Exit exquise memory
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Description

A la suite d’un accident, Alice vit son coma dans un road-movie à travers une contrée étrange. Elle y croise un marin pêcheur, un scientifique, un soldat, avant de basculer par l’échelle de Kétam pour revenir dans la réalité, guidée par Mac Tanoré, le médecin, et un musicien devenu Sâdhu.
Cet accident a-t-il été programmé dans une machination destinée à percer un secret industriel : celui du métal à mémoire ou du Gluzacol, inventé durant son coma ? Amnésique, elle mène son enquête et retrouve ses cinq comparses, qui ressurgissent là où personne ne les attend, jusqu’au dénouement final : explosif !
Avec humour, dérision et cruauté, tous sont confrontés aux circonstances de leur mort. Et si celle-ci n’était qu'une extravagance ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juillet 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332569066
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Alice
On contient sa mort comme un noyau, un tout petit pour les enfants, si cruel lorsqu’il veut germer.
De ses mains, elle arrache les bourgeons, un à un. Elle déplace un bras menu contre l’ours brodé sur la grenouillère et soulève l’enfant, tout juste arrivé. Son corps est léger, encore recouvert des baisers géniteurs. Patiemment, elle ôte la fine pellicule de chagrin laissée par la mère éplorée et les stigmates de violence du père, contre l’injustice. Elle est là pour réparer, pour transformer. Mille trois cent cinq est le numéro qu’elle relève sur le dos de la main. Méthodiquement, elle a égrainé les corps les uns après les autres, avec patience, puis les a additionnés sur son grand boulier. D’un côté, les candidats encore intègres, de l’autre, ceux à recycler ou à consolider au Gluzacol, une pâte de latex verte, très souple et odorante, comme l’humus des bois. Parfois, elle met un soin particulier dans certaines finitions, qu’elle appelle ses rafistolages, afin de raviver les plus esquintés, ceux des fins de semaine, surtout du samedi soir. Pour eux, elle déploie des trésors d’ingéniosité. Elle se presse d’agir devant les boucles trop sages. En levant les yeux, elle songe au petit corps et s’étonne, encore une fois, de compter sur quelqu’un, même une si jeune dépouille.
– Tu pèses bien peu mon petit ! Je regrette pour toi, mais tu seras un excellent élément. Quatre ans d’âge, c’est triste ! Je n’aurais rien pu faire pour t’empêcher de basculer du troisième étage. Viens, mon petit ! On va arranger ça !
Elle passe le corps à travers le sas, puis le dépose et s’assure que le clapet se referme correctement. Le plateau se retire et disparaît lentement, derrière la vitre. Elle suit sa progression dans la colonne de verre, à travers le plancher suspendu, un radeau instable qu’elle avait fait peindre en gris. C’était le seul moyen pour en finir avec l’écœurement qui la mettait hors service, lorsqu’elle avait accepté le poste. Elle n’avait pas eu d’autre choix. Au début, elle marchait en fixant la sphère bleue qui se balançait comme le battant d’une horloge cosmique, sous ses pieds, et lui occasionnait de terribles nausées. À force de gémir et de supplier, on avait fini par accéder à sa requête. On avait fait disparaître la Terre sous une couche d’acrylique ignifuge, imputrescible, d’une couleur presque banale. Un poste… pour combien de temps ? Elle tient ses comptes, au jour le jour, et rend son cahier ponctuellement, chaque fin de semaine. Son calendrier est simple, comme le travail qu’elle accomplit au quotidien. Elle doit l’exécuter en quatre-vingt-dix jours. Ni plus, ni moins. C’est la durée de sa peine. Elle a rendu son cahier dix fois. Pour l’instant, elle fixe une veilleuse qui brille faiblement, où danse et vacille son espoir, par intermittence. Si elle détourne le regard, quelques secondes, un malaise sournois s’installe et jette ses tentacules visqueux, qui se déploient en direction de son cœur. Rivée à cette lueur, elle affronte son doute et le chasse, avant qu’il ne s’exhibe et grave un peu partout sa présence, à coups de canif. Ce réflexe s’est transformé en une seconde respiration. Ce qu’elle jugeait, autrefois, formaté dans une gangue archaïque ou alors enfoui comme un instinct primaire délivré de son fossile, ne la quitte plus. Elle s’étonne de percevoir des formes dans le noir, d’entendre le vent faiblir puis inverser sa course, de repérer au creux de ses narines la note majeure des effluves, égarés au-dessus du Labantic. À partir du tout-venant, elle doit achever un processus complexe, cependant facilité par le matériel high-tech mis à sa disposition. Le tout est de rester concentrée. Au poids du silence qu’elle tente d’oublier sur sa couchette, la nuit, elle préfère le martèlement des vérins et des pilons. Parfois même, elle parvient à oublier leur cadence, jusqu’à la confondre avec une berceuse de balafon, et finit par s’endormir. L’éclat des carters luit faiblement, réchauffe l’espace entre le plancher et la voûte constituée d’une ossature végétale, sous la forme d’une immense coquille qui prend appui sur les racines provenant de containers bâchés. Là, au milieu des déchets organiques, elles puisent le potassium nécessaire à leur croissance, avant de hisser, dans un entrelacs de lianes, le feuillage jusqu’à la lumière.
Alice s’installe sur la chaise, devant la petite table encombrée de dessins, de lettres jamais expédiées et de fruits qu’elle réserve pour tromper son ennui. D’une main légère, elle lisse ses longs cheveux bruns qu’elle attache la plupart du temps, puis à tâtons, fait le tour de son visage. Son nez lui paraît plus étroit et ses yeux cernés. La surface polie des machines lui renvoie son reflet de manière incertaine, avec des éclats bleutés, là où un fard à joue serait pourtant nécessaire. Dans un recto verso de contorsions impossibles, elle essaie de se réapproprier ce qui lui appartient. Ce double qui la rendait aussi désirable, fuit son regard ou à peine s’est-il figé qu’il tremble, se déforme et rend sa place sur le métal irisé. Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir et se contenter d’un vague désenchantement. Elle scrute, en fronçant les sourcils, l’espace le plus proche à l’ancrage des épaules, à la naissance des seins. Son examen la rassure un peu. Sa peau est plus claire, mais parfaitement saine. Ses jambes, à demi allongées sous la table, lui paraissent exagérément musclées. En évoquant l’alignement de chaussures en bas d’un placard, elle se met à sourire, car ici elle va et vient, pieds nus. Elle possède une paire d’espadrilles qu’elle n’a jamais portées, parce qu’avant, les chaussures prenaient trop de place dans sa vie. Selon leur teinte, sa journée pouvait virer du blanc au gris, parfois même au parme, une couleur qu’elle adorait, mais qu’elle jugeait trop subversive pour ses pieds. Elle entend un miaulement à l’intérieur des feuilles et détourne le regard. Suspendu aux lianes, Doublegris s’étire en bâillant, puis entame nonchalamment sa descente, saute d’un container, fait une reconnaissance le long de la paroi et vient s’installer d’un bond sur ses genoux. Câlin et matou canaille, il ronronne sous les caresses. Les doigts courent sur l’échine, puis s’arrêtent sur une cicatrice, une vraie tubéreuse qui a brutalement arrêté sa croissance. La voix légèrement chantonnante, elle s’adresse à lui :
– Moi je peux te raconter ton histoire, diable gris ! Mais toi… Est-ce que tu es capable de raconter la mienne ? Non, bien sûr…
Elle soupire.
– Quelle surprise, tu te souviens ? Tu étais le numéro quinze et je menaçais de sauter directement dans le Labantic, autrement dit, je me suicidais une deuxième fois ! Sais-tu qu’on t’a retrouvé mort, foudroyé à côté d’un pêcheur en bord de Saône, avec un hameçon coincé entre les dents. Ne fais pas cette tête ! Tu avais encore le poisson au fond de la gorge. Le type est arrivé deux semaines après toi, parce qu’on a mis cinq jours pour le retrouver et autant pour l’identifier. Éjecté de ses bottes ! Pour lui, je n’ai rien pu faire. Le problème, c’était de reconstituer ta peau. On me donnait un chat en kit, pas un seul chicot debout, qui sentait une affreuse odeur de caoutchouc brûlé et dont je devais faire un animal de compagnie. En tout cas, c’était une excellente idée de te découper un tailleur sur mesure directement sur le sol ! Bon, je te l’accorde… Je n’avais pas vu que le revêtement était à moitié décoloré, mais le résultat est plutôt encourageant. Je n’ai jamais été douée pour le patchwork. Moi, j’ai deux passions, la musique et la peinture. Alors pour les poils, j’ai fait de mon mieux. J’ai sacrifié tous mes pinceaux et trois cordes de guitare pour tes moustaches. À présent, j’ai à mes côtés, le chat le plus original de tout l’univers, le seul en poil de martre… Greffe réussie !
Elle se penche, vide le contenu d’une bouteille d’eau dans un verre, puis reprend, en massant ses reins douloureux :
– Tu as vraiment de la chance. Non, pardonne-moi ! C’est moi qui te remercie de rester en ma compagnie. Surtout dans ce lieu ! Je devrais apprendre la vérité dans une semaine. On veut « me préserver. » Voilà ce que les gardiens de Poulcrit m’ont annoncé. Sincèrement, Doublegris, je sais que je ne me suis jamais suicidée, parce que ça implique une part de volonté et je me connais ! Produire un effort démesuré pour m’emparer d’un couteau et me persuader qu’en traversant la chair, entre les côtes, j’atteindrais le cœur… Impossible ! Je suis trop maladroite. Je me casserais une côte et tout serait à refaire. Ou alors dresser un échafaudage pour passer une corde sur une poutre, au risque de me casser une jambe, et d’abord, est-ce qu’on se suicide quand on attend un plâtre ? Bonne question ! Ensuite, faire un nœud coulant en transpirant à grosses gouttes… C’est nul ! Je voudrais tester si la corde est solide, et là, un essai, ça ne pardonne pas ! Autre chose, imagine qu’au moment de passer à l’acte, je sois prise d’une envie d’aller aux toilettes. C’est affreux ! Je n’ose même pas imaginer que tout puisse capoter par ma faute. Je suis trop perfectionniste. Il me faudrait un suicide labellisé, certifié conforme ou estampillé par un laboratoire officiel, avec un droit de recours devant les tribunaux. Tu imagines ça ? Alice attaque Alice pour vice caché dans sa propre tentative de suicide, sur le fond et la forme, la solidité de la chaise, la taille du couteau, la longueur de la corde. Une corde trop longue et vlan ! Deux chevilles cassées. Et je ne te parle même pas du gaz carbonique. Un gaz hilarant à la place, c’est du plus mauvais effet. On ne plaisante pas avec sa mise à mort. Non, il est absolument impossible que cela me soit arrivé. Im-po-ssible ! Do you understand, Dubblegrey ?
– Yes, I do !
D’un bond, elle est sur ses pieds, les mains sur les hanches et fixe le chat qui vient frotter son maigre pelage contre sa jambe.
– Qu’est-ce que tu as dis ? Répète un peu. Tu speak English ?
– Yes, I do !
Elle passe un doigt su

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