Les Journaux intimes et personnels au quebec
292 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Journaux intimes et personnels au quebec , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
292 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

En dépit de l’intérêt marqué pour les textes autobiographiques depuis le début des années 1980, le journal intime continue de faire piètre figure, non seulement en tant qu’objet d’étude, mais aussi en tant que pratique littéraire. Cela n’est guère étonnant dans la mesure où le portrait du genre dressé par les théoriciens demeure, aujourd’hui encore, essentiellement négatif : genre sans forme, sans histoire et sans littérature… Il est ainsi un enfant mal-aimé des études littéraires et parfois des écrivains eux-mêmes.
C’est en réponse à ce discours réducteur que cet ouvrage propose de revoir et de réévaluer un certain nombre de lieux communs sur le genre et d’en montrer la poétique, en postulant qu’il s’agit d’un genre littéraire à part entière. En parallèle, l’auteure offre un portrait fouillé des journaux publiés au Québec sur presque trois siècles. De ce panorama émergent ainsi différentes figures « d’écrivains-diaristes » et de « diaristes-écrivains » dont les œuvres, souvent méconnues, signalent la complexité des enjeux esthétiques et éthiques soulevés par l’écriture et la mise en scène de soi.
Manon Auger est agente de recherche à l’UQAM, chargée de cours et chercheure. Elle a publié plusieurs articles sur divers journaux intimes québécois. Ses champs de spécialité sont la littérature québécoise, les écritures (auto)biographiques, ainsi que les enjeux de la littérature et de la création littéraire contemporaines.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 mai 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760637610
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Placée sous la responsabilité du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), la collection Nouvelles études québécoises accueille des ouvrages individuels ou collectifs qui témoignent des nouvelles voies de la recherche en études québécoises, principalement dans le domaine littéraire: définition ou élection de nouveaux projets, relecture de classiques, élaboration de perspectives critiques et théoriques nouvelles, questionnement des postulats historiographiques et réaménagement des frontières disciplinaires y cohabitent librement. Directrice:
Martine-Emmanuelle Lapointe, Université de Montréal Secrétaire:
Hélène Hotton, Université de Montréal Comité éditorial:
Gilles Dupuis, Université de Montréal
Daniel Laforest, Université de l’Alberta
Karim Larose, Université de Montréal
François Paré, Université de Waterloo
Nathalie Watteyne, Université de Sherbrooke Comité scientifique:
Bernard Andrès, Université du Québec à Montréal
Patrick Coleman, University of California
Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège
Lucie Robert, Université du Québec à Montréal
Rainier Grutman, Université d’Ottawa
François Dumont, Université Laval
Rachel Killick, University of Leeds
Hans-Jürgen Lüsebrinck, Universität des Saarlandes (Saarbrücken)
Michel Biron, Université McGill
Manon Auger
LES JOURNAUX INTIMES ET PERSONNELS AU QUÉBEC
Poétique d’un genre littéraire incertain
Les Presses de l’Université de Montréal
Mise en pages: Yolande Martel Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Auger, Manon, 1978- Les journaux intimes et personnels au Québec: poétique d’un genre littéraire incertain (Nouvelles études québécoises) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3759-7 1. Journaux intimes québécois – Histoire et critique. 2. Journaux intimes – Art d’écrire. I. Titre. II. Collection: Collection Nouvelles études québécoises. PS8205.A93 2017 C848’.0309 C2017-940619-1 PS9205.A93 2017 Dépôt légal: 2 e trimestre 2017 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2017 www.pum.umontreal.ca ISBN papier 978-2-7606-3759-7 ISBN PDF 978-2-7606-3760-3 ISBN ePub 978-2-7606-3761-0 Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).


REMERCIEMENTS
J’aimerais exprimer ma plus profonde gratitude à Robert Dion, professeur à l’UQAM, non seulement pour son soutien indéfectible tout au long de ce projet et de mes années de recherche, mais également pour ses conseils toujours précieux et judicieux. Je voudrais aussi adresser mes plus sincères remerciements à l’équipe et aux collègues du projet «Poétiques et esthétiques du contemporain». Je ne serais pas qui je suis aujourd’hui si je n’avais côtoyé ces précieuses personnes! Merci aussi à Gilles Dupuis et Martine-Emmanuelle Lapointe et à toute l’équipe des Presses de l’Université de Montréal.


INTRODUCTION
Les moralistes ou les politiques ne s’y sont pas trompés, qui condamnent ces délectations moroses: «Le moi est haïssable», écrit un Pascal […]. S’il se trouve des psychologues ou des hommes d’Église pour tenter de récupérer une confession laïcisée, la plupart réprouvent un culte du moi stérile qui détourne de Dieu et de l’action, qui enferme l’esprit dans une solitude désenchantée, rétrécie, malsaine, qui émousse bientôt une attention rabaissée au microscopique, et finit par débiliter ou dissoudre la personnalité. […] Sans doute une pleine ouverture aux joies du monde, une communion avec cet univers que Platon nommait «un dieu bienheureux» excluent-elles les plaisirs moroses du journal intime, qui se développe, au contraire, dans une atmosphère de culpabilité et d’individualisme exacerbé.
Daniel Madelénat (1996: 1217)
Le diariste adopte un comportement infantile en refusant d’affronter le monde; le genre implique une certaine passivité au niveau même d’une écriture qui ne suppose aucun effort de reconstruction volontaire, mais suit le fil des faits. Tandis que l’autobiographe semble dominer sa destinée et que le mémorialiste apparaît surtout sensible aux réussites, l’auteur d’un journal ressasse souvent ses problèmes ou ses échecs.
Pierre-Jean Dufief (2001: 108)
Voilà donc, d’entrée de jeu, un portrait plutôt sombre du journal intime en général et de ceux qui le tiennent en particulier: «culte du moi stérile», «dissolution de la personnalité», «repli sur soi», «plaisirs moroses», «culpabilité», «individualisme exacerbé» selon le portrait critique qu’a pu en tirer Madelénat; «comportement infantile», «écriture passive», «ressassement des problèmes et des échecs» selon Dufief. Et pourtant, je me permets de citer ici non pas de farouches opposants à ce type de littérature – et ils ont été légion au cours de l’histoire du genre 1 –, mais bien des personnes qui s’y sont intéressées, de près ou de loin, pour constituer des ouvrages théoriques, des manuels pédagogiques ou des articles d’encyclopédie. Je pourrais ainsi facilement multiplier les exemples et les citations de même ordre, car, dès lors que l’on s’intéresse au journal intime, on ne peut manquer d’être frappé par l’homogénéité du discours critique à son endroit, par la noirceur des traits qu’on lui attribue et par la difficulté à laquelle on se heurte pour le définir 2 .
Ainsi, non seulement ce genre serait le fait d’individus suspects, mais il regrouperait, au surplus, une catégorie de textes passablement «plats»: «[L]e drame du journal intime, aussi bien au point de vue de l’esthétique du genre que de la psychologie individuelle, c’est qu’il ne s’y passe rien», assure par exemple Béatrice Didier (1976: 160), tandis que, de son côté, Jean Rousset affirme que «la fragmentation» propre au journal est «la fatalité du genre » (1983: 436, je souligne). Sébastien Hubier, dans une étude plus récente sur les écritures autobiographiques, propose pour sa part que le journal intime,
véritable culte rendu au factuel, ne se fonde pas seulement sur le refus des sujets grandioses, mais aussi sur la négation de la rhétorique et des formes fixes d’expression, à commencer par la recherche de la dispositio rendue inutile par la structure fatalement chronologique de l’écriture. (2003: 31, je souligne)
Dans cet esprit, où l’hégémonie de la forme narrative conduit à utiliser un vocabulaire où «drame» et «fatalité» se côtoient sitôt qu’une histoire n’est pas racontée à la manière d’un roman, et où toute proposition de définition semble balisée par autant de bémols qu’il y a de critères 3 , il n’est pas étonnant qu’on en soit venu à simplement offrir une définition en creux du journal: genre fourre-tout, sans norme, sans forme ni structure, sans histoire et sans littérature, pourrait-on dire…
Un genre qui, de plus, n’aurait pas dû devenir genre, puisqu’il est d’abord une pratique privée et n’est pas fait, par conséquent, pour être lu et encore moins publié. C’est du moins selon cette logique que Françoise Van Roey-Roux, qui consacre la première thèse d’importance à la littérature intime du Québec, considère que les plus beaux spécimens de journaux sont ceux du xix e siècle, car, écrit-elle, «les auteurs jouaient alors honnêtement le jeu: ils écrivaient pour eux-mêmes» (1983: 21-22) 4 . Dans cette même optique, Pierre Pachet affirme que, après la date charnière de 1887-1888 où sont publiés en France deux journaux qui font scandale, soit celui de Marie Bashkirtseff – jeune artiste peintre récemment décédée – et celui des Goncourt sur la vie littéraire de leur temps, «c’est le début d’une autre époque, qui fait désormais du journal intime un genre littéraire établi. Cette date marque aussi une fin. Le journal intime cesse d’être aussi privé, aussi secret, aussi intime qu’il l’a été . Sa vocation publique désormais le surplombe et le précède.» (1990: 125-126, je souligne) Pour leur part, Philippe Lejeune et Catherine Bogaert soulignent que, avant l’avènement de la publication des premiers journaux, «on écrivait dans l’ignorance des journaux des autres, et avec une parfaite innocence: il était impensable qu’on soit jamais édité. Époque merveilleuse : entre la fin des années 1780 et le début des années 1860, le secret a vraiment existé .» (2003: 54, je souligne)
Un fait semble donc incontestable: c’est que l’on n’a jamais véritablement pardonné au journal d’avoir été publié et diffusé. Et, plus que n’importe qui, ce sont très certainement les théoriciens du journal eux-mêmes qui regardent avec le plus de suspicion ce phénomène. Ainsi, l’éclosion du genre aurait en quelque sorte déformé et dénaturé la pratique; car si les origines de celle-ci remontent au romantisme, à la révolution industrielle et à l’émergence de la classe bourgeoise, son caractère secret la reléguait alors sagement au rang des pratiques domestiques que certaines jeunes filles, femmes sans enfants, prêtres pantouflards ou hommes efféminés pouvaient se permettre de pratiquer dans leurs moments de loisir sans que cela ne porte trop à conséquence, c’est-à-dire sans que l’institution littéraire en soit affectée ou embarrassée. Cependant, il semble bien que, dès que des éditeurs se sont mis en tête que cette «masse immonde» était publiable – fait que l’on peut situer pour la France aux années 1820 –, se serait dévoilée une «des impasses de la littérature 5 », d’autant plus, pourrait-on ajouter, qu’un public avide de scandales et d’indiscrétions s’est jeté sur cette matière informe pour y puiser, à son tour, le goût de l’épanchement narcissique et du repli sur soi… Du moins, est-ce là la vision un peu déconce

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents