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Description

Un terroriste en proie au doute, deux vieillards qui s’aiment trop pour renoncer à la vie, un colporteur qui prétend remettre en cause des usages séculaires, un grutier amoureux... Philippe GÉRARD explore avec délectation ces situations faites d’instants fatidiques où soudain, la vie bascule dans le drame, le comique, l’absurde ou le fantastique.



Ces évènements anodins comme une porte qui claque ou un livre oublié, dévastateurs comme un tsunami, stupides comme une scène de guerre, surréalistes comme un fantasme, savoureux comme un fruit bien mûr, tendres comme l’amour d’un père et toujours chargés d’émotion ou d’adrénaline, lui fournissent la matière pour peindre une série de petits tableaux semblables à des instantanés photographiques saisis au hasard d’une promenade.



Le trait léger traduit un regard critique, ironique, amusé ou affectueux sur la comédie humaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 juillet 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414451241
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson - 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-45123-4

© Edilivre, 2020
Du même auteur :
Les riches heures de Châteaugrive-sur-Loire
Éditions LIBRINOVA 2016
Photo de couverture : collection personnelle de l’auteur.
Dédicace
À Lise
Exergue
Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Guy de Maupassant Pierre et Jean, Préface
La Cazuela
Une nouvelle secousse a été annoncée. Ils sont tous partis sans même attendre l’ordre d’évacuation. Ceux qui ont pris leur auto, le bus ou leur moto sont déjà loin. Les autres se sont enfuis à pieds, vers le sud et la gare de la ville voisine. Ils marchent depuis longtemps déjà lorsque la terre tremble à nouveau. Certains se couchent dans les champs. La plupart se mettent à courir. Panchito s’est simplement assis au bord du fossé. Quand le calme est revenu, que tous sont repartis, il s’arrête brusquement, au milieu de la route. Et puis, il fait demi-tour. Il retourne sur ses pas.
Maintenant il remonte la calle grande en direction de l’église San Cristobal dont il ne voit plus le clocher. Le village paraît vaporeux, embrumé d’une poussière âcre. Panchito a du mal à avaler la salive plâtreuse qui lui tapisse la bouche. L’immeuble de la poste n’est plus qu’un amas de béton fracassé, hérissé de poutrelles et de traverses de ferraille. Les maisons basses restées debout sont scarifiées de lézardes béantes. Le sol est jonché de tuiles et de débris pathétiques ou dérisoires, vestiges fantomatiques de la vie interrompue. Le feulement du vent glissant dans les ruelles désertes et le bruit sourd des vagues au loin, vers le vieux port, rendent soudain palpable le silence qui a succédé au brouhaha de la vie. Les oiseaux se sont tus. Le chêne de la grand-place a perdu toutes ses feuilles d’un coup.
Panchito croit percevoir un couinement plaintif. Au ras du trottoir, deux minuscules prunelles le fixent. Il a un mouvement de recul. Un gros rat est resté coincé dans la grille de l’égout. L’arrière train de l’animal est bloqué. Il ne peut plus bouger. Après un instant d’hésitation, le garçon se penche. Délicatement, il entreprend de dégager les cuisses de l’animal. Ayant compris son intention, celui-ci cesse de geindre. Quand enfin il est libéré, il s’arrête un instant, le museau frémissant, puis se faufile dans les décombres. Panchito se redresse et c’est à ce moment qu’il l’aperçoit, tout au fond de la venelle. Elle est assise sur une chaise, immobile dans sa robe noire, devant ce qui a dû être sa maison. Le jeune homme s’approche et s’incline vers elle.
– Il ne faut pas rester ici, Abuelita 1 dit-il doucement.
Les petits yeux fripés de la vieille restent fixés dans le vide. Panchito l’aide à se lever et lui prend la main. Elle le suit docilement.
Sur la place de l’église, la pointe du clocher avec sa grande croix de fer forgé gît à terre. Les trois cloches éclatées. Panchito et la vieille s’arrêtent. Devant eux, la façade du Palace Hôtel a aux trois quarts disparue. Comme une scène de théâtre, elle s’ouvre sur la salle à manger où les couverts ont été dressés pour le déjeuner. Panchito s’avance, il aide la vieille à franchir les décombres. Ils pénètrent dans le restaurant. Le garçon tend l’oreille et perçoit le ronronnement. Le groupe électrogène fonctionne. Le jour commence à décliner. Il actionne un interrupteur et le décor s’illumine.
Alors, il débarrasse une table, secoue la poussière de la nappe, essuie les assiettes et les verres et dresse à nouveau deux couverts. La vieille l’a regardé faire sans bouger. Il l’installe à la table, le dos tourné à la blessure béante de la façade. Les mains croisées, le regard perdu dans le grand tableau qui orne le mur du fond, elle reste immobile.
– Attends-moi, Abuelita , murmure-t-il, je reviens.
Il se dirige vers la cuisine. Elle est intacte, rien n’a bougé depuis le matin. Les faitouts sont à leur place, les casseroles de cuivre pendues, par ordre de taille, à leur crémaillère. Ses ustensiles et ses couteaux sont restés sur le plan de travail là où il les a laissés. Il enfile sa blouse et coiffe sa toque. Dans le réfrigérateur il trouve un poulet et les légumes dont il a besoin : un gros morceau de potiron, des oignons, des carottes, des pommes de terre et deux beaux épis de maïs. Et il commence la préparation. Pendant que les morceaux de poulet dorent dans la cocotte, il jette un coup d’œil dans la salle. La vieille est restée dans la même position.
Bientôt la Cazuela est prête. Panchito parsème le plat de feuilles de coriandre fraîche et va choisir dans la réserve un très vieux pinot noir de la vallée de Curicó. Il revient dans la salle, sert la vieille, ouvre la bouteille et remplit leurs verres. Enfin, il retire sa toque et sa blouse et s’assoit en face de sa convive. Alors la vieille femme paraît sortir de sa torpeur. Elle saisit sa cuillère et goûte le bouillon.
C’est d’abord le grondement qui alerte Panchito. Il lève les yeux. Le mur d’eau qui arrive est plus haut que le toit des plus hautes maisons. Panchito avance sa main et prend affectueusement celle de la vieille. Il trouve enfin son regard. Un court instant ses rides rayonnent autour d’un sourire.
– Me gusta mucho, mi pequeño , c’est très bon, mon petit, murmure-t-elle.


1 . Grand-mère
L’art de la figue
Dans le pays où je suis né, la vie était rude et la nourriture frugale. Notre quotidien était généralement constitué d’une bouillie de gruau agrémentée, les jours de fêtes, de quelques morceaux de viande de yack et de lait de jument fermenté. J’étais encore un très jeune enfant lorsque mon grand-père qui avait des allures de vieux berger grec et qui avait beaucoup bourlingué à travers le monde me parla pour la première fois de la figue, ce fruit merveilleux qui nous était totalement inconnu. Un soir qu’il s’était assis, appuyé au tronc d’un vieil érable de Tartarie, pour fumer sa longue pipe d’écume, il me parla de ce qui était peut-être le plus beau souvenir de ses pérégrinations. J’espère, me dit-il, que tu auras toi aussi l’occasion de goûter à ces délices. L’homme qui, un jour, a savouré une figue, ne sera plus jamais le même. Toute sa vie, il n’aura de cesse de retrouver ce plaisir inouï. C’est un bonheur si intense qu’il transforme l’âme de celui qui a la chance de s’en délecter. Lorsqu’il commençait à évoquer ce fruit, Grand-Père était intarissable. Il ne trouvait pas de métaphores assez puissantes pour en décrire la sublime magnificence. Il faisait appel aux courbes de Vénus, à la douceur du velours ou à celle des feuilles d’armoise, au goût de l’ambroisie réservée aux dieux, aux rives du fleuve Amour, aux torrents de nos montagnes, au chatoiement des pivoines et des orchidées les plus rares, aux parfums des roses, aux effluves de la menthe poivrée, aux fragrances du musc et du benjoin. Mais attention ! me disait Grand-Père, ce plaisir divin se mérite. Il ne faut pas le galvauder. Si tu veux pouvoir en jouir pleinement un jour, il faut prendre le temps de t’y préparer. Surtout, il ne faut pas gâcher la première fois. Il n’y a qu’une première fois. Si tu n’es pas prêt à en tirer toute la quintessence, alors, mieux vaut t’abstenir sous peine d’être maudit. Si tu as la chance d’en rencontrer, résiste à la tentation de te jeter sur la première venue. Prends le temps de la choisir avec le plus grand soin. Ne va pas te précipiter sur une figue encore verte ou sur une figue sèche, tu risquerais une telle déception que tu pourrais en être dégoûté à jamais. Sélectionne la plus belle d’entre toutes, celle dont les rondeurs seront parfaites, dont la douceur de la peau, la couleur et le parfum parleront à ton cœur. Ne t’inquiète pas ; si tu restes à l’écoute de tes sentiments profonds, alors, quand tu la croiseras, tu sauras avec certitude que tu as trouvé l’élue. Mais, ajoutait mystérieusement Grand-Père, vois-tu, petit, pour atteindre l’extase, il y a un secret. À toi de le découvrir…
Le discours de Grand-Père bouleversa mon enfance et mon adolescence. Peu à peu, je devins obsédé par le désir de goûter à ce fruit incomparable. Je n’envisageais pas que ma vie puisse se dérouler sans connaître cette expérience ineffable. Mes rêves étaient peuplés de figues magnifiques qui revêtaient les formes les plus diverses et qui tantôt s’offraient à moi tantôt s’y refusaient. Je me réveillais alors en transe ou en sanglots.
Dès que je fus en âge de voyager, je quittai les miens sans regret pour entreprendre ma quête. Je parcourus nombre de pays. Je traversai des forêts, cheminai dans des déserts arides. Je gravis des montagnes, franchis des rivières, des fleuves, des mers, des océans. Je connus des chaleurs tropicales, des hivers de neige et de glace, des pluies de mousson, des printemps éclatants. Je découvris des fleurs et des fruits inconnus et merveilleux sans en profiter tant j’étais tout entier tendu vers mon seul et unique but.
Un jour enfin, je m’arrêtai près d’une fontaine dans un pauvre village et en réponse à mon éternelle interrogation, un vieil homme, assis sur la margelle, m’indiqua la plaine en contrebas. C’est là, dit-il simplement. Je me mis à courir, dévalai le sentier qui menait à une immense figueraie. Des centaines d’arbres aux grandes feuilles étoilées et dans chacun, des centaines de fruits verts et minuscules. Me souvenant juste à temps des préceptes de Grand-Père, je réfrénai tant bien que mal la pulsion qui me portait à cueillir ceux qui étaient à ma portée. Je compris qu’il me fallait attendre.
Je m’installai au village. Chaque jour je descendais dans la plaine

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