l’école bérullienne où figurent, outre Bérulle, des personnes d’élite comme Bourgoin, Gibieuf, Condren, Quarré, Vincent de Paul, Olier, Jean Eudes apparaît comme le propagandiste le plus populaire de la doctrine commune. Surtout, il condense dans le symbolisme du cœur l’essentiel du christocentrisme bérullien. En enregistrant ses écrits sur le Cœur de Marie et le Coeur de Jésus puis son œuvre liturgique, l’histoire religieuse reconnaît en lui le premier écrivain à avoir présenté de façon cohérente, explicite et systématique la théorie du cœur mystique.
L’analyse structurale de la notion eudésienne de « cœur », qui seule désormais nous intéressera, se trouve assujettie aux contraintes de trois choix méthodologiques. Le premier choix, ou postulat, est défini par la clôture de l’univers linguistique. Ainsi le texte eudésien, donné comme un tout de signification, apparaît comme un vaste ensemble signifiant qui, par le sens, se referme sur lui-même. En faisant l’économie des « choses » ou du « référent », qui appartiennent à la dimension non linguistique, pour la définition de la signi-fication, la sémantique structurale est amenée à opérer uniquement à l’inté-rieur du cadre linguistique. Par là s’explique sa concentration sur le texte comme sur l’objet unique de ses investigations et sa visée permanente qui est de dégager, pour les décrire en métalangage, les structures immanentes au langage-objet. Le second postulat est celui du refus du niveau lexématique (celui des « mots ») comme palier d’analyse. Seul, le maniement des lexèmes accule le sémanticien à l’impasse. Aussi bien le traitement sémantique de « cœur » n’a-t-il été rendu possible que par le dégagement de ses sèmes, c’est-à-dire de ses unités minimales de signification qui ne sont saisissables que dans une relation d’opposition binarisée.
Le troisième postulat ou choix méthodologique consiste à reconnaître que les lexèmes ont un mode de présence autre que le mode d’existence de leurs structures. Celles-ci appartiennent au plan d’immanence, ceux-là au plan de communication. Par exemple, en présence des messages sur « cœur » situés au niveau du discours, on peut donc en principe postuler un univers de l’immanence où s’établissent les modèles qui président à l’organisation
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