Quand mon orage succombe
96 pages
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Quand mon orage succombe , livre ebook

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Description

À 15 ans, Ella ne se sent pas à sa place entre des parents absents et sa meilleure amie Jules qui semble s’éloigner. Fan des romans de la mystérieuse Tara, elle aimerait passer sa vie sur les forums qui lui sont dédiés. La sortie du dernier livre de cette autrice que personne n’a jamais rencontrée va bouleverser sa vie au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer.
Quand mon orage succombe est un roman d’amour, de trahison et de dépassement de soi. Il est aussi une plongée mystérieuse et poétique dans l’univers de la langue des signes.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782492966125
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ma mère.
 
 
 
Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t’en vas ?
 
À quoi bon vivre, étant l’ombre
De cet ange qui s’enfuit ?
À quoi bon, sous le ciel sombre,
N’être plus que de la nuit ?
 
Les contemplations
Victor Hugo
Chapitre 1
 
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Victor Hugo
 
Parfois, de simples objets ou instants de la journée me frappaient en plein cœur. Je pouvais me lever et apercevant les tasses de café de mes parents dans l’évier ressentir un vide obscur. Ils partaient au travail avant que je ne déjeune. Ils ne pensaient jamais à poser pour moi un bol et des céréales sur l’îlot de la cuisine.
Cela pouvait aussi se produire lorsqu’ils étaient là, le week-end, quand en dépit de leur présence, la maison semblait plus inhabitée qu’en semaine. Mon père regardait la télé ou bien ma mère discutait avec une amie au téléphone pourtant, malgré le bruit, j’éprouvais un creux dans la poitrine. Une faille qui s’élargissait inexorablement comme si j’étais constituée de plaques tectoniques et non de chair. Je cherchais ma place sur le canapé ou dans la véranda. Malheureusement, je ne parvenais pas à y rester. Je finissais par me replier dans ma chambre et aussitôt ma mère réordonnait les coussins qui n’avaient pas eu le temps de retenir l’empreinte de mon dos, rangeait la chaise que j’avais tout juste touchée, essuyait le pan de table que mon coude avait à peine effleuré.
Petite, je m’arrêtais en haut de l’escalier en espérant qu’ils se demandent où j’étais, mais jamais aucun « Où est Ella ? » ne résonnait dans la maison.
Mes parents étaient organisés et très méticuleux dans l’agencement de leur existence. Que chaque chose, moi comprise, soit à sa place les rassérénait. J’appartenais à ma chambre de même que les serviettes de table devaient être rangées dans le premier tiroir du vaisselier. Ils y puisaient de la quiétude.
Je ne vis jamais les objets voyager dans la maison. Les télécommandes et les vases qui ne portaient jamais de fleurs parce que les tiges moisissaient dans l’eau occupaient toujours les mêmes endroits.
C’était pour cette raison que j’aimais tant lire. Premièrement, parce que les livres étaient propres, carrés, muets et qu’ils s’alignaient facilement pour le plus grand bonheur de mes parents et deuxièmement, car qu’ils m’offraient le chaos et l’attention qui n’existaient pas dans ma vie.
Dans ma chambre, il n’y avait que des romans.
En ouvrir un, c’était déverrouiller la porte et partir à l’aventure. Dans les livres, je pouvais renverser mon assiette par terre, crier, rire, danser ou serrer des gens dans mes bras.
C’était aussi grâce à eux que j’avais rencontré ma meilleure amie, Jules. Un coup de foudre à la maternelle. Une petite fille tenant un ouvrage écorné, gribouillé et gorgé de couleurs était venue s’asseoir à mes côtés. Une petite fille aux doigts pleins de feutre et un tee-shirt jaune.
– Je m’appelle Julia, avait-elle dit. Mais tout le monde dit Jules . C’est comme un garçon, mais pour une fille. Et toi, comment tu t’appelles ?
– Ella.
Je l’avais adoptée aussitôt, non pour son prénom, mais pour son grand sourire et son odeur sucrée. Pour la première fois, je découvrais que les êtres humains sentaient quelque chose. Jules fleurait bon les gâteaux et l’herbe, le chat et l’eau du bain.
Nous affrontâmes ensemble l’école primaire et le collège. Nous partageâmes des goûters, des secrets et des livres. Beaucoup de livres. Beaucoup, beaucoup de livres. Tous ces ouvrages qui tapissaient les murs de ma chambre et qui se muaient le soir en boucliers afin de repousser cette maison tentant de m’écraser. Surtout ceux rédigés par une mystérieuse auteure dont personne n’avait jamais vu le visage, appelée Tara. Jules et moi passâmes des soirées à chuchoter sur son lit (Jules ne restait jamais dormir chez moi, elle n’y venait d’ailleurs pas) à propos des romans de Tara, qui avaient bouleversé nos vies et arrosé nos cœurs. Les mots de Tara étaient les nôtres. Elle était notre voix intérieure. Ses livres firent germer nos âmes.
– Tu vas encore chez Jules ? s’étonnait ma mère sans réellement être préoccupée. Franchement, je ne sais pas ce que tu trouves à cette famille. Leur maison est sale et sa mère est si grosse qu’elle doit passer son temps à manger.
En effet, la mère de Jules était une cuisinière hors pair. Grâce à elle, je découvris les charlottes au chocolat, les gougères au fromage, les soupes de butternut, les tartes au thon et les Curly apéro.
Chez Jules, les habits n’atteignaient pas toujours les armoires et des miettes arpentaient souvent la table basse. Chez Jules, le père riait en chahutant avec ses enfants avant d’aller au lit. Chez Jules, la salle de bain se transformait en piscine. Chez Jules, les couettes fleuries se prenaient pour des tentes et des cachettes à bonbons.
Ainsi, lorsque mes parents m’offrirent un scooter pour mes quinze ans, je les fixai avec stupéfaction.
– Tu devras en prendre soin, déclara mon père. Tu pourras te rendre au lycée et chez Jules toute seule maintenant.
Le scooter était aussi un cadeau pour mes parents.
 
 
– C’est énorme ! s’exclama Jules en découvrant l’engin. On va pouvoir aller où on veut !
Nous n’osâmes pourtant pas nous aventurer en dehors de la ville. Ne plus prendre le bus était déjà une victoire en soi.
Très vite, le scooter donna des idées à ma meilleure amie.
– Mon cousin Dorian et son copain Damien vont au bowling, on va avec eux.
Le scooter et les dédés, comme Jules les surnommait, s’imposèrent vite. De deux, nous devînmes quatre, et d’infinis après-midi chez Jules, nous passâmes à de longues heures dans les galeries commerciales ou dans les parcs du centre-ville en compagnie des dédés.
Les dédés étaient drôles. Ils n’avaient pas leur pareil pour trouver des idées farfelues. L’une des premières fut la vente de badges en faveur d’une fausse œuvre caritative grâce à laquelle ils nous offrirent des bières. Plus tard, ils nous fournirent des pass qui permettaient d’entrer à la piscine sans payer ou encore des mixtures censées nous faire planer à base des produits de prise de masse du père de Damien qui s’était mis à la musculation à cinquante ans. Bref, les dédés rendaient le quotidien exaltant. En leur compagnie, la ville était moins grise, les soirées moins moroses, le temps moins angoissant. Dans mon mini gang de quatre, je me sentais rassurée et à l’abri des autres.
Ce n’est que lorsque nous entrâmes au lycée que les choses évoluèrent. Au début, je me réjouis qu’ils fréquentent le même établissement. Les dédés me permettaient d’affronter les regards dans la cour, la promiscuité du self, les couloirs bondés, les nouvelles règles. Mais au bout de quelques mois, notre quatuor se disloqua quand Jules se rapprocha de Damien. Je fus la seule à détecter les changements dans la bande. Les dédés étaient toujours les mêmes certes, et Jules et moi, les meilleures amies, mais notre complicité vacillait. À l’intérieur du cercle, un autre groupe naissait. L’équilibre tanguait. Des liens nouveaux et imperceptibles entre Jules et Damien me reléguèrent aux confins du peloton. Notre amitié me glissa entre les doigts.
Jusqu’à ce lundi matin où je ne l’avais pas vue du week-end et que j’avais passé plus de temps avec mes livres qu’avec des individus de chair et de sang.
– Je sors avec lui, claironna-t-elle, le regard plein à craquer d’étoiles.
Inutile de le nommer. J’avais remarqué leur manège depuis des semaines, mais mon cœur se fendilla. Damien était pourtant aussi mon ami. J’aurais dû me réjouir pour eux, hélas je me sentis repoussée. À cet instant, la petite fille seule que j’avais été refit surface, la petite fille du haut de l’escalier qui croyait que jamais personne ne partagerait de coloriages avec elle.
– Je suis contente pour toi, articulais-je.
Certains mots avaient le pouvoir de grossir subitement et de rester coincés dans la gorge. Des mots-cachalots.
– Du coup, forcément, continua Jules, on va vouloir passer du temps que tous les deux, Damien et moi. On se verra encore à quatre, il y aura toujours les dédés et nous, mais un peu moins, juste un peu.
Les mots étaient devenus des tumeurs qui m’étranglaient. Devant moi, Jules brillait aussi fort qu’un astre naissant sur le point d’irradier l’univers. Elle rayonnait tellement que j’en avais mal aux yeux.
– Il faudrait que tu te trouves quelqu’un !
Elle cherchait à me communiquer son enthousiasme, mais je savais que la fillette au tee-shirt couleur tournesol et aux doigts barbouillés venait de disparaître à jamais. Ce lundi matin, j’avais en face de moi une inconnue qui paradait avec la photo d’un garçon en fond d’écran de son portable.
Chapitre 2
 
Le rêve dont on sent l’aile qui nous effleure !
Victor Hugo
 
Je contemplai mon bol où sombraient des îlots de flocons d’avoine mous. J’avais toujours trouvé que les céréales devaient être mangées avant qu’elles ne se transforment en bouillie ou qu’elles donnent l’impression d’avaler du vomi de vache. Trop tard, ce matin j’avais rêvassé et la mixture me répugnait. J’irais au lycée sans déjeuner. Je terminerais ma nuit trop courte par une petite sieste les yeux ouverts pendant le cours d’anglais de madame Harrison. J’étais très forte à cela : demeurer immobile au milieu des autres tandis que mon esprit prenait la clef des champs. Il fallait dire que j’avais beaucoup d’entraînement. Depuis que j’étais née, mes parents avaient exigé que je me tienne silencieuse et indiscernable. S’il y avait eu un concours de transparence, j’aurais été championne du monde.
Je vidai mon bol dans la poubelle et briquai la cuisine en me promettant de me coucher plus tôt. Hier encore, j’étais restée sur les réseaux sociaux jusqu’à deux heures du matin. Je ne parvenais pas à éteindre mon portable et à me déconnecter. Il y avait cette plateforme de fans des romans de Tara qui me retenai

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