L écrivain Public
63 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'écrivain Public , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
63 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Ce recueil comprend huit nouvelles écrites pour des pensionnaires d’une maison de retraite parisienne.
L’auteur qui avait effectué une mission d’écrivain public dans une telle institution, a écrit ces nouvelles à la demande de l’animatrice, des pensionnaires ou de leur famille.
Son objectif a consisté dans un premier temps à écouter les pensionnaires puis à relater ou romancer leur vie ou les bribes de leur vie.
Dans un deuxième temps, l’auteur a souhaité décrire le contexte de la vie dans une maison de retraite avec le plus de réalisme possible. Elle a notamment voulu livrer une image positive des pensionnaires dont la majorité était à l’orée du centenaire et était comme portée par un optimisme inattendu.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312055398
Langue Français

Extrait

L’écrivain Public
Clémentine Séverin
L’écrivain public
Nouvelles
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05539-8
Les lettres d’Émilie Madeleine
Émilie Madeleine
Maison de Retraite
Paris
Paris, le 1 er décembre
Mon Cher Paul,
Cela fait longtemps que je ne t’ai pas écrit. Je n’écris plus très souvent. Je ne sais pas pourquoi. Mais aujourd’hui, je prends le temps de t’écrire. Faut-il connaître le sens de cette initiative ? Oui, c’est important d’en connaître le sens. C’est simplement pour te dire que je suis toujours pareille. Je vais te le prouver. Cette journée, qui ne devrait pas être ordinaire, ou qui sera, au contraire, très ordinaire, te le prouvera. Je te l’assure. Comment ? Elle commence par cette lettre.
Je t’écris dans ma chambre comme lorsque nous étions fiancés, toi et moi. Nos fiançailles avaient duré un an. Une année inoubliable avec des centaines de lettres que je relis parfois. Je les range dans une boîte en carton bouilli bleu foncé. Elle est là, sur le bureau en bois blanc. Il m’est facile d’ouvrir la boîte enrubannée comme autrefois et de saisir une lettre écrite avec passion. Une lettre de toi. Une lettre de moi. Le passé.
L’amour a toujours été le moteur de ma vie. Est-ce que cela se remarque ?
Marina l’animatrice de la maison de retraite m’a dit que j’avais une fenêtre de mon âme ouverte sur l’amour. Elle m’a donné un petit cahier sur lequel je t’écris. Sur la couverture du cahier, il est écrit en lettres italiques : « Mon cahier Passionata ». Est -elle passionnée pour me donner un tel cahier, ou a-t-elle souhaité que ma « passion » soit ravivée ?
Tu as bien entendu : elle m’a dit que j’avais une fenêtre de mon âme ouverte sur l’amour. À ce moment-là, j’ai vu une grande fenêtre devant mes yeux. Et de cette fenêtre, je te voyais toi, mon mari. Toi qui es parti depuis trop longtemps. Je n’ai rien répondu à la plaisanterie mi-figue mi-raisin de Marina . Je ne pouvais pas dévoiler que chaque jour, chaque instant, chacun de mes gestes était conditionné par l’amour, notre amour. L’amour de notre vie. La vie qui ne s’est pas arrêtée quand tu es parti. Cependant , j’ai bien cru qu’elle allait s’arrêter aussi subitement que tu es parti, il y a tellement longtemps.
Je regarde par la fenêtre de mon âme ouverte sur notre amour, je te vois toi, tel que tu étais quand nous nous sommes rencontrés, tel que nous étions quand nous nous sommes mariés, et tel que tu as été durant toutes les années que nous avons traversées ensemble. Une ou des vies ?
Nous n’avons pas vu le temps passer. Nous n’avons pas vu que nous vieillissions… Non. L’amour nous donnait, chaque jour, de nouvelles forces. L’amour nous maintenait dans la ronde de son printemps.
Aujourd’hui, la fenêtre qui s’ouvre devant mes yeux m’empêche de penser que la vieillesse m’a définitivement rattrapée. C’est certainement la raison pour laquelle je réponds à toute personne, ou que je dis, sans que l’on me pose la question, que je n’ai que 98 ans, alors que mes 100 ans se profilent à l’horizon ! Un horizon qui avance très rapidement. Trop rapidement. Ce n’est pas un mensonge, n’est-ce pas ? Un effet de coquetterie ? Disons , une légère coquetterie. Oui , je suis coquette et je le montre bien ! Les soins des cheveux, du visage… de tout le corps bien évidemment. Les bijoux d’une grande finesse, comme mon bracelet en argent aux perles de cristal. Mon sac à main, fait main dans le cuir, léger et de différentes couleurs aux tons nuancés de l’automne. Les habits aux couleurs qui se marient. Oui , les couleurs doivent s’aimer et quand elles s’aiment, elles se marient, comme nous nous étions mariés. Nous aimions la vie. Nous aimions le printemps. Nous aimions les couleurs de la nature. Le ciel bleu ou gris. Les arbres et leurs couleurs qui changent en toutes saisons. Oui , tu te souviens, j’aimais et j’aime encore tout ce qui est beau. La beauté des lignes. La beauté des meubles. La beauté des bijoux. La beauté intérieure de certaines personnes. Tout ce qui est fin. La finesse renferme une beauté incroyable, et elle est aussi insaisissable que l’âme de ses créateurs toujours à la recherche de la perfection.
Suis-je étourdie ? Je te parle de Marina, l’animatrice comme si tu connaissais mon entourage, ma vie d’ici ? Tu la connais. J’en suis convaincue. La fenêtre de mon âme est ouverte et tu es là. Tu me regardes. Tu as bien vu Marina…
Ah ! Marina ! Elle a tellement d’admiration pour la personne que je suis. Elle a tellement envie de me connaître. Elle me connaît. N’est-ce pas ? Si elle a réellement vu la fenêtre par laquelle je ne vois que l’amour, alors Marina connaît l’essentiel de ma vie, de notre vie : l’amour. L’amour qui nous a unis, toi et moi. L’amour qui m’a portée, transportée. L’amour qui m’a permis de ne pas t’oublier. L’amour qui m’a permis de te parler chaque jour comme si tu étais ici, derrière la fenêtre, et comme si tu allais entrer. Mais le jour où tu entreras, cher Paul, nous repartirons ensemble. Nous fermerons à tout jamais la porte et les fenêtres de cette maison. Nous entrerons dans la paix et la beauté d’un autre univers pour y être unis. Ne penses-tu pas ?
Avant d’y entrer, cher Paul, écoute, mon amie Gilberte. Elle est venue me chercher dans ma chambre. Elle chante. Elle a toujours chanté. Dès que je suis arrivée ici, dans cette immense maison en plein Paris, nous sommes devenues des amies. Nous ne nous quittons pas. Je dirais qu’elle est comme une sœur jumelle. Peut-être, avons-nous été, auparavant, des âmes jumelles sans le savoir ? Peut-être, nous sommes-nous retrouvées ici, dans cette maison, parce que cette maison attire l’amour et non la haine ? Micheline, une pensionnaire, ne cesse dire qu’elle est heureuse dans cette maison. Je la comprends. Gilberte et moi, nous la comprenons.
Mais, écoute la chanson de Gilberte. Bien sûr que tu la reconnais. Tu aimais cette grande chanteuse d’origine italienne. Dalida. Tu n’as pas oublié cet air. L’air que fredonne Gilberte :
« Bambino , Bambino ne pleure pas,
Bambino . Mon Petit Bambino … »
Cet air me rend nostalgique. Nous n’avons pas eu d’enfant. Cependant, notre maison en était remplie. Les enfants de mes frères et sœurs. Les enfants des voisins. Les enfants.
Allez Gilberte, chante-moi une autre chanson. Une chanson de Joséphine Baker. Elle se souvient Gilberte, et elle chante Paris… Reine du monde.
« Paris … c’est une blonde
Le nez retroussé, l’air moqueur
Les yeux toujours rieurs
Tous ceux qui te connaissent
Grisés par tes caresses
S’en vont mais reviennent toujours
Paris … à tes amours !… »
Gilberte est heureuse. Elle a toujours vécu à Paris. Elle me l’a fait connaître quand je suis arrivée ici. Nous avions toujours vécu en Bretagne et je ne connaissais pas Paris. Gilberte m’avait dit que nous ferions connaissance de cette ville comme nous ferions connaissance d’un poème ou d’une chanson ! En nous promenant, Gilberte chantait des chansons qui évoquaient Paris. Elle passait par les airs d’Edith Piaf, Maurice Chevalier, Joséphine Backer et bien d’autres.
Nous sortons moins maintenant. Néanmoins , nous aimons nous promener du côté du boulevard Raspail et de la rue de Rennes . Nous nous arrêtons dans les petits parcs sur le boulevard Raspail , là, sous les arbres. Nous allons aussi de temps en temps les mardis et vendredis matins au marché. Nous n’achetons rien parce qu’ici nous avons tout ce qu’il nous faut. La directrice et l’intendante vont tous les vendredis matin à 5 h 30 au grand marché de Rungis pour assurer l’économat de la maison de retraite. Ainsi les plats sont-ils confectionnés avec des produits frais. Le bio. C’est Rungis . Elles le savent bien, la directrice et l’intendante depuis le temps qu’elles vont à Rungis avec d’autres employés !
Et nous, Gilberte et moi, nous allons au marché bio du boulevard Raspail. Nous marchons lentement, tout en discutant, tout en regardant autour de nous. Gilberte chante et j’entends notamment les klaxons incessants des voitures qui sont dans les embouteillages du boulevard et des rues adjacentes.
Les commerçants nous interpellent et nous suggèrent de goûter leurs produits biologiques. Tout est bio à présent, sur les stands de ce marché. Nous en doutons un peu, surtout quand nous remarquons que ce

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents