Goélands
212 pages
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Goélands , livre ebook

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Description

Hubert Marrel, un ancien animateur éducatif, brosse les portraits de jeunes gens qu'il a côtoyés autrefois. Avec un regard chargé de bienveillance, il raconte leur quotidien dans une célèbre cité HLM, havre d’exilés de la planète, rythmé par l’usine, les loisirs, les problèmes liés à la précarité. Les tranches de vie de Titou, Lili, Joseph, Lacdar, Toumi, la bande à Rozzo, ou encore du commissaire Chabaud ne manquent pas de charme. Mais la tâche de l'éducateur plein d'idéaux est ardue, dans sa volonté de régler les conflits entre générations, combattre les problèmes de délinquance, les dangers de la drogue, aider à se former, au travail... jusqu’à l’explosion. Si plusieurs ont vu leurs espoirs déçus, leurs illusions perdues, d'autres s’y sont découverts responsables et ont tenu le coup !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 mars 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414209040
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-20905-7

© Edilivre, 2018
Dans la lumière crue des néons
– Zéro-zéro, qu’est-ce qui zip ! zip ! a bien pu nous ficher là ! là, là, là… On n’a jamais demandé d’être là… »
Titou a des tics qui lui secouent la main droite et remontent du pantalon au cou suivant la saison. Il est furieux le Titou puisqu’on se fout des jeunes. Tout le monde s’en fout. D’abord la mairie, là, qui a enfin ! vu les HLM pour qu’on leur ouvre un local. Les pétitions qu’il a pas fait signer…, menant le branle dans les allées, où il n’y a rien, rien de rien. Ses « zéro-zéro » syncopés il vous les jette avec des yeux de cocker tout en haut d’une gueule penchée de prolo qui vous fixent droit, guettant votre réaction. Tendre un peu nerveux, grand sentimental et toujours tourmenté par l’Amour, les femmes, la vie de chien (entendez de prolos). Les gens, hyper compréhensifs, avaient tous signé… pour en signer une autre trois mois après pour le faire fermer, ce putain de local. Vu le boucan des mobylettes vraies guêpes incapables de se fixer, et aussi les matelas qu’ils y transportaient…
Le foot venant à tout gamin qui tape dans quelque chose, Titou à force de tics et de braillantes a monté une équipe, avec ses potes. Et c’est comme ça qu’ils font des tournois de sixte avec les lots donnés par les commerçants comme le boulanger qui voudrait bien faire quelque chose pour les jeunes, mais comment faire ? Ils rencontrent aussi en match retour l’équipe d’une sous-préfecture viticole. Où ils se sont fait piler à l’aller, bizarrement parait-il. Isolés surtout au milieu de tous les supporters adverses. Aussi ils vont montrer ici ce qu’ils sont : alors qu’il y a faute de Cartone, Saretti refusant le coup franc de l’arbitre se déculotte devant tous les joueurs adverses médusés et tous les supporters hilares, rameutant ainsi, frénétique, toute l’équipe. Mobilisée, menaçante. Sauf Titou qui, oh les mecs, oh !, veut continuer la partie avec un restant des règles tombées dans la pelouse… avant de faire bloc lui aussi par réflexe quartier. Les malheureux qui sont venus jouer selon les conventions en vigueur flairent le traquenard. Dans ce Manhattan inconnu, plus qu’une seule idée : se tailler et fissa ! Mais les panneaux de sortie ne fleurissent pas. Et après un rodéo perdu, coincé entre deux immeubles, l’équipe d’accueil leur fond dessus pour les envoyer visiter d’urgence les hôpitaux du coin, bien équipés. L’arbitre qui entretient aussi pendant la semaine les extincteurs contre l’incendie n’aura jamais assez d’horribles détails pour me raconter les exploits de cette équipe la plus amendée de tout le district.
Mais il veut autre chose le Titou :
– Y a qu’à, zéro-zéro, faire des boums, boums, des boums… ». Explosions magiques. Pour qu’un imaginaire de caves et d’allées emporte tout vers… on sait pas bien quoi, mais quelque chose qui ferait que, plus jamais, les jeunes ne s’ennuient. Au dernier conseil d’administration de la maison des jeunes qui chapeaute l’équipe de foot, il n’y a plus qu’elle. Parce que tout le monde est parti, le directeur, les animateurs et les adhérents après un an de harcèlements de bandes incontrôlées. Sauf le président, Rémy, un amoureux de labo-photos et un fondu tout seul de canoë-kayak. L’ordre du jour ne porte que sur les maillots à acheter, les ballons à renouveler et les autres enfoirés qui s’en sont mis plein les poches au dernier tournoi de sixte… et les blâmes hurlés de Titou contre la mairie alors qu’eux ils font tout, foot et boums, pour que le quartier crève pas. Rémy, élu pour la jeunesse, dos rond sous l’impossible communication quartier-municipalité cherche avec entêtement syndical une issue salutaire à tout ça, un domaine un peu plus varié. Et le maire et lui qui ne veulent pas laisser tomber cherchent quelqu’un. Un copain du centre culturel, Marcel, avec qui j’avais suivi une formation d’animateur socio-culturel au Centre de Culture Ouvrière de Nogent sur Marne me pousse à dire oui. A repartir de zéro, quoi… Alors j’ai dit oui.
En attendant les uns et les autres s’échouent là, surtout le samedi. Déposés par leurs copains plus fortunés en fric et en femme et qui vont danser à La Butte Verte, célèbre boîte. La maison des jeunes ou la MJ est donc le havre de tous ceux qui ne savent pas où aller, sans un kopeck, et qui attendent qu’on vienne les remonter.
– Hubert, demain, on fait une boum ? » jeté d’un coup, dos au mur, jambes flasques sur l’étroit radiateur de l’entrée, qui tombe, qui tombera, des dizaines, des centaines de fois.
Et pour préparer la boum cette fois ils ont fait fort. Une platine avec ampli remplace le petit Teppaz qui se balade de salle en salle quand il ne part pas faire un petit tour là-haut sur le plateau, à la ZUP, avant de revenir ici, toujours, parmi les siens. La régie est dans une pièce du premier reliée aux baffles, en bas, dans la grande salle. Grande ? Modeste plutôt la salle de séjour de l’ancienne maison bourgeoise dont les propriétaires sont partis finir leur vie au Brésil. Jeunes qui n’en finissent pas d’arriver, de l’ancien village maraîcher devenu village industriel, des quartiers d’HLM vieillissants, des tout neufs de la ZUP, d’au-delà des mers, de partout. Gain de places… Plus de monde pourra tenir. Encore plus… Jusqu’où ? Des invitations soignées ont été envoyées. J’appréhende… Cartone, contre son habitude, prépare tout, arrange les fils, la sono. Lili et Titou mettent les disques. La MJ s’organise mieux… pour la boum. Elle prend des allures de boîte. Bigre. Alors qu’un soleil éclatant arrose ce samedi, ils calfeutrent toutes les fenêtres avec des cartons. Pas une n’en réchappe. J’étouffe. Et le monde afflue… Un contrat draconien est passé avec les organisateurs, enfin les plus visibles que j’ai pu pousser avec sueur pour arranger un peu cette après-midi, sur « l’importation » de bières qu’on ne sert pas. Si l’on vient pour s’y pinter j’arrête tout. Mais certains les planquent sous leurs vêtements. La semaine précédente quatre zigotos s’étaient écroulés en vidant des bouteilles de pastis pur et de whisky, après avoir séché sans sommation le prof de rock devant sa femme et les six derniers adhérents de la dernière activité de cette baraque en folie. Cette après-midi donc le frère cadet du célèbre et terrible Luigi Rozzo, Gérard, passe ici sa première perm’. Mehdi se fait aider au bar. La « grande » salle est pleine. Retour de déplacements pour le travail, de voyages dans la famille au loin, ils sont contents de se retrouver. La plupart sont bien sapés, les autres ont leurs vêtements de tous les jours, nickel. Gérard Rozzo semble éméché. Quelqu’un m’annonce qu’il a trouvé sa gonzesse dans les bras d’un autre. Il doit donc boire, mais où et quoi ?, pour oublier… D’ordinaire, et c’est ce qui m’étonne, dans cette population du sud on passe de l’un ou de l’une à l’autre sans drame. Ou alors ils ne le montrent pas. Faut dire que l’aspect copains domine le tout, la majorité a grandi ensemble.
Dans l’ambiance chaude et moite je le file à petite distance. Quittant les danseurs, il gravit lentement mais déterminé l’escalier qui monte au premier pour se diriger vers la pièce où la sono est installée. Se plante au milieu. Ses yeux vagues balaient l’espace, inquiétant Lili qui avec Titou gardent le sanctuaire musical :
– La musique ici c’est de la merde. »
On tente de le raisonner. Les yeux injectés d’alcool deviennent soudain furieux. Il balance d’un coup sec l’électrophone par terre et hurle :
– Qui c’est le patron, ici ?
– C’est moi.
– Va te faire en… »
Une ombre, un éclair et il s’effondre. Terrassé d’un direct… par Cartone que je n’avais pas vu entrer. Dans les vaps. Mais un type claudiquant, l’air faux-jeton, un peu barbu, l’œil-éponge gonflé de bière « illégale », part en courant « qu’il va le dire à Rozzo ». C’est vrai ! c’est le poisson-pilote de la bande. La bande à Rozzo ! Il va y avoir du sport. Furieux, je suis furieux qu’on gâche le boulot. Même d’une boum. Qui ne se passera donc jamais sans brasse ou menaces de brasse ? Un jeune par terre c’est insupportable. Et là, c’est le frère à Rozzo… Lili fait repartir la musique. L’interruption a été courte, les danseurs n’ont rien vu. Titou grommelle de nerveux « rhmmm zzit zero-zero hmmm hmmm ». Rien d’autre. Envisageons au moins une stratégie. Impossible. Aucun autre mot connu, civilisé, cartésien… Nous sommes en attente de Rozzo. Rien moins.
Dans toutes les bandes on assure qu’il peut assommer un bœuf, vu le développement de certains de ses doigts soudés de naissance. Repliés ils deviennent une masse de fer, un pilon dissuasif. Les copains de la rue et de l’école, jamais tendres, avaient baptisé ce rejeton de tribu napolitaine Luigi Gros Orteils, ce qui fermait chaque jour son poing davantage jusqu’au jour où il vint à frapper, à les frapper. Des cours de récréation aux bals populaires, il devint le chef incontesté d’une des trois plus importantes bandes de l’agglomération qui se rendent la politesse de façon musclée surtout lors des fêtes patronales, en dehors de quelques acomptes. Chez nous c’est la fête de l’Huma qui l’attire. S’acharnant sur le service d’ordre pour tout dévaster jusqu’à ce que suffisamment de fourgons, quand la police veut bien se déplacer, les évacuent de l’endroit où le peuple aspire enfin à se détendre.
J’ai fait sa connaissance, curieusement, un soir de bal anniversaire de la Résistance à la Maison du Peuple. Animateur débutant j’accompagnais trois jeunes du foyer Les Tilleuls de la DDASS 1 qui avaient réussi à délaisser leur chère télé pour tenter, peut-être, de danser avec les gens de la ville. Au bar, pas de jus de fruits, enc

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