136
pages
Français
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2017
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Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
31 mars 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342151930
Langue
Français
«?Plongée en apnée dans tous les recoins de sa mémoire, elle fouille ses entrailles au scalpel, rouvre toutes les plaies et fait saigner l'immense et profonde blessure d'un premier amour perdu. Oublié ? Elle se trompait. Le prénom d'Erwan, resté gravé en elle, rouvre la cicatrice indélébile d'une trop brève passion qu'elle avait naïvement crue partagée et dont la rupture, inévitable et brutale, avait pris la forme d'une disparition sans explication, d'un abandon sans excuse. Rien que le vide qui tue plus que les mots.?» Martine, sexagénaire divorcée, découvre une lettre jamais lue, contenant une promesse d'Erwan, son premier amour. Fantasmant sur un possible retour en arrière, elle part à la recherche de son auteur. Sans prévenir son entourage, elle décide de prendre un aller sans retour pour tenter de le retrouver. Une fugue en mode majeur pour un pèlerinage au rythme des saisons.
Publié par
Date de parution
31 mars 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342151930
Langue
Français
Fugue en mode majeur
Valentine Picard
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Fugue en mode majeur
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://valentine-picard.societedesecrivains.com
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. »
Paul Eluard
Prologue
Immeuble récent, dernier étage, appartement calme, lumineux, balcon ouvert sur parc, arbres centenaires, proximité centre-ville.
À la lecture des termes de la petite annonce, Martine Lefèvre, ex-épouse Garnier, avait eu l’intuition que sa nouvelle vie commençait là. Elle avait échangé sans regret son ex-foyer de huit pièces avec grenier, garage, jardin, chat, chien et oiseaux, contre un deux pièces-cuisine-balcon de 42 m 2 tout compris. Elle avait quitté le coteau de Suresnes et l’Ouest parisien, où elle avait passé toutes ses années de vie d’épouse et de mère, pour s’installer dans la banlieue opposée, à Nogent, en bord de Marne. Une façon de marquer son territoire, d’affirmer son indépendance. Une révolution. Après avoir conjugué sa vie auprès de Bertrand, son mari longtemps aimé et admiré, Martine avait rejoint la cohorte de ses consœurs quinquagénaires divorcées. Même motif, l’adultère. Même punition, la séparation. Depuis cinq ans, délivrée de l’obligation d’une présence masculine à ses côtés, elle avait trouvé la paix dans une vie solitaire. Elle en acceptait les inconvénients. Elle en appréciait aussi la confortable sérénité. Elle était sexagénaire, libre et heureuse de l’être.
Pourtant, un jour de septembre, Martine a décidé de partir, seule, d’abandonner sa vie paisible et bien ordonnée de célibataire, de tout laisser derrière elle et de ne rien emporter. Ce matin-là, réveillée par la musique douce de la radio et par les lueurs de l’aurore qui s’infiltraient entre les rideaux, elle s’est levée, a pris une douche, s’est habillée et maquillée comme à son habitude. Elle a bu un café noir serré en relisant la liste des dernières choses à faire : vider réfrigérateur et poubelle, débrancher appareils électriques, nettoyer la salle de bains… Il lui restait à compléter le sac de voyage. À aucun moment, elle n’a renoncé ou failli dans sa décision, prise depuis de nombreuses semaines et mûrement réfléchie. Elle a minutieusement préparé son départ et n’a parlé de son projet à personne. À quoi bon ? Qui s’inquiéterait de son absence ? Ses enfants ? Sûrement pas ! Ils n’étaient plus concernés par sa vie depuis longtemps, et ne se soucieraient guère d’un silence prolongé. De leur côté, les voisins et amies du club de sport qu’elle fréquentait la croiraient partie en vacances à l’étranger, en se souvenant de ses fréquentes allusions à ce sujet.
Enfin, tout était prêt. Dans le salon aux volets fermés, il faisait sombre. Martine a allumé et a balayé la pièce d’un regard attentif, à la recherche d’un détail oublié. L’ordinateur était débranché. Elle avait pris soin la veille d’effacer ses fichiers personnels, de vider la corbeille et de ranger au fond de son sac à main la clé USB de sauvegarde. Ses yeux ont croisé un court instant le portrait de ses enfants adolescents, encadré sur une étagère de la bibliothèque. Karine et Patrick l’observaient en souriant, insensibles aux préparatifs de son départ. Martine n’en a ressenti aucune émotion particulière. Ces enfants-là n’existaient plus : les oisillons devenus adultes s’étaient envolés à tire-d’aile. Ils avaient si bien déserté le nid qu’ils n’y revenaient même plus. À présent, c’était elle qui partait. Elle ne savait pas si elle reviendrait.
Deux tours de clé ont fermé la porte de sa vie passée. Une fenêtre s’ouvrait devant elle sur l’inconnu du futur. Indifférente, Martine a traversé le parc de la résidence, habillé des couleurs cuivrées de l’automne. Elle a croisé sans les voir joggeurs et promeneurs de chiens, nounous et poussettes d’enfants. Un taxi l’attendait au coin de la rue. Pas une seule fois elle ne s’est retournée. Derrière la vitre, au-dessus du paysage monotone d’urbanités uniformes, son regard fixait l’horizon. Elle avait posé des « si » devant tous ses souvenirs et ne savait rien de ce qui l’attendait. Elle avait défait tous ses châteaux, brûlé tous ses vaisseaux. Dépouillée et nue, Martine partait à la rencontre d’un passé qu’elle voulait recomposer comme il aurait dû être, comme il devrait avoir été… si, quarante années plus tôt, elle avait reçu et lu la lettre qui lui était destinée.
Vêtue d’un pantalon de toile gris et d’un pull léger sous un imperméable beige, la discrète silhouette de Martine Lefèvre se perdait à présent dans la multitude, voyageuse anonyme dans la foule qui remplissait le hall immense de cette gare parisienne. Au milieu de l’impatiente cohue qui piétinait le long du quai, elle avançait tranquille, tête haute, la frange de ses cheveux bruns tombant sur la monture de ses lunettes, un foulard bleu noué autour du cou. Elle traînait derrière elle un sac de voyage à roulettes qui contenait un minimum de vêtements, chaussures et nécessaire de toilette, ainsi qu’une photo noir et blanc de format A4, rangée dans une enveloppe. Par un matin d’automne ensoleillé, elle partait pour une destination qu’elle était seule à connaître. Elle n’avait pas de billet de retour.
Automne
« Il n’est pas rare qu’en automne, les anciennes amours renaissent et que les souvenirs deviennent suppliants. »
Louise de Vilmorin
1. Souvenirs oubliés
L’insignifiance de certains actes bouleverse parfois l’ordre des choses. Martine ne le sait pas encore, mais ce jour-là, lorsqu’elle part à la poursuite d’une araignée dont elle ne souhaite pas vraiment la présence près de son lit, elle va déclencher un séisme. Un « effet papillon », immédiatement suivi d’un « effet domino » dans une incroyable avalanche d’événements qui va balayer sa vie comme une tornade.
L’indésirable s’est réfugiée dans le placard du couloir et Martine est bien décidée à ne pas la laisser survivre. Pour l’atteindre, il lui faut déplacer deux cartons assez lourds, derniers reliquats de son déménagement, en attente d’ouverture, de tri et de rangement définitif. Ce qu’elle fait avec précaution en les extrayant du placard l’un après l’autre, avant d’expédier l’intruse aux pattes velues dans le sac à poussière de l’aspirateur. Satisfaite de cette capture facile, Martine regarde avec hésitation les deux cartons posés sur le sol. Sur le premier, il est précisé : « bibelots divers », « fragile ». Sur le deuxième, aucune inscription. Elle replace le premier carton dans le placard, elle n’a aucune envie de ressortir ces objets qui appartiennent à son ancienne vie, et se dit qu’il lui faudra s’en débarrasser un jour ou l’autre… Comme elle ignore ce que contient le deuxième carton, elle décolle la bande adhésive qui le maintient fermé et là, comme un diable sortant de sa boîte à surprise, sa jeunesse lui saute brutalement à la figure.
Ébahie, Martine observe, sans oser y toucher, l’étrange contenu dont elle ne voit que la surface. D’où vient ce carton ? À qui appartient la main conservatrice de tous ces livres et cahiers, témoins de sa lointaine scolarité ? À cette deuxième question, une seule réponse : Marie-Thérèse, bien sûr ! Qui d’autre que sa grande sœur a pu avoir l’idée de soustraire tant de précieux vestiges à la destruction et à l’oubli ? Sa mémoire fait marche arrière à toute vitesse et remonte la pendule à l’envers. À sa naissance, Marie-Thérèse n’avait que 14 ans, mais déjà toutes les qualités pour s’occuper d’un bébé dont l’arrivée inattendue bouleversait la vie de ses parents. Absorbés par leur métier de commerçants, ils avaient naturellement confié l’enfant « tombée du ciel » à la surveillance de leur fille aînée. Marie-Thérèse était devenue la seconde maman de Martine. Pendant toute son enfance, par sa douceur et sa générosité, elle avait souvent compensé les nombreuses carences affectives de parents autoritaires et peu présents. C’est bien à Marie-Thérèse que Martine devait le succès d’un parcours scolaire presque sans faute. De l’école au lycée, entre sévérité et bienveillance, celle-ci avait surveillé ses leçons, contrôlé ses devoirs, aidé à surmonter les difficultés rencontrées, orienté ses choix. Dans ce carton, bien plus que d’insignifiants objets, dormait toute la fierté de Marie-Thérèse pour la réussite de sa cadette, pour une œuvre qui était un peu la sienne.
Une désagréable contraction se noue au niveau de son larynx. Elle pense à sa sœur, si loin d’elle, si seule. Veuve d’un militaire épousé sur le tard, sans enfant, Marie-Thérèse vit depuis plusieurs mois dans une clinique spécialisée dans la rééducation fonctionnelle. Le petit caillot de sang qui s’est un jour coincé dans une artère de son cerveau ne lui a ôté ni la vie, ni la conscience. Mais il l’a privée de l’utilisation de la moitié de son corps, et pire, de la parole. Durant la visite de Martine, le mois dernier, elles avaient échangé quelques mots… sur une ardoise, et beaucoup de larmes. Malgré les soins intensifs, les progrès demeuraient faibles et Martine était rentrée chez elle accablée de tristesse.
Debout, immobile, hypnotisée par le carton ouvert à ses pieds, Martine rembobine le fil des souvenirs et fait surgir les silhouettes de ses parents. Lucie et Valentin Lefèvre étaient morts à quelques jours d’intervalle, sans avoir eu le temps de