Fragments épars d une vie entière
178 pages
Français

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Fragments épars d'une vie entière , livre ebook

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Description

A la croisée des chemins, un homme, submergé par des sensations enfouies, des souvenirs anarchiques et fous, tente un ultime pari : retrouver le goût de la vie, au risque de se perdre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332664655
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-66463-1

© Edilivre, 2014
Séance 1 Exposition
Psy est vieille. Trop vieille. Et moi aussi.
Elle me demande d’une voix vinaigrée pourquoi j’ai tant tardé.
Je hausse les épaules comme je sais si bien le faire. Si elle croit que j’ai eu le temps de réfléchir avant que d’atterrir dans son salon, cela n’augure rien de bon pour la suite…
Dois-je avouer aussi combien ses lunettes sont affreuses, ses chaises en rotin défraîchies inconfortables à mon dos éreinté, la musique d’accueil inepte (saccades de piano désaccordé échappées d’un meuble troué), moi, dépressif, tuberculeux, à tel point que du plomb a coulé dans mes chaussures, m’empêchant de me lever à l’appel de mon nom…
Du coup j’ose à peine regarder le papier peint dans les yeux…
Le pourquoi doit-il être le vecteur de toute conversation ?
Moi je viens pour la joute !
Mais Psy est-elle seulement à hauteur d’intelligence ?
J’attends de l’esprit, du souffle, héroïques blessures, mes plaies, des œuvres d’art pour le moins !
C’est que je souffre à la fin ! C’est que mes angoisses sont venues à bout de tout. Il ne me reste rien.
Psy veut savoir pourquoi.
Et moi je veux savoir comment… (déjà, nos chemins se séparent, notre histoire à peine ébauchée…)
Je n’ai pas le goût d’être ici. L’odeur terne des victimes qui m’ont précédé en ces lieux. Grises et tristes.
Soudain. Timide. Accablé.
Attablé à ma propre misère qui m’étrangle je cherche ma respiration, mon pouls. Amères névroses.
Evitement.
Je vois, alors que Psy ne me quitte pas des yeux, combien il est confortable de se mentir.
J’ai la tentation de me fabriquer un autre moi, de le livrer lui, un appât, un ver de terre à mon service, un avatar(e). Exposer mon subterfuge et voir si Psy est capable de guérir cet autre…
Je suis bien trop précieux pour me jeter sans préalable dans l’analyse.
Je suis ici parce que je n’ai plus envie d’être ailleurs. C’est le dernier endroit à la mode, le seul que j’ai trouvé.
Ma présence en ces lieux s’explique par défaut, comme la plupart de nos choix…
Psy hoche du bonnet, ses boucles d’oreille tintent, cristal.
Je m’emballe.
Pourquoi serais-je différent ?
Argh ! Voilà que je me parjure déjà ! Je me reprends, juste à temps : COMMENT serais-je différent ?
Une couleuvre, une anguille, je suis.
Position de reptile : intenable. Mon sang : froid. Ma volonté : vacillante. Mon énergie disponible : épuisée.
Un violent découragement dégringole sur moi, je me tasse.
Enfoui.
Je.
Faut-il se résoudre à devenir une hypothèse de travail pour être choisi ?
Et prendre ainsi le risque d’échouer ?
S’abandonner.
En figures de style. Dièses et bémols. Un vaudeville. Du théâtre antique.
Le téléphone.
Psy répond avec une autorité calculée. Jette au combiné quelques indications qui n’appellent pas de réplique. Raccroche à grand bruit.
Le cadre est posé. L’ascendant est pris.
Je m’émiette d’un coup.
Bientôt les oiseaux me picoreront, me digèreront, m’emporteront avec eux. Comte d’Enfer.
Battement d’ailes, claquements de doigts.
Fin.
Mon corps, une cerise aigre plongée dans l’eau de vie, un crapaud déshydraté.
Psy consulte son réveil aux aiguilles démesurées et au tic-tac assourdissant, me demande une seconde fois ce qui m’amène.
Et je réponds sans réfléchir : moi !
Amour est volatile, changeant et infidèle.
L’ennui est une pure vue de l’esprit.
Quelle âme un tant soit peu trempée peut se laisser ainsi conduire à bailler aux corneilles ? Rien qu’un reflet jaunâtre, un peu gluant, de la vacuité qui nous absorbe. Tenez, comme elle, là, assise juste à côté de moi, qui ne sait que faire de ses chairs molles, de ses pensées mutilées : égotique, incompétente jusque dans la compassion ! Je n’ai nul besoin qu’on me dévisage si mal !
Le monde dans lequel j’évolue, arythmique, me rend malade. J’aurais préféré qu’il s’agisse d’une posture, d’un faux nez, d’une coquetterie dans l’œil. Je n’ai pas le sens inné de la comédie, du théâtre au quotidien : feindre l’affect sans s’affecter. Ma douleur est réelle, sans doute devrais-je m’adorer davantage… Mais voilà : la réalité crue me frappe crûment. Lorsque mon semblable meurt de faim, j’ai faim avec lui. Je vois, affirme mon médecin qui n’en croit pas un maux. J’en crève je lui réponds. Il m’offre des pilules en échange. Je refuse le troc. L’homme de l’art me dit que je me sens malade, que la nuance est d’importance. Je persiste, insiste. A la fin, il finit par me dire que c’est à lui de décider de ma maladie, que je ne suis pas spécialiste et au vu de son manque de perspicacité, je me dis que c’est bien mieux ainsi…
Je l’énerve.
Le culot. Ses vérités biochimiques m’indiffèrent : il n’en peut mais…
Déjà, quand il arrive dans la salle d’attente et qu’il s’aperçoit que mon tour est arrivé, je vois bien que je le dérange. Il se gratte, rumine, me palpe : rien ! Je ne le crois pas. Lui, écarlate. Mon médecin ne me ment pas, il se trompe. Je le lui dis, narquois. Il fulmine. Selon lui mes analyses montrent un déficit alarmant d’insensibilité, d’hypocrisie, d’optimisme de bon aloi, de bonne volonté. En un mot : de sociabilité ! Pas bon tout çà, pas bon mon pauvre ami ! Mauvaise pente. Mauvais esprit. Mauvaise graine. C’est trente euros, tout augmente, bornes dépassées : dépassements d’honoraires, bien fait pour moi et que je n’y revienne pas. Mon médecin me dit sur le palier d’aller me faire soigner, un comble !
Ce n’est tout de même pas ma faute si au terme de cinq mille ans de civilisations, de philosophes grecs, de prophètes, de magiciens, de mages, de théoriciens, de stratèges, de prospectives, de révolutions, d’humanisme, trois religions monothéistes, sept nains, dix commandements, douze apôtres, une renaissance, un siècle des lumières, mais aussi mille ans de progrès scientifiques et techniques, de déclarations des droits de l’homme, de guerres à n’en plus finir, toujours la dernière (en date), de mémoire collective, de pleurs, de deuils, de célébrations, de tueurs en série en série, d’œuvres d’art, de héros, de discours définitifs, de leçons à tirer, nous végétons encore et toujours : avidité, jalousie, prédation universelle, violences multicolores, exploitations délicieuses…
Et c’est moi qui déraille ! Pas une maladie çà : l’humanité ? Qui peut prétendre que je n’en souffre pas ?
C’est que j’allergise à ce gâchis moi ! En plein essorage ! Qu’on me camisole sur le champ ! Qu’on m’épargne ! Qu’on m’achève ! Mes nerfs au vif ne tiendront plus longtemps… Chaque jour qui s’éteint, identique au suivant plus encore qu’au précédent, m’affaiblit.
Mes amis, mes amours, tous me somment, chacun leur tour, de me rendre à l’évidence, d’accepter l’inéluctable, le couperet, reprenant en chœur la lugubre mélopée venue d’en « haut », du petit écran, des technocrates associés et des spécialistes en colloque sur le déni qui arrange tout, le remède universel aux états d’âme : on ne peut rien y faire ! C.Q.F.D. et les sciences mathématiques reconnaîtront les leurs…
Et moi, benoît, qui n’en sais fichtre rien, un pet, qui leur sabre l’appétit, le déjeuner dominical, quel toupet, quelle mouche du coche me pique, arrogant…
Ainsi ils me témoignent le mépris poli que je leur inspire non sans me proposer une pointe d’asperge. Une pointe d’amertume. Une gousse d’ail, oui ! Ai-je bientôt fini de les bassiner ?
Un café ?
Acide.
Une part de tarte au citron ?
Acidulé.
Je m’en vais ? Si tôt ?
Lundi.
Boulot.
Père ne supporte pas ce qui dépasse sa compréhension. C’est ainsi qu’il abhorre les intellectuels de tous poils.
Je me situe désormais sur un axe schizophrénique coulissant : je m’adresse à l’océan devant moi et l’océan me répond sans que je sois en mesure de distinguer lequel de nous deux est l’océan.
Enfant se souvient combien, autrefois, il était fait pour le bonheur. Son cœur retentissait de xylophones légendaires, de harpes celtiques. Ses paupières lorsqu’elles se refermaient recelaient plus de songes cotonneux qu’il existe de galaxies dans l’univers. Ses veines charriaient la lumière crue.
Enfant ignorait alors que le vide succède immanquablement aux feux ioniques du cristal.
A travers la lucarne bleue, maintenant :
Oublions un instant le passé, prenons le meilleur du présent et n’anticipons pas l’avenir ! Vacances pour tous ! En voilà une politique de civilisation ! Avant de passer la larme à gauche ! Décroissons ! Pouvoir d’achat à la benne ! Mijotons la propriété immobilière ! Qu’elle cloque à petit feu !
Nomade de la vie, unissez-vous ! De l’amour, de la luxure, de la joie !
Que crèvent ventrus les pisse-vinaigre de tous poils, les anachorètes de la retraite complémentaire, les corbeaux de l’espérance de vie rassise, le pétrole en toast gratiné à la Tour d’Argent !
Qu’on me donne un pagne, qu’on me délivre une compagne, qu’on me tartine du pâté de campagne !
Vivre à la verticale du ciel debout et n’avoir de compte à rendre qu’aux elfes de la pluie ! Religions aux poubelles de l’histoire ! Tout est métier de nos jours : la politique, la philosophie, les arts et les lettres et les ponts et chaussées, la conquête des esprits volatiles par le matérialisme le plus sournois, le rire, les rapports humains, les rêves les plus troublants : des métiers ! Tout y passe. Tout s’apprend et par voie de conséquence tout ce vent… Ebouriffant ! Edifiants édifices !
Désormais exigeons du sincère, du qui ne coûte rien, même si c’est moche, même si çà marche pas à l’électricité, même si çà ne se dénombre pas ! Du brut de décoffrage, avec des poils, de la spontanéité, des opinions, des controverses, des putains d’idées au mètre carré ! Et les yeux dans les yeux s’il vous plaît !
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