Karl ou La Vie retrouvée
430 pages
Français

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Karl ou La Vie retrouvée , livre ebook

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Description

Perdue dans ses pensées, Diane se remémore un jour d’été de son enfance. Elle doit avoir 4 ou 5 ans, il fait chaud et elle erre toute seule dans le grand jardin qui constitue pour elle un immense terrain de jeu protecteur. Un vélo de l’autre côté du portail attire son attention et la voilà qui s’enhardit. Elle franchit la grille et aperçoit une femme qui jardine, flanquée d’un jeune garçon. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Jules. Bien des années plus tard, dans sa maison insulaire en face de Lorient, elle pense à lui. Il lui manque. Pédiatre pour une ONG, Jules est actuellement en mission au Tchad mais doit heureusement revenir bientôt. Elle est si fière de lui. De retour sur le continent, elle décide de retrouver Karl Wieland, un homme qu’elle a croisé par hasard dans un square avec lequel elle a pris plaisir à converser. Elle a également beaucoup apprécié qu’il lui lise ou lui récite de mémoire de longs passages de Guerre et Paix, livre qui lui avait pourtant laissé de mauvais souvenirs au lycée. Elle retourne à l’endroit où elle l’a vu la première fois, allongé sur un trottoir. Le marchand de primeurs l’apostrophe alors car précisément, depuis la venue de Diane, Karl a disparu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 février 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414177318
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-17729-5

© Edilivre, 2018
Karl ou la vie retrouvée
Du même auteur :
Fragments de vie... , 2014, Éditions Baudelaire
La petite fille de la ville de S… , 2015, Éditions Baudelaire
L’approche , 2015, Amazone
 
 
Diane Fontaine baisse les yeux sur ses mains qu’elle vient de poser à plat sur la table de la salle à manger, doigts écartés, non pas pour les examiner comme il lui arrive de le faire mais sans intention. A leur vue, un sourire se dessine sur ses lèvres et se prolonge jusqu’à intensifier sensiblement l’éclat de son regard. Les deux mains aux doigts longs et fins qui se détachent du bois sombre de la table, semblent n’appartenir à personne et avoir simplement été oubliées là. Plus Diane leur témoigne de son attention, plus elles lui deviennent étrangères. Elle prend le parti de s’en amuser et remarque que, sur certains ongles, le vernis commence à s’écailler.
Diane Fontaine est inquiète et ne peut s’empêcher de l’être ni de l’ignorer. Parfois, indépendamment du moment de la journée et de l’endroit où elle se trouve, lorsqu’elle ferme les yeux, apparaît la même image, aux contours plus ou moins flous, toujours plus obsédante au point de semer en elle, un trouble inattendu contre lequel elle a renoncé à lutter.
Un ballon rouge dévale les marches d’un perron, poursuit sa course folle dans l’allée d’un jardin et dans un grand éclat de rire, une fillette se précipite à sa suite. La scène qui dure à peine quelques secondes, est d’emblée relayée par une autre, de la même brièveté mais éclatante de vérité. Un camion, rouge lui aussi mais d’un rouge plus ardent que celui du ballon, surgit, s’efface en un éclair et rejaillit dans l’instant, filant à vive allure sur une route nationale bordée de chaque côté, par de grands arbres touffus.
Diane Fontaine plisse le front et se mettant à respirer avec difficulté, porte une main à sa poitrine. Qui est la fillette ? Elle, Diane Fontaine, ou bien une autre qui lui ressemble et qui, à force de confusion, pourrait tout aussi bien être elle ? Et pourquoi à ce moment de sa vie et non à un autre ? Quelle interprétation doit-elle apporter à ces images qui se jouent d’elle et abusent de leur emprise ?
Le perron ne lui est pas inconnu, l’allée du jardin non plus. L’un et l’autre font partie d’une maison dans laquelle elle a vécu son enfance et son adolescence et où ensuite, après en être partie, elle est souvent revenue. Elle ne garde en revanche, aucun souvenir des arbres qui bordent la route, ni de la route elle-même, encore moins du camion qui l’angoisse et dont la présence sur cette route inconnue, n’a aucun sens.
Les arbres qui bordent la route sont des peupliers. Son père lui a appris, dès l’enfance, au cours de leurs innombrables promenades à deux, à déterminer l’essence des arbres. Diane entreprend de les compter. Au début, c’est facile mais ensuite, très vite, en raison de la vitesse du camion qui ne fléchit pas et entraîne tout dans son sillage, elle ne parvient plus à suivre et perd pied. Le doute survient, d’abord anodin, puis il l’assaille. Les arbres qui bordent la route sont bien trop touffus pour être des peupliers.
Elle pousse un soupir de découragement, ôte ses mains de la table et après avoir repoussé la chaise, se lève et fait quelques pas jusqu’à la fenêtre située derrière elle. En butte à des pensées contradictoires, elle demeure quelques instants, le front contre la vitre, avec pour tout horizon, perchée au loin sur une colline, une barre imposante de vieux immeubles qui entrave le regard. Elle doit se ramener à l’évidence. La fillette, c’est elle, Diane Fontaine, alors qu’elle n’est âgée que de quatre ou cinq ans. Lorsqu’elle regarde au loin, elle ne voit rien en dehors de la barre d’immeubles qui se dresse comme une fatalité. Pour lui échapper, elle tourne résolument le dos à la fenêtre et au même moment, ressent une envie de café qui ne la lâche plus. Une de ses collègues de bureau que tout le monde appelle familièrement Ludi, habite au quinzième étage d’un de ces immeubles, dans un appartement qu’elle loue depuis plusieurs années. Ludi ne se souvient plus de la date de son arrivée si ce n’est que, le jour de son installation, il faisait froid et le soir, il a neigé. Le lendemain, à son réveil, la colline était toute blanche ainsi que les toits de la ville et le spectacle était plutôt beau. Ce jour-là, à cause de la neige, elle n’est pas sortie et est restée dans son nouvel appartement où elle se plaisait déjà, créant sa propre surprise parce qu’elle ne se plaît jamais nulle part. La barre d’immeubles est le seul endroit qu’elle n’a pas eu envie de quitter. Dans son appartement qui est plutôt petit mais suffisamment spacieux, elle s’est sentie chez elle pour la première fois de sa vie. De la fenêtre de la cuisine, elle a vue sur toute la ville qui s’étale à ses pieds et paraît si vulnérable qu’elle lui confère un sentiment de toute puissance qui l’incite à rester. Diane a l’impression qu’une forte odeur de café vient d’envahir la pièce où elle se trouve. Passant la langue sur ses lèvres, elle ressent le goût du café qu’elle n’a pas bu. Les bribes d’une conversation échangée avec Ludi, à propos des immeubles, lui reviennent à la mémoire. Diane se souvient avoir dit, saisie par le vertige :
– Ça fait haut, quinze étages.
Ce à quoi Ludi lui a répondu que ce n’était qu’une question d’habitude. A l’issue de cette conversation, Ludi qui a un côté plutôt sympathique et une voix un peu éraillée, l’a invitée à prendre le thé chez elle, pour qu’elle se rende mieux compte. Par politesse et aussi par curiosité, Diane a accepté l’invitation. Heureuse à l’idée de recevoir Diane chez elle, Ludi s’est écriée que, de la fenêtre de sa cuisine qui est un endroit stratégique, elle a sur l’ensemble de la ville, la même vue que du clocher d’une cathédrale. La ville, réduite à sa plus simple expression, se trouve subitement à sa merci, d’où son attachement inconsidéré pour la barre d’immeubles qui lui ouvre de nouvelles perspectives qu’elle ne pourrait avoir sans elle. En même temps, c’est inespéré pour quelqu’un comme elle, dont la vie a toujours été réduite à peu de choses. Diane lui a assuré qu’elle finirait par avoir envie de partir. Ludi a alors secoué la tête, assurant qu’ailleurs, elle n’avait pas sa place, la barre d’immeubles étant le seul endroit où, comme elle l’a déjà dit, elle se sentait chez elle. Elle est devenue silencieuse et tandis qu’elle se murait dans son silence , ses traits se sont détendus et son visage a paru plus jeune. Depuis ce jour, Diane entretient avec elle, une relation privilégiée.
Un vendredi soir, après le travail, sous prétexte qu’il fait beau et que c’est la fin de la semaine, d’un commun accord, elles décident de prendre un verre ensemble. Elles s’installent à la terrasse d’un café situé non loin de leur lieu de travail. Le café est bondé. Elles commandent chacune une bière. Diane observe les passants qui se faufilent entre les tables, en se plaignant du peu de place dont ils disposent. Les tables qui envahissent le trottoir, ont été installées si près les unes des autres, qu’il est quasiment impossible de passer sans heurter l’une d’elle ou sans heurter un consommateur. Tout à coup, Ludi annonce, d’une voix débordante d’arrogance, qu’elle ne fréquente personne dans la barre d’immeubles mais qu’elle connaît tout le monde. Elle le dit de telle façon que la barre d’immeubles devient un lieu exceptionnel. Puis elle observe un silence et regarde droit devant elle.
– Je n’aime pas la bière, dit-elle ensuite, en trempant ses lèvres dans la mousse et en ayant une grimace.
– Pourquoi en avoir commandé une ? demande Diane.
Ludi répond qu’elle l’ignore, secoue la tête, étonnée, et vide son verre d’un trait sans se préoccuper du regard de Diane. Diane repose sur la table, son verre qui est à demi plein et pendant un court instant, elles se retrouvent embarrassées l’une de l’autre et aucune ne parle. Ludi se décide la première.
– J’aime chanter, dit-elle, en se mordillant la lèvre inférieure.
Elle est aussitôt gênée de l’avoir dit. Pourtant, à ce moment de la conversation, elle a envie de rire et se met à rire tandis que Diane se détourne d’elle. Elle a beau ne pas aimer la bière, elle est tentée d’en boire un autre verre. Elle décide d’attendre un peu et ne hèle pas le serveur qui passe à proximité.
Soudain, la présence de Ludi ennuie Diane qui aurait préféré être seule. Ludi sourit et tout à coup, elle a la tête ailleurs et son regard s’assombrit.
– Dans l’immeuble où je vis, tout dérange, confie-t-elle.
Un homme assis à la table voisine, se tourne vers elle et la dévisage.
– L’idée de déranger à ce point, est assez extraordinaire, ajoute-t-elle. Ça fait partie du lieu. Personne n’y peut rien.
Diane opine de la tête tandis que l’homme à la table voisine, ne quitte pas Ludi des yeux.
– Nous vivons dans deux mondes séparés, assène Ludi, avec une assurance déconcertante.
Diane ne répond rien.
– Je ne fréquente personne mais je connais tout le monde, renchérit Ludi. C’est un privilège de connaître tout le monde. Tu le savais ?
– Non, répond vivement Diane, sans réfléchir.
Elle a envie de l’abandonner mais elle ne s’en va pas et reste assise, les jambes croisées, à regarder son verre et à l’écouter. Elle l’entend, qui continue à parler des mondes séparés dans lesquels elles vivent l’une et l’autre, et qui ne sont pas faits pour se rencontrer.
Comme elle ne résiste plus à l’envie qui la tenaille, Diane va dans la cuisine, réchauffe le reste de café du petit-déjeuner qu’elle verse à la hâte dans un bol et avale goulûment, debout devant l’évier. Lorsqu’il

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