Sor Juana Inès de la Cruz
263 pages
Français

Sor Juana Inès de la Cruz , livre ebook

263 pages
Français

Description

Soeur Juana Inès de la Cruz est l'une des plus grandes figures de l'aube de la littérature latino-américaine. Née Juana Ramirez de Asbaje (1648 ? - 1695), surnommée la "Dixième Muse", elle a obtenu dans tout le monde ibérique entre 1689 et 1725 , sans quitter le cloître, un grand succès grâce à l'édition de son oeuvre poétique. Le Mexique l'a oubliée, puis, récemment, l'a ressuscitée, mettant son effigie sur les billets de banque. L'Espagne l'étudie. Les Etats-Unis et le Canada la lisent en plusieurs langues. Avec ce livre, elle trouve en français sa vraie place.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 54
EAN13 9782296263932
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sor Juana Inés de la Cruz Une femme de lettres exceptionnelle e Mexique XVII siècle
Marie-Cécile BÉNASSY-BERLING Sor Juana Inés de la Cruz Une femme de lettres exceptionnelle e Mexique XVII siècle
L’HARMATTAN
Introduction Le vrai à l’état brut est plus faux que le faux Paul Valéry Au début du livre qu’il a consacré, en 1982, à sa compatriote 1 Sor Juana Inés de la Cruz , le poète Octavio Paz dit que e l’histoire duXVIIsiècle mexicain a longtemps été écrite par les nationaux avec une « encre invisible ». Les œuvres littéraires étaient mal éditées et le public s’intéressait surtout à des épisodes pittoresques ou légendaires. Encore en 1976, une histoire générale du Mexique publiée par une maison sérieuse contenait des chapitres sur l’époque précolombienne et sur la e conquête duXVIsiècle, des chapitres sur l’Indépendance et la longue période qui la préparait, mais rien de spécifique sur la NouvelleEspagne, le futur Mexique, ce fleuron de la Couronne d’Espagne. Dans les pays étrangers, ce n’était pas si différent. Le grand informateur avait été le Berlinois Alexandre de Humboldt. L’ouvrage de ce savant voyageur, publié en français en 1811, connut un grand succès et beaucoup de rééditions. Mais Humboldt était géographe plus qu’historien. Il ne fut pas toujours bien lu. En outre, sa cécité devant l’art baroque était e absolue. Malgré l’importance du Mexique auXIXpour siècle les commerçants et pour les politiques, l’Europe connaît et apprécie mal son présent et encore plus mal son passé. En 1824, William Bullock, un voyageur anglais, écrit à Londres qu’il a découvert, faisant étape à Puebla de Los Angeles, une des plus belles villes du monde. Il constate et déplore que ses 2 compatriotes n’en connaissent même pas le nom . Quant à la France se seraitelle lancée dans la malheureuse expédition du Mexique si elle avait mieux connu le pays ?
1. Traduction française :Sor Juana Inés de la Cruz ou les pièges de la foi, Paris, Gallimard, 1987. Cet ouvrage ne figure pas dans le tome d’œuvres d’Octavio Paz paru dans la Pléiade (2008). 2.Six months’ Residence and Travels in Mexico,ch. VI.
Tandis que l’on se passionnait pour le monde précolombien, e on avait le sentiment qu’auXVIIsiècle il ne s’était rien passé ; c’était seulement une continuation de la conquête. Lapax hispanicaétait devenue un défaut. Les habitants étaient censés vivre une sorte de temps suspendu. Dans son célèbreLabyrinthe de la solitude, paru en 1950, puis modifié en 1959, Octavio Paz e luimême présentait leXVIIsiècle mexicain comme une version pétrifiée et passive de la société espagnole du temps. En fait des historiens comme les Mexicains Alfonso Reyes, Silvio Zavala et quelques autres, l’Américain Irving Leonard, les Français François Chevalier et Pierre Chaunu avaient déjà beaucoup travaillé et même publié sur cette période. Dès 1953, Marcel Bataillon consacrait son cours du Collège de France aux « Origines intellectuelles et religieuses du sentiment américain en Amérique latine ». Mais le tournant a lieu surtout à partir de 1960, avec aussi la notable intervention d’universitaires anglais comme John. H. Elliott. Au Mexique même, on assiste à un véritable retournement et les travaux historiques de qualité se 1 multiplient . Partout les chercheurs s’intéressent à la vie économique, à la démographie, à l’urbanisme, à l’histoire des mentalités, etc. En outre, les touristes commencent à apprécier 2 l’art baroque. On redécouvre enfin un monde presque oublié . La panne de la mémoire dans le Mexique indépendant est assez facile à expliquer : le pays était mal décolonisé. Dans ce e XIXchaotique, la classe dominante voulait se croire siècle héritière légitime des glorieux Aztèques et considérait la période espagnole comme une malheureuse parenthèse d’exploitation et d’obscurantisme qu’il valait mieux ignorer et dont on effaçait, autant que possible, les traces matérielles. Typique est l’opinion sur la NouvelleEspagne d’un nommé Gustavo Baz qui écrit en 1861 : « Une colonie réceptacle de tout ce qui était détestable dans la métropole. Venaient chez
1. Ce changement est décrit dans Margo Glantz,Sor Juana Inés de la Cruz : ¿ Hagiografía o autobiografía ?, Mexico, Grijalbo, 1995, p. 1924. e 2. Ici, on s’intéressera surtout auXVIIsiècle, en particulier sa deuxième moitié, parce que c’est l’époque de Sor Juana et en fait, l’épanouissement de l’époque proprement e viceroyale. LeXVIIIsiècle la prolonge, mais avec un certain degré d’alignement sur les normes européennes dans plusieurs domaines. Par exemple, on se met à apprendre le français. Chaque royaume a sa manière de s’initier aux « Lumières ». 8
nous les aventuriers, les paysans en quête de profits, les 1 galériens et les religieux » . Le pays, dans sa masse, était resté profondément catholique, mais la richesse des couvents malgré des spoliations successives, et les liens du clergé avec les partis les plus conservateurs en firent la cible des libéraux lorsque ceuxci prirent le pouvoir en 1858. Républicanisme et anticléricalisme se trouvèrent étroitement liés. e Si l’on évoque ici leXIXsiècle, c’est parce que l’hostilité et surtout le mépris qu’éprouvaient alors les libéraux face à tout ce qui était religieux eut des conséquences inattendues et désastreuses pour le travail des historiens. Lorsque Benito Juarez, à court d’argent, ferma, confisqua et vendit les couvents 2 masculins et féminins entre 1861 et 1863 , le luxe de certains de leurs bâtiments servit la propagande du gouvernement. Celuici aurait pu réemployer les œuvres d’art, mais ce ne fut pas le cas. Et il ne s’intéressa pas aux archives, ni même aux bibliothèques 3 dont certaines, dans les Ordres masculins étaient remarquables . En fait, à cette occasion, il perdit certainement des documents qui auraient pu être exploités contre l’Église. On en était arrivé à une sorte d’obscurantisme à l’envers. Des journalistes mexicains de l’époque déplorent l’incurie des pouvoirs publics et le chaos de la dispersion des biens des couvents : fonctionnaires qui se servent à leur guise, livres et papiers abandonnés sous la pluie etc. Un accapareur garda pour lui une quinzaine d’années la bibliothèque du grand couvent franciscain de Mexico ; après sa mort, en 1880, c’est à Londres qu’elle fut vendue aux enchères et hélas, dispersée. Le naufrage de tant de trésors ne fut pas absolu, en grande partie parce que des bibliothèques étrangères eurent la bonne idée de prendre ou
1.Hombres ilustres mexicanosII. Le texte est reproduit dans Antonio Alatorre,, t. Sor Juana a través de los siglos,t. II, p. 275. La traduction est nôtre. 2. Accompagné d’une armée française, l’empereur Maximilien arriva à Mexico peu de temps après, mais il respecta le fait accompli. À la différence de la vraie persécution des années 1920, la vie paroissiale n’avait pas subi d’obstacles pendant cette période. Le gouvernement se contentait de prendre l’argent là où il était. 3. Lors de la Révolution Française furent commis, outre les destructions, beaucoup de vols d’archives et de livres : la bibliothèque de l’abbaye de SaintGermain des Prés se retrouva à SaintPétersbourg ! Néanmoins, le dévouement extraordinaire de certains employés de la Bibliothèque exRoyale sauva, au profit de la nation, quantité de papiers lors des pillages de couvents et de châteaux. 9
d’acheter les livres, tandis que des religieuses avaient emporté des objets ou des papiers sous leurs jupes. Pendant ce temps, les bâtiments conventuels étaient démolis ou réutilisés à des fins plus ou moins honorables. Toutefois, beaucoup d’églises ont été conservées, et certaines sont encore ouvertes au culte. On est bien heureux de trouver aujourd’hui dans des universités des ÉtatsUnis quantité de précieux documents. Par exemple, le livre des professions du couvent de Saint Jérôme, à Mexico est conservé à Austin, au Texas. D’autres papiers possédés par des familles mexicaines refont surface de temps en temps. La communauté scientifique du pays est maintenant de classe internationale. Elle conserve ce qui subsiste, et l’on retrouvera sûrement d’autres témoignages. Le monde hispanique écrivait énormément. Malgré des pertes gigantesques et apparemment irréparables, il reste encore beaucoup, mais le paysage des archives est, et restera, une peau de léopard. Richesse et pauvreté alternent dans la documentation. Il importe d’en avertir le lecteur. Les deux phénomènes se retrouvent pour qui étudie le « PhénixDixième Muse de México »,de l’Amérique », la « 1 Sor Juana Inés de la Cruz (1648 ?1695) , la savante religieuse qui, en dépit des jaloux, brilla de mille feux au parloir de son couvent, puis auprès des lecteurs de la Péninsule, jusqu’au jour où elle décida de couper le contact avec le monde. Elle a souffert d’une longue méconnaissancejointe à la perte de beaucoup de ses écrits et de documents qui la concernaient, elle et son entourage. Les disparitions ont eu lieu après sa mort, et en outre lors de la dispersion des sœurs de son couvent qui fut imposée par le gouvernement libéral dès 1861. L’œuvre conservée de Sor Juana couvre quatre volumes, mais nous n’avons aucun manuscrit. Ses nombreux portraits sont tous posthumes. Sa correspondance avec l’Europe est presque entièrement perdue. De plusieurs ouvrages, nous connaissons
1. Une génération auparavant, en NouvelleAngleterre, Anne Bradstreet (16121672), « la mère de la poésie américaine » était aussi appelée par son éditeur londonien The Tenth Muse Lately Sprung Up in America…Les deux femmes s’ignorèrent et n’eurent pas les mêmes lecteurs. Platon, déjà, donnait le titre de Dixième Muse à la poétesse Sapho dont la biographie est mal connue. 10
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