L écrevisse bleue
83 pages
Français

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L'écrevisse bleue , livre ebook

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Description

Une princesse métamorphosée en écrevisse, une vieille dame qui s’envole vers les étoiles, des anges construisant un moulin, mais aussi un ado embrigadé par le Djihad, les tribulations d’un médecin hospitalisé à l’Assistance Publique de Paris…
Des nouvelles et des contes, drôles, poétiques, pamphlétaires ou tendres, dont beaucoup ont pour cadre la région du lac Léman.

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029004476
Langue Français

Extrait

L’écrevisse bleue
Jeanine Henry Suchet
L’écrevisse bleue
Contes et nouvelles du Chablais et d’ailleurs









Les Éditions Chapitre.com 123, boulevrad Grenelle 75015 Paris
Du même auteur



La Fontaine Couverte , ed. Julliard, 1990 puis Press Pocket et France Loisir
Les Contes de Château Vieux , ed. Le Vieil Annecy, 2001
Le Jardin d’Eden : comédie créée en lecture au théâtre de la Huchette, Paris en mai 2004 et en spectacle au théâtre de Tully, Thonon en septembre 2004
Les Amants du Léman , comédie dramatique et médiévale créée au Château de Rovorée, Yvoire en août 2006











© Les Éditions Chapitre.com, 2016 ISBN : 979-10-290-0447-6
A Jacques
Sans qui rien ne serait
L’écrevisse bleue
Jeremy Ballut était un jeune pêcheur des bords du lac Léman, grand, beau, costaud, très aimé des filles avec ses cheveux roux et bouclés, mais hélas, marié et plutôt fidèle à son épouse.
Il partait chaque matin vers cinq heures avec son petit bateau à moteur, pêcher l’omble à la traine et relever ses filets. Il fut bien étonné un matin du mois d’août, en apercevant au milieu de sa récolte, parmi les perches et les féras, une écrevisse de couleur bleu roi. Elle ne différait par ailleurs en rien des écrevisses américaines qui ont envahi la faune du Léman depuis quelques années et dont une bonne douzaine grouillait déjà dans un seau au fond de la barque. A peine arrivée à l’air libre, l’écrevisse bleue interpella Jeremy d’une petite voix très douce et en ces termes :
« Pêcheur, mon ami, je suis Ornella, la princesse du Rhône, qu’un mauvais génie a transformée en crustacé. »
Jeremy prit l’écrevisse dans sa main et la contempla avec un émerveillement incrédule :
« Vinzou, si vous êtes princesse et, sacré nom, j’ai bien envie d’vous croire puisque vous parlez, comment ça s’fait qu’vous avez échoué dans mes filets ?
– Je prenais il y a quelques jours un bain de soleil sur la plage en string de rhovyl bleu, lorsque le méchant génie PCB Phosphatos, oui, vous savez bien, le mari de la sorcière DIOXINE, ennemi de mon père, surgit à mes côtés et prononça des paroles maléfiques. Les fibres de synthèse se prêtent mal, semble-t-il à la métamorphose, du moins la métamorphose classique utilisant les formules ancestrales : le génie a recommencé sa malédiction trois fois, rien à faire, il n’a pas pu changer la couleur de mon maillot. C’est donc avec une seconde peau de rhovyl bleu roi que je devins écrevisse.
– J’avoue que j’en suis assez contente : cela me différencie quelque peu des crustacés vulgaires qui m’environnent, mais cette singularité me pose aussi des problèmes de voisinage. La population d’écrevisses du Léman a voté récemment pour un président d’extrême droite qui a pris des mesures racistes et veut m’exclure du lac parce que je n’ai pas la même couleur que les autres. La foule est montée contre moi, on me pousse, on me pince… Ton filet m’est apparu comme l’échelle du salut.
– Je t‘en prie, garde- moi sur ton bateau, donne-moi un gentil baiser qui me rendra ma primitive forme et préviens mon père avec ton téléphone portable que je suis encore en vie : il te récompensera royalement. »
Un peu abasourdi par ce discours et très ému par la fantastique histoire, Jeremy, qui était fort gentil garçon, prit l’écrevisse bleue dans ses deux mains réunies en coupe, lui fit jurer qu‘elle ne le pincerait pas et comme il sentait qu’il en pinçait pour la princesse, la porta à ses lèvres et posa sur le bout d’une de ses antennes un chaste baiser.
Aussitôt, une superbe fille aux charmes à peine voilés par un très petit deux pièces de couleur bleue et portant dans les cheveux un diadème d’or attestant sa qualité de princesse, se suspendit à son cou et lui rendit éperdument ses caresses. Que faire ? Il ne pouvait plus la mettre en court-bouillon et il n’était pas question de la jeter à l’eau, du moins dans cette baie qui pullulait d’écrevisses.
Jeremy mit en marche le moteur de son bateau et, sur sa demande, ramena la belle jusqu’au « Vieux Rhône », l’endroit où le fleuve se coupe en de nombreux bras avant d’entrer dans le lac. Oui, cette petite Camargue suisse pleine d’oiseaux migrateurs et de roseaux. Là, le père de la princesse, prévenu par téléphone satellitaire, l’attendait dans un grand yacht tout en bois flotté. C’était bien le roi du Rhône, une sorte de Neptune avec une longue barbe verte, une couronne d’algues dans les cheveux, un costume blanc de yachtman et à la main, un trident d’où sortaient de petits éclairs multicolores.
La belle grimpa lestement à bord après un dernier baiser et un homme d’équipage à l’uniforme chamarré lança au pêcheur un sac plein de pièces d’or que celui-ci posa dans le fond du bateau.
Comme il était presque midi et que les ménagères chablaisiennes soucieuses d’acheter du beau poisson frais l’attendaient à sa baraque du port depuis plus d’une heure, Jeremy cria à la belle :
– « Arvi pas ! »
Et fonça à travers le lac à plein gaz. Dans son émoi, il coupa la ligne du bateau suisse dont la grande vague d’étrave renversa presque la petite barque de pèche. Aucun membre de l’équipage de la CGN (Compagnie Générale Nautique du Léman) ne s’en aperçut : il était midi et ils étaient tous en train de prendre « la verrée de Fendant ».
Sous le choc, le sac d’or tomba à l’eau : il ne resta plus de l’étrange aventure que le filet plein de poissons et le seau d’écrevisses ordinaires.
C’est à la suite de cet évènement que le couple infernal PCB et DIOXINE, dépité de n’avoir pu garder prisonnière la princesse, empoisonna les ombles du lac, du moins à ce qu’on dit et du côté français seulement.
Je ne sais ce que vous pensez de ce conte, mais je peux vous assurer que la femme de Jeremy, qui avait comme chacun sait l’habitude de surveiller avec des jumelles les déambulations du bateau de son époux, ne voulut jamais avaler l’histoire de l’écrevisse bleue.
L’agapanthe
C’était il y a longtemps. Kabar était encore toute jeune quand ils avaient été chassés pour la première fois. Après avoir marché plusieurs jours, la famille était arrivée dans un village vide avec des maisons de pierre en assez bon état et des champs de blé tout verts à cette époque de l’année. Il n’y avait eu qu’à nettoyer. La mère avait trouvé contre le mur ces plantes aux longues feuilles vertes et le père avait dit : ce sont des agapanthes, les lys du Nil, quelqu‘un a dû les rapporter d’Egypte. Arrose-les et de temps à autre, elles feront de belles fleurs.
Il était souvent triste, le père, il n’aimait pas travailler la terre, il n’aimait que lire. Ahmal, le mari de Kabar, a grandi ici, comme elle. Il aime travailler la terre, lui, comme s’il était une femme. Il faut bien, la terre est riche autour du village, le blé pousse, on ne manque pas de pain.
Les agapanthes sont en fleur maintenant, elles dressent leurs longues tiges et leurs grosses boules bleues, d’un bleu plus vif que le ciel, des boules faites de dizaines de très petites fleurs assez simples mais toutes ensemble, elles forment une énorme et très belle fleur, ronde comme une grosse orange, plus grosse qu’une grosse orange, une fleur bleu vif, splendide avec tous ces pistils qui pointent et l’auréolent de jaune, comme de lumière. Et il y a (elle les compte) plus de douze grosses oranges bleues qui se dressent contre le mur de la maison ce jour-là, comme une guirlande, au-dessus des fleurs rouge des géraniums.
Kabar est très fière, elle n’a jamais vu autant de fleurs contre le mur de sa maison. Elle regarde les agapanthes qui balancent doucement leurs grosses boules bleues en disant : « merci Kabar pour l’eau que tu nous as donnée, pour te remercier, nous serons de plus en plus belles, de plus en plus bleues ». Kabar répond aux fleurs : « merci d’être là, merci d’être aussi belles, paisibles et douces ». Elle se retourne vers le sud et voit le verger avec des pruniers, des pêches et des abricots et au-delà, le champ de blé qui jaunit, les épis presque mûrs, la moisson est p

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