Voix et plumes du Maghreb
139 pages
Français

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Voix et plumes du Maghreb , livre ebook

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Description

C'est avec Abdelkébir Khatibi que j'ai découvert un jour ce qu'on appelle la littérature maghrébine de langue française. J'ai d'abord visité La Mémoire tatouée, Le Livre du sang, Amour bilingue et puis tous les autres textes se sont invités naturellement dans mon univers. D'écho en écho, les interrogations soulevées m'ont poussé à sonder les écrits d'autres écrivains : Mahi Binebine, Abdelhak Serhane, Driss Chraïbi ou encore Nadia Chafik.
C'est à tous ces écrivains que ce livre est consacré. A travers l'analyse de leurs mécanismes, ma seule préoccupation est de mettre en exergue la complexité des relations qu'une écriture entretient avec le monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 34
EAN13 9782296698888
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Voix et plumes

du Maghreb
« AUTOUR DES TEXTES MAGHRÉBINS »

Collection dirigée par
Najib REDOUANE et Yvette BÉNAYOUN-SZMIDT


Ouvrages déjà publiés dans cette collection :


Clandestins dans le texte maghrébin de langue française
Najib Redouane (dir.), Paris, L’Harmatan, 2008, 258 p.

Vitalité littéraire au Maroc
Najib Redouane (dir.), Paris, L’Harmattan, 2009, 359 p.
Lahsen BOUGDAL


Voix et plumes

du Maghreb
Autre ouvrage publié par l’auteur de ce livre :

Au bourg des âmes perdues, Paris, La société des
Écrivains, 2005,80 p.


© Photo de la couverture : Fayruz Chérif,
peintre française d’origine algérienne


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11847-8
EAN : 9782296118478

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Dédicace
Au-delà du récit, dans un désert qui n’a rien à voir d’exotique, où la voûte céleste demeure rétive à toute idée d’empathie, j’invoque mes seules lumières :
Najat , Écho de l’allégresse, j’ai bâti avec ton regard un château de rimes riches.
Ianis et Farès bruissement de la vie, le frisson de vos voix solaires berce le rêve.
Ma famille, la source de la flamme
Études
La forge de l’ironie dans Les temps noirs d’Abdelhak SERHANE
L’œuvre de A. Serhane est dominée par l’expérience de l’ironie, non pas de cette ironie qui cherche à ridiculiser son interlocuteur, mais d’une ironie que nous appellerons fondamentale. Depuis son premier roman, l’ironie s’est éloignée de tout verbiage rhétorique, pour s’imposer comme vision du monde, une manière de révéler les failles de la société. Un signe on ne peut plus de lucidité. Dans Les Temps noirs {1} l’ironie prend pour cible les archaïsmes de la société marocaine en la faisant parler contre elle-même, en lui renvoyant ses propres stéréotypes. Le ton provocateur, l’exagération, l’outrance, l’absurde qui fondent la situation, l’humour de la langue triviale et imagée, les déformations linguistiques, phonologiques et le travail sur les clichés démarquent le livre.

Dans une narration fluide défilent des histoires, des traces et des personnages dépouillés à l’extrême pour mieux leur extraire ce qu’ils ont d’essentiel. Tout laisse apparaître ce désir de l’écrivain de mettre à nu ce qui constitue l’essence d’une société qui se dissimule derrière ses masques. Les esprits revisités, les trajectoires mises en scène subissent les assauts du narrateur principal. C’est cette ironie qui constitue le propre de ce travail.

1. Des hiérarchies en crise :

La relation à l’ironie dans Les Temps noirs , n’est point de l’ordre de la métaphore, mais du vécu. Dès les premières pages, le narrateur imprime une tension au livre liée essentiellement à la situation du Maroc de l’après-indépendance. La libération du pays est le résultat d’un combat et de beaucoup de sacrifices sans lendemain. Cette déception engendre une forme d’ambivalence qui est le propre même de l’ironie chez Serhane. En ce sens il rejoint la définition de Monique Yaari. Pour cette dernière, l’ironie comme principe esthétique est indissociable d’une certaine philosophie impliquant aussi bien l’art que la réalité. Elle est le signe « de la révolte et du désespoir, ricanante et sarcastique », « mêlée à l’humour noir ». {2}

À l’instar des romantiques allemands, Serhane fait appel à l’ironie comme une manière de penser dont le processus est d’édifier des « contradictions insolubles » afin de mettre en exergue une déception. Elle se caractérise, selon Philipe Hamon, par un certain nombre de signaux repérables à différents niveaux du texte. Il dit à ce propos :

L’ironie est un mode dénonciation global (tout le texte est ironique). Comme local, le narrateur ou l’un de ses personnages fait un effet d’ironie en un endroit précis du texte. Dans tous les cas, les signaux auront avantage à apparaître dès l’incipit du texte, soit par thématisation et polarisation (l’un des personnages principaux du récit sera présenté dès les premières lignes comme spirituel […], soit par délégation à un personnage de conteur « spirituel », de la narration elle-même, comme dans la nouvelle à enchâssement. L’ironie […] se signale souvent de tels effets métadescriptifs ou de redoublements auto-descriptifs (mises en abyme). Ainsi les « nouvelles à cadres » d’un Maupassant, où une histoire enchâssante contient une histoire enchâssée, et qui présupposent donc un certain « retour critique » a posteriori sur cette histoire enchâssée, commencent-elles souvent en affichant en incipit le mode (sérieux ou ironique) dont elles vont relever en présentant par exemple des conteurs stipulés comme maîtres ès farces, jovialités ou ironies diverses. Cela à des fins déceptives. {3}

S’agissant de l’œuvre de Serhane, l’ironie traverse tous les niveaux du texte. L’intention du narrateur principal s’affiche dès l’incipit et précise, par le recours à l’ironie généralisée, l’effet critique escompté.
Le titre, Les temps noirs , laisse apparaître l’importance qui sera accordée à la dimension temporelle et donc à la mémoire et à l’histoire dans le livre. L’effet d’attente, quant à la nature de ces temps (passé / présent), est amplifié par l’épithète « noir ». C’est dire que le pacte de lecture met en scène par cet adjectif qualificatif une situation qui interpelle d’emblée le lecteur et qui sera thématisée par la suite pour une finalité déceptive. Ainsi, le premier chapitre prolonge cet effet sous forme de prélude. Le narrateur s’impose comme un personnage spirituel qui tire la leçon d’une situation dysphorique. Les temps noirs renvoient à la période du combat pour la libération du pays, mais aussi au noir que broie le peuple à qui ses aspirations sont confisquées. Entre ces deux moments forts vient s’insérer une autre dimension qui constitue une permanente, à savoir l’obscurantisme et les archaïsmes qui plombent le développement du pays et le maintiennent dans le noir.

Des années plus tard, un conteur s’installe sur la place Jama’Lafna à Marrakech, dépose son attirail devant lui, déplie un parchemin jauni par le temps et commence le récit de cette vie devant une foule médusée et silencieuse. ( TN , 19)

Il s’agit donc d’un retour critique du narrateur sur l’histoire d’un personnage-martyr. Le dernier paragraphe du premier chapitre se donne à lire comme un commentaire a posteriori sur l’histoire du héros qui s’est sacrifié, à l’instar de millions de marocains pour la libération de leur pays. Au niveau de la structure du roman, ce premier récit encadre et enchâsse un certain nombre d’histoires qui viennent l’enrichir en le diversifiant ou en soulignant les différentes péripéties. Cette structure à enchâssement permet, par ailleurs, au narrateur de tirer une leçon de cet engagement et de ce sacrifice qui s’est soldé, à contrario, par une grande déception.

Ici s’arrête une vie, dit-il de sa voix cuivrée. La vie d’un homme, et aussi d’un pays longtemps confondus. Ici ma voix reprend son histoire et l’immortalise pour les générations futures et les mémoires oublieuses, grâce à la force de la parole et à la magie du verbe. Il est mort pour la liberté et la dignité. Ils sont morts pour l’indépendance. Quelle indépendance ? Le pays n’a jamais été aussi mal colonisé qu’après le protectorat. C’est notre destin. Celui de cet homme. Celui de ce peuple. Celui de cette terre, ensemble embarqués dans l’exploitation et la honte. Ils sont morts pour rien… Ils sont morts. Ne restent plus que les chiens… ( TN , 19)

Les temps noirs renvoient dès les premières pages à la période tumultueuse de la résistance marocaine face à l’occupant. Le destin de l’insurgé, Moha Ouhida, personnage courageux, assassiné par les colons, résume parfaitement l’effet recherché par le narrateur. L’attente suscitée par l’incipit est amplifiée par le recours intempestif aux adjectifs relayant l’obscurité introduite par le titre et l’image fabuleuse du personnage.

Il marcha par monts et par vaux. Ses pieds agiles effleuraient à peine le sol, comme les caresses de la brise ou les ondulations d’un serpenteau sur le feuillage. L’herbe se courbait sur son passage puis se redressait aussitôt comme

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