Métissages et marronages dans l oeuvre de Suzanne Dracius
254 pages
Français

Métissages et marronages dans l'oeuvre de Suzanne Dracius , livre ebook

-

254 pages
Français

Description

Cet ouvrage offre une variété d'approches critiques sur les différents textes de l'écrivaine : le roman (L'autre qui danse), le recueil de nouvelles (Rue monte au ciel); la pièce de théâtre (Lumina Sophie dite surprise) et son dernier recueil de poèmes, (Exquise déréliction métisse). La voix/voie de Suzanne Dracius mont et tournoie volcaniquement comme cette belle route de la Trace de sa Martinique natale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 94
EAN13 9782296246133
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PROLÉGOMÈNES

Yolande AlineHelm
Ohio University

Née àFort-de-France, SuzanneDracius a passé savie entre sa
Martinique natale et Paris. L’écrivaine porte le métissage et le
marronnage en elle et dans son écriture. SuzanneDracius excelle
dans tous les genres et sa créativité s'est construite dans la
conscience d'une subjectivité métissée et marronne ; elle
s'identifie avec humour en tant que « mulâtresse
calazazagrécolatine ».Son cursus deLettresClassiques élucide en partie cette
appellation ; ce métissage et cette conscience d'une culture
créole,africaline, «atino-grecque » et française constituent entre
autres, l'aspect unique de son œuvre.Ainsi,SuzanneDracius
revendique sonappartenance plurielle à l’Afrique, à l’Europe, à
l’Amérique et même à l’Asie par le sang de sonaïeule chinoise.
Conjointement à son métier d’écrivaine,SuzanneDraciusa
enseigné àParis, à l’Université desAntilles et de laGuyane et
auxUSA: à l’université deGéorgie et à l’université deOhio.

Le présent collectif envisage une relecture des notions de
métissage et de marronnage dans l’oeuvre draciusienne :le
roman,L’Autre qui danse, publié en 1989 et réédité en format
pocheauxÉditions duRocher en 2007 ; le recueil de nouvelles,
Rue Monte auCielsorti chezDesnel en 2003 et lapièce de
théâtre,Lumina Sophie dite Surprise(Desnel, 2005).Quant à la
poésie parcourue dans ce collectif, elle relève de trois recueils de
poésie publiés également chezDesnel :Hurricane, cris
d’Insulaires(2005),Prosopopées urbaines(2006),Exquise
1
déréliction métisse.. (2007)Ces prolégomènes présentent un
tracé historique et littéraire des notions de métissage et de
marronnage.J’y formule ensuite une synthèse, ponctuée de mes
propres réflexions, des douzearticles du collectif.

1
Exquise déréliction métisseest entièrement consacré à lapoésie deSuzanneDracius.
9

On peut d’emblée annoncer un constat évident: l’oeuvre de
Dracius n’entre pas dans le moule de la créolité, comme les
différents articles le démontrent. SuzanneDracius propose une
mythologie de l’héroïne antillaise, qu’elle soit une petite da
(Léona) ;une guerrière (Lumina Sophie dite Surprise); une
jeune femme chevauchant une virago; une écorchée; une
amoureuse ;une écrivaine... une voix collective qui dénonce,
aime, se bat et jamais ne tombe car «Fanm tombé pa ka jen
dèsespéré » : autrement dit, la femme arrive toujours à s’en sortir
et malgré les coups du sort, elle reste « debout ». L’optimisme et
la bravoure des femmes draciusiennes estampillent tous les
textes :si le devoir de mémoire s’opère, elles se tournent
résolument vers l’avenir.

Il est essentiel de prendre le chemin à rebours sur les
« traces » de l’esclavage,afin d’envisager le métissage dans son
contexte historique.Le signifiatrnt «aporte une chce »arge
sémantique géographique, historique et symbolique importante.
D’une part, laroute de la Trace enMartinique, toute en virages
et en montées s’élance vers leNord de l’île le long d’un paysage
sublime.D’autre part, lesIndiens caraïbes, ensuite les esclaves
ont creusé des «traterme synonyme de «ces »,et ontsentier »
ainsi changé lacartographie de l’île.LesCaraïbes et les esclaves
marrons dans leur prolongement y ont laissé leur empreinte et
leur mémoire.Ltres «aces », lieux du passé, contrastentavec le
paysage urbanisé de la Martinique.ÉdouardGlissant propose la
pensée de latrace par opposition à lapensée occidentale.Pour
lui, lestraces recèlent encore des secrets et des paroles à
découvrir :[…]Latrace est à laroute comme larévolte à
l’injonction et lajubilationau garrot » (Introduction à une
poétique du divers, 69).Ainsi, l’oeuvre deDracius se situe dans
la« trade sesce »ancêtres et dans lacomplexité des
entrelacements de leurHistoire.

Le métissage, dans l’Histoire desAmériques, n’est pas
synonyme de célébration mais de meurtrissure étant donné que,
du corps métisafflue une mémoire qui renvoieau viol de
10

l’esclave noire par le blanc. Une visite récente à « la Savane des
Esclaves »(Martinique) m’aremis en mémoire l’origine du
métissage sous la: unforme de deux belles sculptures en bois
petit béké menaçant tourmente et houspille une belle esclave
apeurée.Le paltron de «a Savane desEsclaves »,Gilbert
Larose, m’adéclaré,alors que j’observais ces effigies: «Ces
deux pièces représentent le début du métissage enMartinique »
2
(octobre 2008) .Ainsi, lavigilance s’impose lorsqu’on idéalise
naïvement le métissage, fruit d’une sauvagerieau-delà de
l’entendement.SuzanneDracius le remémore dans un passage de
sanouvelle «Sadestinée rue monteau ciel »avec l’évocation de
la« pariade », une « fête » à bord des négriers durant laquelle les
esclaves noires étaient violées par l’équipage sur les ordres du
capitaine et ce,afin de « célébrer » lafin d’un «long périple » !
(19-20).Le papronyme de «aria« pde »,ararenvoiede »
doublement à une triste réaunexhibition »,une «lité :
« défilé » debeaux corps noirs de femmes meurtries et
humiliées.LeLittréne donneaucune explication de lapariade
dans son contexte esclavagiste etsapremière définition est
formuléea«insi :Terme de chasse.Saison où les perdrix
s'apparient pour lapropagation de leur espèce.Quelquefois,
lorsqu'après lapariade il survient des froids un peu vifs, toutes
ces paires [de perdrix] se réunissent et se reforment en
compagnie. [Buffon,Oiseaux] ».Lapariade, les signifiants
« métis » et « mulâtre », partagent un lexique cynergétique et une
connotation similaire de lachaviol »,sse, du «de l’animalité et
de l’accouplement.Émétis » vienttymologiquement, le terme «
du latin «(mél« mixtus »mixticius »,a« quingé/mêlé) :est fait
moitié d’une chose, moitié d’uneautre ;dont le père et lamère
sont de ra» (ces différentesLe Nouveau PetitRobert).LeLittré
le définita« 1°insi :Qui est né d'un blanc et d'uneIndienne
(d'Amérique), ou d'unIndien (d'Amérique) et d'une blanche ; on
dit mulâtre quand il s'agit d'un blanc et d'une négresse, ou d'un
nègre et d'une blanche.LesEspagnols naturels et lesEspagnols

2
Pour plus d’informations sur cet endroit magique, visitez le site suivant :
www.lasavanedesesclaves.fr

11

métis. 2°Qui est engendré par deux êtres d'espèce différente, en
parlant desanimaux.Animaux métis.[...]».L’étymologie du
terme mulâtre estainsi définie «Corruption de l'espagn. mulato,
dérivé de mulo, mulet.Aux colonies on ditaussi mulate et
mulatesse, à l'imitation de l'espagnol mulato et mulata. » (Littré).
On constateainsi laproblématique et laconfusion qu’engendrent
ces termes dont les colons ontabusé pour mieux justifier
l’esclavage et lacolonisation.

LeMétis, la Métisse, dans l’histoire desAntilles, et en
3
particulier dans celle de la Martinique , faitainsi sonapparition
«au sein d’une structure familiale racialisée [et paternaliste],
dans le cadre de lasociété esclavagiste d’habitation et de
plantation ».Il/Elle est né(e) «d’une faute charnelle, sous le
signe d’une fatalité généalogique [etainsi] prédestiné[e] à
incarner l’archétype du réprouvé primordial »(Mythologie du
métissage, 138).Toumsonaécrit une étude savante sur leMétis ;
cependant, il occulte lacomposante féminine du métissaor,ge ;
l’enfant métis n’est-il pasavant tout, « le fruit des entrailles » de
lafemme ?Durant le débutde lapériode esclavagiste, l’homme
métis, comme le remarqueChantalMaignan-Claverie («De l’élu
à

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