Histoires de trois minutes et quelques Tome 1
312 pages
Français

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Histoires de trois minutes et quelques Tome 1 , livre ebook

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Description

Des histoires qui parlent d’hommes et de femmes, d’amour et de combats, de destins mêlés entre la France et l’Italie, d’une époque différente de la nôtre. Des histoires qui décrivent une tranche de vie d’une durée de trois minutes et quelques. Parce que le temps n’a jamais eu tant de valeur qu’aujourd’hui. Parce qu’il suffit de trois minutes pour changer de vie. Parce qu’enfin, il faut beaucoup plus de trois minutes pour apprendre à aimer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 août 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332723857
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-72383-3

© Edilivre, 2014
Dédicace


A mon crapinou
Un clic


Allongée sur le ventre, elle a un peu froid, même emmitouflée sous les couvertures de son lit, dans son petit appartement parisien de la rue Gabrielle. Déjà le mois de novembre, son anniversaire est passé et elle a reçu pour ses trente-deux ans un peu d’argent de sa famille qui devrait l’aider à compléter cette fin de mois. Pour dire vrai, elle n’a jamais eu autant d’argent sur son compte en banque et elle contemple ses deux-mille cinq-cent trente-quatre euros et soixante centimes qui luisent sur l’écran de son ordinateur portable. Elle sait pourtant bien qu’ils ne feront pas long feu.
Cinq ans auparavant, elle avait encore des projets plein la tête. Diplômée à vingt-sept ans en langues et civilisations orientales à la Sorbonne, elle accepta immédiatement le premier emploi à pourvoir. Ses parents la harcelèrent de félicitations en lui répétant qu’elle devait être bien contente d’exercer ce travail en cette période de crise économique. Il suffisait de voir ses compagnes d’universités qui galéraient encore pour trouver un emploi et se contentaient pour l’instant de continuer leur job d’étudiante à mi-temps dans un fast-food ou autre chaîne de haute distribution. Cela ne l’empêchait pas de penser qu’elle aurait pu trouver mieux avec un bac+5 que ce poste de secrétaire dans une société d’audit. Elle se répétait que cette solution serait provisoire. Elle l’arrangeait bien car elle lui permettait de quitter le nid familial et c’est ainsi qu’elle opta pour la location d’un petit studio de dix-huit mètres carré, perché sous les beaux toits en ardoise de Montmartre, si caractéristiques de Paris. Seulement le caractère provisoire de sa situation professionnelle prit un tournant définitif.
Avant de se lancer dans l’apprentissage des langues, elle s’était trouvé une vocation d’institutrice. Cependant un an avant d’obtenir le diplôme, elle avait fait ce stage épouvantable dans une école primaire du VIII ème arrondissement, au milieu de maîtresses frustrées et d’enfants aussi gâtés qu’insolents. Elle n’avait pas attendu la fin du stage pour décréter qu’elle s’était trompée de voie. Ses parents avaient accepté, certes avec difficulté, son changement improvisé d’études et avaient continué à la soutenir financièrement. De ces années d’études, elle ne garde pas un bon souvenir. Trop longues. Trop long ce temps à vivre aux crochets de ses parents. Même pour s’acheter un livre de classe, elle devait leur justifier la dépense. Elle aurait pu évidemment se trouver un petit boulot pour couvrir les frais annexes mais elle ne voulait pas gâcher ses belles années dans cette course contre le temps, entre les études et un boulot minable, qui plus est, mal payé. Elle préférait encore supporter l’insupportable et rien ne lui semblait plus insupportable que d’entendre ses parents lui rappeler la charge économique qu’elle représentait à leur dépens.
Alors qu’ils soignaient minutieusement leur compte épargne, elle apprenait à leurs côtés à détester toute forme d’économie. S’ils pratiquaient avec zèle l’art de débourser le moins possible, elle était récalcitrante à toute forme de restrictions. Elle pensait qu’économiser était le devoir des pauvres. Elle, elle voulait vivre en femme riche, dépenser sans compter et surtout apprendre à ne pas se limiter. Elle voulait rompre avec cette vie d’antan quand les frais couvraient seulement l’indispensable.
Elle repense souvent à ces années de fac quand elle côtoyait ces filles qui rivalisaient d’élégance. Elles occupaient une grande partie de leur temps à créer et inventer de nouvelles tenues et il lui semblait parfois que toutes leurs activités s’attachaient à mettre en lumière le ridicule de sa garde-robe usée et démodée.
C’était la faute de sa mère qui ne comprenait pas la mode et lui récitait la même litanie pour son plus grand malheur :
– Pourquoi devrais-je t’acheter de nouveaux vêtements si ceux que tu portais déjà à seize ans te vont encore très bien ? Tu te rends compte de la chance que tu as. Tu n’as pas pris un centimètre de tour de taille en dix ans et tu peux continuer à recycler tes affaires comme bon te semble ! J’en connais des filles qui voudraient être à ta place.
Elle, elle n’en connaissait aucune qui aurait voulu être à sa place et face à la logique implacable de cette mère fanatique, elle se sentait désarmée et impuissante. Etudiante, elle se promenait souvent le soir dans les rues commerçantes après la fermeture des boutiques. Elle rampait devant les vitrines lumineuses comme un corps sans vie. Elle se plaisait à contempler les vêtements enfilés soigneusement sur les mannequins tout en s’évitant la tentation d’un achat qu’elle n’aurait pu de toute façon se permettre.
Finie la parcimonie, elle goûte maintenant au faste exagéré, intarissable et presqu’amer de la consommation après tant d’années de privations. Elle est à présent unique maître de son argent.
La première année d’indépendance, elle avait apprécié doucement et presque timidement cette nouvelle vie de débauche. Ses journées étaient réglées mathématiquement. Le samedi, elle allait faire les boutiques avec une bonne copine et le dimanche, elle passait et repassait studieusement les pages de dizaines de revues de mode, pour préparer déjà l’itinéraire du samedi suivant. Elle avait de sérieuses difficultés à choisir entre tous les modèles essayés et souvent pour se faciliter la tâche, elle portait tout son attirail à la caisse sous le regard un peu envieux, parfois un peu écœuré de ses amies. De temps en temps, elles la taquinaient un peu en lui conseillant d’en laisser un peu pour les autres car à ce rythme elle aurait vite fait d’acheter tout le magasin. Elle, heureuse ou pensant l’être, se réjouissait de cette vengeance personnelle sur le destin qui avait permis au vilain petit canard des bancs d’université de devenir une esthète de la mode dans les rues les plus branchées de Paris. Son argent ne coulait pourtant pas à flot et chaque fin de mois, elle réussissait, non sans talent, à vider son compte bancaire.
La deuxième année, ses amies, un peu plus perplexes, un peu plus irritées et même carrément un peu plus jalouses, préférèrent éviter sa compagnie. Elle, sans même être blessée, continuait son rituel de fin de semaine, arpentant ses quartiers préférés de Saint-Germain des Prés à Montparnasse en filant vers les grands magasins nichés Boulevard Haussmann pour déboucher dans les boutiques cosy de la rue de Passy.
Ses nouvelles amies, les vendeuses, la charmaient pour lui faire acheter toujours plus :
– Ce petit haut te va très bien.
– Tu as vu ce caraco, tu devrais l’essayer, ça s’écoule comme des petits pains en ce moment !
– Aujourd’hui, toutes les filles branchées ont dans leur garde-robe un trench, je te conseille celui-là, tu feras sensation au boulot.
– Ta silhouette longiligne est mise en valeur dans cette robe émeraude. Et, cette jupe bordeaux, elle est superbe sur toi. Pourquoi tu ne la prendrais pas aussi en couleur céleste ? Je n’ai vu personne la porter aussi bien que toi, tu sais !
Elle était comblée de recevoir autant d’attentions et de conseils vestimentaires de pointe. Aussi, elle craquait immanquablement.
La troisième année, sa fidélité presque touchante lui fit gagner la confiance des vendeuses qui se livraient à elle sans retenue. Elle était devenue la bonne cliente à qui on peut tout dire. Elle était leur pause, leur passe-temps, le pansement de leurs bobos de cœur, les samedis après-midi interminables de septembre à juillet. Elle écoutait, flattée, leurs histoires si banales et communes et compatissait avec elles. C’étaient toujours des histoires d’amour à l’eau de rose qui commençaient souvent mal et finissaient toujours mal. Elle était fière d’être admise dans le cercle intime de leurs confidences. Pourtant à force de les écouter, elle prenait conscience que sa vie était tout aussi monotone que la leur, si ce n’était pire. Ses vendeuses, au moins en dehors du travail et des flirts passagers, avaient des passions, des projets et économisaient pour assouvir un jour peut-être leurs rêves. Sa seule passion à elle, c’était le shopping et elle mesurait au fil des conversations l’écart de leurs désirs. Quand elle ouvrait la porte du magasin, elle ne ressentait plus les picotements du plaisir facilement accessible mais plutôt des tiraillements douloureux dans le bas du ventre.
La quatrième année, elle s’ennuyait à les écouter, elle se sentait presque contrainte à revêtir le rôle de psychologue de comptoir. Cela ressemblait à un passage obligé pour pouvoir ensuite choisir à la va-vite, quelques minutes avant la fermeture du magasin, les modèles à peine arrivés qu’elle achetait sans même les essayer. Les vendeuses commençaient à la regarder de haut, avec dédain, parfois de travers, sans même la taquiner comme le faisaient auparavant ses amies. Elle ressentait toujours plus de gêne, en particulier au moment de régler quand elle composait son code confidentiel. Elle sortait, honteuse, les bras fatigués sous le poids des sacs remplis qui encombraient ses mouvements et ses pensées. Honteuse aussi devant ses parents qui pensaient être en droit après ces quatre années de travail de connaître le montant de ses économies. Chaque déjeuner en famille signifiait rendre des comptes et écouter leurs conseils sur des placements faramineux. Comme à une partie de tennis, ils se renvoyaient la balle, inlassablement, sans jamais montrer le moindre signe de fatigue.
C’étaient des dialogues fermés, sans fin, où aspirés dans un vertige de considérations, leur fille n’avait jam

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