Histoires bizarres de gens dits normaux
42 pages
Français

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Histoires bizarres de gens dits normaux , livre ebook

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Description

Une histoire corse, ou comment une adolescente décrypte le mystère de la disparition de sa sœur; les membres d’une chorale qui meurent étrangement les uns après les autres; le procès d’un loup triste ou le Petit Chaperon rouge revisité; un miroir qui assiste à la destinée de deux familles de la Terreur à nos jours, et comment la beauté d’un cadavre peut faire d’un innocent un coupable. Gravité, quotidien et surnaturel se conjuguent au fil d’un recueil nourri d’humour noir. Amusantes, cyniques, parfois subversives, ces "Histoires bizarres de gens dits normaux" décèlent la fausse note chez chacun d’entre nous pour offrir une partition surprenante où le second degré joue les chefs d’orchestre.

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748368758
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoires bizarres de gens dits normaux
Marie de Saint Jean
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Histoires bizarres de gens dits normaux
 
 
 
 
Préface
 
 
 
Une vie pleine d’ailleurs, Madagascar d’abord à tout juste vingt ans et deux enfants, le Nigeria en pleine guerre contre le Biafra, la Haute-Savoie à deux pas de Genève avec un secrétariat de direction dans une banque suisse, des chevaux, des chiens, des bouquins. Retour à Lyon. Et on ne vous dit pas tout !
Arrive un temps où on a presque tout fait, presque tout vu ; on n’a plus qu’à s’asseoir et raconter des histoires …
D’autres livres avant ? Non, c’est le premier, il faut bien commencer, un galop d’essai ou un petit caillou blanc. Quelques histoires toutes différentes entre elles et différentes en tout. Un autre monde semblable au nôtre.
Le procès d’un loup… Une dame à la taille bien cambrée qui murmure en chantant que « quelqu’un lui a dit »… une histoire corse…
Un enfant, un arbre, un livre… Il parait qu’il faut cela pour réussir sa vie, mais on peut multiplier autant qu’on veut, autant qu’on peut…
Remerciements
Puisque c’est l’usage de remercier quelqu’un, je remercie celui ou celle qui est en train de lire.
 
 
 
13, rue Napoléon
 
 
 
Ma grande sœur a disparu, il y a déjà sept ans. Un soir, je l’ai vue sortir, son fichu sur la tête ; elle n’est jamais revenue.
J’ai demandé à ma mère :
— Elle est où, Angèle ?
Elle a fait un signe de croix sur ma bouche de son ongle dur et m’a répondu sèchement :
— Tais-toi, malheureuse, ne prononce plus jamais ce nom !
Et je n’ai plus jamais osé en parler.
J’ai un peu plus de 17 ans. J’habite au n° 13 de la rue Napoléon, à Bastia, dans un vieil immeuble aux murs épais, sans ascenseur, au troisième étage. Les W-C sont sur le balcon. C’est une rue étroite où le linge est mis à sécher sur des cordes qui vont d’une façade à l’autre, comme des décorations de fête. Les marches de l’immeuble sont creusées par l’usure, brillantes au milieu, encrassées sur les côtés. La rampe est branlante. Dans le couloir, en bas, un carton a été collé, il y a fort longtemps, pour prévenir du danger de s’appuyer dessus, mais comme l’ampoule est grillée depuis toujours, on ne lit rien du tout dès que la grosse porte est refermée, Mais ceux d’ici le savent, alors les autres…
La dame du dessous dit qu’il y a des fantômes dans cet immeuble. En Corse on croit aux fantômes. Elle affirme en avoir vu un au pied de son lit. Elle n’a pas eu peur, elle le connaissait, c’était son fils décédé l’année dernière. Il venait chercher le vieux monsieur du cinquième. Et il était passé voir Maman. C’est un petit arrangement entre les vivants et les morts. Ils viennent dire que c’est l’heure.
D’ailleurs, ici, la mort fait partie de la vie de tous les jours, surtout pour les hommes qui savent bien qu’elle peut surgir à tout moment. Les mères, les épouses et les sœurs, elles, hurlent très fort aux enterrements, pour essayer de lui faire peur, sans doute.
Quand on dit de quelqu’un qu’il est « pauvre », ça veut dire qu’il est mort. Le pauvre Hyacinthe… Mais tous les morts ne partent pas pour toujours, certains reviennent pour les élections. On apprend qu’ils ont voté. Ce n’est pas pour tricher ; la famille veut juste respecter leurs dernières volontés.
Il y a des caves dans cet immeuble. Très vastes. Je n’y suis jamais allée, il y fait certainement trop noir. Ma grande sœur y allait souvent pour ranger des provisions. Elle descendait avec un panier plein de victuailles et ramenait le panier vide. Un jour, j’aurai peut-être le courage de descendre, avec une lampe. La dame du deuxième dit que, jadis, des bandits venaient s’y réfugier, des bandits corses, bien sûr, les autres n’auraient pas eu le droit.
On a le sens de l’hospitalité chez nous : si un homme est recherché, on le cache, on le nourrit, quoi qu’il ait fait car il avait certainement une bonne raison de le faire. Il faut seulement qu’il soit authentiquement corse, qu’on ait connu son pauvre père et son pauvre grand-père.
Je me demande si ces caves sont encore utilisées. Il n’y a plus trop de bandits à présent. Les bandits d’honneur, c’est quand un homme a vengé l’honneur de quelqu’un de sa famille par le sang. Ça, c’est respectable. Les gendarmes corses le savent et ne le recherchent pas beaucoup ou préviennent qu’ils vont venir. Ceux du continent arrivent à plusieurs, l’air menaçant et professionnel. Alors un ancien leur fait comprendre, d’une façon ou d’une autre, ce qu’il est convenable de faire pour le bien de tout le monde. Et ils demandent à être mutés s’ils sont intelligents ; ou ils ont un accident, s’ils ne le sont pas. Les pauvres !
Ma grande sœur me manque. Avec elle, j’avais le droit de sortir un peu, surtout pour aller à l’église et à l’école. Elle m’a même fait traverser la belle place St Nicolas, immense, avec toutes ses terrasses d’un côté et le port et la mer de l’autre. Ensuite, c’est mon père qui m’a accompagnée et est venu me chercher. Maintenant, je reste à la maison pour aider ma mère.
Du temps où j’allais à l’école, j’avais lu « le journal d’Anne Franck » et je me dis que je vis un peu comme elle. D’ailleurs, je tiens aussi un journal dans un ancien cahier à peine entamé. Je n’ai pas grand-chose à y écrire, je ne vois personne. Sauf le facteur quelquefois. Mais je me pose des questions sur ma sœur. Je sais qu’elle n’est pas morte, sinon nous irions voir sa tombe. En fait, elle est morte d’une autre manière, tuée par ce lourd silence corse qui peut plomber des vies aussi bien qu’une balle. La nuit j’entends des bruits, je pense aux fantômes et je me cache sous ma couverture. Des odeurs de vieille cuisine passent à travers le mur.
J’ai un secret ; je ne peux en parler à personne. J’ai trouvé, il y a quelques mois de ça, en cherchant une pièce qui avait roulé sous une plinthe, un petit morceau de papier déchiré, avec quelques mots dessus. C’est l’écriture de ma sœur. J’ai déchiffré : « bergerie », « soir », et « Touss ». Je suppose qu’il s’agit de Toussaint, c’est un prénom courant. J’en connaissais un, un cousin, mais nos pères ont dû se fâcher pour je ne sais quelle raison, et je ne l’ai pas vu depuis longtemps. Aux enterrements, ma sœur parlait un peu avec lui quand notre père était occupé ailleurs.
 
Il vient de m’arriver une chose incroyable…
J’ai sonné hier chez Madame Nicoli, la dame du deuxième. Le facteur avait déposé chez nous un colis qui lui était destiné, alors qu’elle était absente.
Elle n’a pas ouvert tout de suite.
— Qui c’est ? Cria-t-elle derrière sa porte.
— C’est Céline, madame, votre voisine du dessus.
— Qui-i ?
— Céline, la fille de Graziella Rossi, au troisième étage !
— Hééé ! Chevrota-t-elle, Céline ! Attends petite, je vais t’ouvrir !
Plusieurs verrous après, elle a entrouvert, m’a regardée, et a fini par me faire entrer.
— Qué t’arrive, petite ? C’est ta mère, elle est malade ?
— Non, Madame, j’ai un paquet pour vous !
— Entre ! Viens, assieds-toi un peu. Dieu te bénisse, comme tu es belle !
C’est une dame un peu ronde, à la peau très blanche et duveteuse. Ses cheveux sont teints en noir. Elle doit être un peu sourde car elle crie en parlant. Elle a une voix aiguë avec un fort accent corse.
— Je ne peux pas rester longtemps, madame, j’ai peur que mon père revienne à l’improviste.
— Ton père ? Oui, je le connais ! On s’est élevés ensemble… C’est un homme fier. Justement, je voulais te parler. J’attendais que tu sois grande. Ta mère ne peut rien te dire, bien sûr. C’est au sujet de ta sœur.
— ????
— Tu sais, l’Angèle, elle était bien brave. Mais ça devait mal finir.
— Vous savez quelque chose ?
— Je sais tout, petite.
Je suis restée presque une heure chez elle, et j’en suis repartie la tête et le cœur à l’envers.
 
— Tu te souviens des événements d’Aléria ? Au mois d’août 1975.
— Non, pas trop…
— Notre île a basculé dans le chaos cet été-là. Gendarmes contre indépendantistes. Il y a eu plusieurs morts. Les chefs se sont rendus et sont allés en prison ; les autres ont pris le maquis ou sont venus se cacher à Bastia, chez des amis. Nous étions tous des amis pour nos héros. On en a eu deux...

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