Hymne de la joie au Bahutustan
444 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Hymne de la joie au Bahutustan , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
444 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Depuis une décennie, le Pays du Rift est en pleine guerre civile. D’un côté, les rebelles avec à leur tête Alfredo Ndiyo ; de l’autre, l’armée nationale dirigée par le puissant général André Ciza. Les deux rivaux ont été amis avant de devenir de redoutables ennemis. Pourtant, tous deux ont le même objectif : libérer le pays du joug militaire et des conflits ethniques entre Tutsis et Hutus.
Au milieu de ces tensions, Violeta Karabona se prépare à être interviewée pour la première fois à la télévision nationale. Femme du commandant rebelle, placée sous la protection du général Ciza, tous veulent savoir qui est cette journaliste et chanteuse populaire engagée qui prône la paix entre les ethnies.
À travers le regard des protagonistes, l’auteur nous fait vivre une période sombre de l’histoire de ce pays du Rift. Des jours de marche sur le chemin de l’exil à travers la forêt équatoriale du Congo en 1972 à l’affrontement final entre les deux armées, Violeta gardera l’espoir que l’amour entre les peuples sera le remède à la haine tribale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334246705
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-24668-2

© Edilivre, 2017
Exergue

Il faut parfois passer par des chemins ardus
Pour ainsi arriver au paradis
Tous nous irons au Paradis-Twese tuzoja mw’ijuru !
(Chant catholique du Burundi)
Première partie
Ode d’enfance
* *       *
Portée par beaucoup de joie et de crainte également, Violeta Karabona s’apprêtait à passer sa première entrevue à la télévision nationale. C’était à Bujumbura, le 14 août 1993, à dix-huit heures. La brise du lac Tanganyika balayait la ville tropicale. Ses mains étaient mouillées. Elle releva sa jupe et couvrit ses genoux.
Ils étaient assis face à face et attendaient le signal pour commencer l’émission. Le journaliste regardait Violeta, mais sans lui parler. Il pensait rapidement : « Violeta n’a plus l’allure de garçonnet…, elle ne ressemble plus à la jeune femme rebelle qui donne des spectacles éclatants du reggae au Colonial, et des concerts au Studio Palace, clamant fort la liberté au pays bleu et soulevant les foules. Quelque chose a changé en elle… ; elle porte maintenant les cheveux longs, elle a un sourire agréable, elle est même devenue une femme éblouissante de beauté et de vie… Ah, je dirais qu’elle a plutôt l’allure d’une politicienne aguerrie… ! »
Selon lui, elle devait être enceinte, elle portait une large robe.
Violeta lui souriait, elle mit un pied sur un autre et joignit les mains sur ses genoux. Assis devant l’écran, André Ciza et Karen, la fille de Violeta, ont observé ce geste qu’elle faisait parfois dans les moments inconfortables pour elle. La jeune Karen dit à André que les gens pouvaient entrevoir le bas de la cuisse de Violeta, et qu’elle n’aimait pas cela du tout !
– Madame Karabona, bonsoir.
– Bonsoir.
– Bienvenue à l’antenne de la radiotélévision nationale.
– Je vous remercie pour l’invitation, répondit Violeta avec un sourire.
Le journaliste fit ensuite semblant de consulter ses notes. Mais la pause était un peu longue. Violeta s’étonnait de ce qu’il ne lui posait pas d’emblée la question sur le général André Ciza, ni sur Alfredo Ndiyo, le commandant de la rébellion. Ces anciens amis étaient devenus de redoutables ennemis, chacun tentant à sa façon de régler le sort de la république militaire. Des milliers de gens qui se tenaient en face de l’écran avaient eux aussi en tête cette question. Et ils attendaient la réponse d’elle. Elle le savait.
Le journaliste également. En plus, elle figurait en tête de liste sur les notes qu’il avait griffonnées avant l’entrevue. Mais il n’avait pas le courage de la formuler. Il souriait tout simplement.
Les deux hommes que Violeta Karabona aimait étaient nés à huit années d’intervalle dans une même région de hautes montagnes balayées par les vents alizés. Cinquante ans plus tard, leurs troupes se livraient une guerre finale pour libérer le pays du Rift, et personne n’osait en parier l’issue.
Violeta aimait autant Albert Ndiyo, le commandant de la rébellion qui était aussi son mari, qu’André Ciza, le général de brigade qui dirigeait les bataillons de l’armée nationale, et son protecteur depuis son retour de l’exil. Dans son cœur, la jeune femme sentait pourtant qu’elle continuerait à aimer aussi bien le vainqueur que le martyr ce jour-là de la bataille finale. Car seule, elle avait compris que les deux chefs de guerre voulaient, chacun à sa façon, libérer enfin le pays du Rift de la botte militaire et des conflits ethniques qui emprisonnaient depuis si longtemps les habitants dans la peur et l’indigence. Chacun, à sa manière, désirait finalement délivrer la parole et la joie pour leur peuple des monts et vallées du Rift.
Violeta portait cette réponse en elle, mais le journaliste lui, évitait cette question si sensible. Il savait que Violeta, qui n’avait pas peur de parler dans ce pays du silence, pouvait lui donner la repartie qui le conduirait tout droit en prison ou vers la mort. Il se protégeait alors par un sourire timide et fort hypocrite.
– Ce soir, le pays entier va enfin voir et connaître madame Karabona ! Aujourd’hui, vous nous parlerez de vous, dit-il, assis devant elle, les mains jointes.
Souriante, Violeta lui répondit :
– Pourquoi la vie d’une pauvre femme des vallées du Rift pourrait-elle intéresser autant de gens ? Je dois avouer que je ne sais pas par où commencer. Vous me demandez de faire une chose difficile, car mon existence a été jusqu’ici une suite d’événements très bons, et très mauvais souvent. Mais ils ont pourtant fait de moi la personne qui se trouve maintenant en face de vous. Et aussi devant eux tous !
Violeta rit aux éclats. Fixant bien le caméraman, elle transmit son rire aux téléspectateurs, qui devint contagieux. Elle arrangea quelques mèches de ses cheveux. Son regard lumineux traversait en même temps l’écran et voyageait à travers les ondes, apportant de la chaleur dans les milliers de foyers.
Tout le monde attendait depuis longtemps qu’elle leur parle d’elle, elle le savait et cela lui faisait un peu peur. C’était la première fois qu’une femme avait une entrevue à la télévision nationale et elle n’était nulle autre que Violeta, la journaliste et la chanteuse à la voix angélique que la radio passait souvent aux heures du matin et du soir.
Tout le pays attendait donc ce moment, désirant la voir et enfin la connaître, du moins pour ceux qui possédaient des postes de télévision. Quant aux autres, ils se feraient inviter chez des amis ou des voisins, comme lors de grands matchs de football des équipes Manchester, ou Real Madrid. Ils sauraient eux tous se débrouiller pour voir et écouter Violeta Karabona. Cependant, la situation était différente pour les gens les plus pauvres éparpillés dans le pays à travers monts et vallées, dans des huttes de boue et de paille d’où s’élève une fumée blanche en périodes de pluie. Ils allaient attendre tout simplement les rumeurs du lendemain, et les transmettre ensuite aux autres. Ces rumeurs proclameraient que Violeta était la femme des monts et des vallées du Rift, qui a percé les écrans, et apporté le rire pour toutes les tribus, sans exception ! Et elles continueront de bouche à oreille, escaladeront les hautes montagnes qui enserrent de toutes parts le pays du Rift, puis iront mourir dans les profondes vallées marécageuses des grandes rivières.
Le journaliste devait avoir l’âge du père de Violeta, s’il était encore de ce monde ! Mais hélas, on l’a assassiné pendant les massacres des Hutus en 1972 ! Ses cheveux commençaient à blanchir et tomber. Avant d’entrer dans la salle, il avait peigné fébrilement ce qui en restait, et de temps en temps il passait la main sur sa tête pour uniformiser sa chevelure. Lui, il a connu sa gloire, car il avait déjà été le ministre de l’Éducation nationale.
Violeta lui dit avec un petit sourire :
– Vous voulez sans doute savoir si je suis hutu ou tutsi ! D’emblée, je vous informe que je ne suis ni l’un ni l’autre. Je nie cette appartenance. Et d’ailleurs que puis-je faire ? Qui puis-je haïr, je vous le demande, mon père hutu ou ma mère tutsie ?
Et je dois vous avouer que je me trouve très chanceuse pour cela. J’ai beaucoup d’amis des deux tribus et personne ne me crie que je trahis la mienne ! Voyez-vous, mes parents m’ont épargné cela, dans notre famille, on ne parlait jamais d’ethnie ni de sexe !
Violeta rit aux éclats, et poursuivit :
– Regardons donc les choses en face : que s’est-il passé en cette année-là ? Le 29 avril 1972 ? Et en ces autres années qui suivirent ? Génocide, tueries et vengeances ! Et pourquoi ? Plus de vingt ans sont passés depuis ces tristes événements, n’est-ce pas ? Pourtant, les divisions tribales continuent, sourdes et cruelles parfois, qui se concrétisent par cette longue guerre de rébellion. Nous savons tous que certains profitent de cette situation pour s’enrichir, et qu’ils ne souhaitent pas sa fin ! Ainsi, ils peuvent garder pour eux seuls le pouvoir politique et économique, ils sont maîtres et rois dans ce pays ! Est-ce que vous me comprenez encore ? demanda-t-elle avec un sourire. Vous savez, vous aussi, qu’un essor économique suit toujours les grandes guerres, mais qu’il profite à certains seulement ! Revenons chez nous, à nos répressions tribales. Afin de pouvoir tous nous réconcilier, nous devons tous nous regarder en face ! Nous devons tous cesser de nous accuser les uns les autres, certains à tort et d’autres avec raison. C’est ça !
Elle ne riait plus.
Le journaliste, très étonné de cette grande sincérité, la dévisagea un instant. Il la trouvait courageuse de clamer tout haut ce que tout le monde taisait. Il se disait en lui-même : « … mais quelle femme libre qui parle et rit sans cesse ? Pourquoi ne prend-elle pas peur, elle aussi ? A-t-elle réellement conscience de la haine tribale et du gouffre dans lequel nous nous trouvons ? Elle continue de chanter avec joie l’amour au pays du Rift avec Could you be loved , l’accusation du régime militaire avec Babylon system et Stand up, et surtout sa nouvelle chanson Shabunda, si envoûtante et pleine de révolte et d’espoir ! Je parie qu’ils vont la faire taire pour de bon, j’ai tant peur pour elle, elle va être martyre de son insouciance et de son amour de la liberté… »
Puis, il dit en souriant :
– Parlez-nous de vous tout simplement, laissons de côté nos ethnies !
– Ah, oui, c’est bien. Cependant, nous devrons oser en parler un jour, dit-elle. Je suis née au sud du pays, plus précisément à Kivoga entre les monts. J’ai surpris mes parents, car j’ai survécu à la mort. Avant moi, ils avaient perdu quatre enfants en bas âge, c’est ainsi qu’ils ne m’attendaient pas, ils ne voulaient plus souffrir. Ils désespéraient, mais j’étais là tout d’un

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents