L'Élégance du secret , livre ebook

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« Étonné, il s'aperçut que le soleil brillait déjà au zénith et que les cigales chantaient à tue-tête, peu soucieuses de la capitulation nippone. Il avait dû s'assoupir, ou oublier le temps. Mais à nouveau éveillé, il fut emporté par le drame, et les violences qu'il venait de faire subir à l'innocent. C'est alors qu'il énonça intérieurement, avec force et solennité, la promesse de vivre jusqu'à sa mort dans la douceur et la bonté en toutes circonstances. » Du Japon d'hier et sur le point de capituler au Japon d'aujourd'hui, le roman de Marie-Renée Noir déroule l'existence de Hashimoto Masao. Les regrets et les fantômes, les passions et la modernité discrète de ce personnage habitent ce récit qui, par-delà les événements et le chaos souvent présent, sonde l'intériorité d'un être finalement moins commun qu'il n'y paraît. Porté par une écriture qui semble comme effleurer ses personnages, et une ambiance feutrée et mélancolique, "L'Élégance du secret" est de ces œuvres faites d'humilité et de pudeur dont on ressort apaisé.

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Date de parution

24 juillet 2015

Nombre de lectures

1

EAN13

9782342040067

Langue

Français

L'Élégance du secret
Marie-Renée Noir
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Élégance du secret
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://marie-renee-noir.societedesecrivains.com
 
 
 
À Marc Yor
 
 
 
Prologue
 
 
 
Je venais de recevoir le prologue suivant, que j’avais demandé à Marc Yor d’écrire pour ce livre, lorsque peu de temps après j’appris son décès. J’ai donc une raison particulièrement profonde de dédier ce roman à ce cher ami Marc.
 
C’est en 2002 que j’ai rencontré Marc, dans l’avion Paris-Osaka.
En m’asseyant, je fus vite intriguée par ce voisin parfaitement concentré sur un cahier où il étalait des formules mathématiques aussi lointaines à mon intelligence qu’une écriture hiéroglyphique ! Je dus attendre l’heure du repas pour oser lui dire quelques mots en anglais, méconnaissant sa nationalité. J’ignorais à ce moment-là que je vivais le point de départ d’une très belle amitié.
J’habitais alors à Kyoto, et Marc venait pour quatre mois enseigner les mathématiques à la fameuse université nationale de Kyoto. Durant ce séjour, j’ai eu la joie de lui faire connaître mes amis, et lui de m’introduire dans le monde des mathématiciens de Kyoto. J’ai bien vite découvert que du cœur de ce probabiliste talentueux et passionné émanait une lumière particulière, celle de l’humilité et de la modestie. Jusqu’à son grand départ, Marc est revenu plusieurs fois au Japon où il était profondément aimé. À chacun de nos contacts épistolaires ou téléphoniques, je lui demandais : « Quand est-ce que vous revenez à Kyoto ? » C’est dur de ne plus pouvoir lui poser cette question.

À chaque fois que j’ai écrit ou traduit un livre, il a été le premier à qui j’envoyais mon manuscrit pour avoir son avis, ses corrections. Après qu’il a eu lu le manuscrit de L’élégance du secret , je lui ai demandé s’il voulait bien écrire un bref prologue. Il a accepté immédiatement. C’est avec une émotion particulière que je le retranscris ci-dessous :
 
Avec ce roman, L’élégance du secret , Marie-Renée Noir donne une incarnation humaine à un grand pan de la culture et du quotidien japonais, depuis 1930 à aujourd’hui.
Hashimoto Masao, le personnage central du roman, est confronté successivement à la décennie d’avant-guerre, puis aux horreurs d’Hiroshima et de Nagasaki, avant de prendre sa part personnelle dans la reconstruction du Japon. Ses sentiments reflètent à la fois la culture traditionnelle japonaise, et d’autres aspirations profondes qui lui sont propres, telles que sa passion pour la langue anglaise.
On trouve chez Hashimoto Masao une grande douceur et sensibilité qui, en certaines circonstances, lui rendent la vie difficile, mais on assiste surtout à son refus de la violence, et à sa montée vers plus de pureté, de sérénité et de détachement.
Être parvenue à faire habiter chez une seule personne tant de caractères à la fois généraux et particuliers du destin du peuple japonais pendant les huit dernières décennies est un tour de force que Marie-Renée Noir effectue dans l’écriture de son roman en s’appuyant fortement sur les nombreuses années qu’elle a déjà passées au Japon.
Marc Yor Membre de l’Académie des sciences. Il fut un des plus grands probabilistes français, décédé subitement le 9 janvier 2014.
 
 
 
1
 
 
 
À l’est, le ciel commençait à pâlir. Encore plongées dans l’ombre, des formes imprécises se devinaient. Seul, sur le quai de la gare, assis sur un vieux banc, il attendait sans savoir si un train allait passer. Il fixait tristement les rails. Le silence de Karuizawa  1 pétrifia son visage. L’événement d’hier, 15 août 1945, le poursuivait. La voix cassée de l’empereur annonçant la capitulation résonnait encore dans sa tête.
Il fallait donc endurer l’intolérable et supporter l’insupportable.
La gare de Karuizawa s’effaça tout à coup de son regard. Il se retrouvait chez lui, à Kyoto, quatre ans auparavant. Avec ses parents il écoutait la radio. L’armée nippone avait anéanti en un instant la flotte américaine par une attaque surprise contre Pearl Harbor. Les militaires voyaient déjà les fruits de la victoire se profiler à l’horizon sous la forme d’un empire, le plus peuplé et le plus riche du monde. Ils étaient persuadés que les Américains ne s’engageraient pas dans une guerre longue.
« Chimère ! » lui avait dit son père. Lucide ou prophète, il avait vu l’erreur de ce succès militaire. Le jeune homme était fier du caractère indépendant de son père dont l’opinion avait un grand impact sur sa propre pensée, et le souvenir de cette exclamation le fit se dresser du banc.
Il aimait voir son père partir au travail à bicyclette, en répétant : « C’est le meilleur moment de ma journée ! Je goûte la liberté ! »
En tout cas, il avait eu raison puisque les Américains prirent les armes avec la ferme détermination d’écraser à la fois le Japon et l’Allemagne.
 
Aujourd’hui, si le train arrivait, le jeune homme rejoindrait la maison familiale. Cette pensée lui semblait encore incroyable. Il lui tardait d’entendre la voix de son père. Comment celui-ci allait-il lui parler des événements d’Hiroshima, de Nagasaki, de la capitulation ?
Et lui ? Allait-il pouvoir détailler devant sa mère l’amertume de sa vie à Karuizawa ? Elle, si bonne et sensible.
 
Étonné, il s’aperçut que le soleil brillait déjà au zénith et que les cigales chantaient à tue-tête, peu soucieuses de la capitulation nippone. Il avait dû s’assoupir, ou oublier le temps. Mais à nouveau éveillé, il fut emporté par le drame, et les violences qu’il venait de faire subir à l’innocent. C’est alors qu’il énonça intérieurement, avec force et solennité, la promesse de vivre jusqu’à sa mort dans la douceur et la bonté en toutes circonstances.
Puis, tout à coup, un bruit lointain le fit sursauter. Le grondement poussif du train se rapprochait. Le grincement des freins l’irrita. Il prit son sac avec rapidité et monta dans le premier wagon. Il lança un regard circulaire sur Karuizawa : le bâtiment de la police militaire, l’ambassade américaine… Il s’étira pour chercher la maison de Peter.
Cette ville touristique allait-elle retrouver sa respiration d’autrefois ?
Il avait trop mal pour l’imaginer.
 
Le trajet jusqu’à Kyoto dura dix-neuf heures, en train, à pied, en autobus.
Dix-neuf heures durant lesquelles défilèrent malgré lui les dernières pages sombres de sa vie : c’est en uniforme de policier militaire qu’il était arrivé en 1944 à Karuizawa, bourgade occupée par ceux qui avaient fui le danger de la capitale, spécialement par des étrangers de différentes nations. Il y régnait une atmosphère oppressante.
 
La raison de sa nomination, dix mois auparavant, il l’avait découverte rapidement :
« Hashimoto san, vous parlez bien anglais, n’est-ce pas ? Vous aurez une mission importante auprès de l’ambassade américaine. Vous contacterez l’un des secrétaires nommé Peter Johnson. Le premier pas sera d’entrer en contact avec lui amicalement. Je compte sur votre imagination. L’heure venue, vous irez droit au but : lui faire avouer la provenance des coups de fil et des lettres, naturellement, de l’ambassade américaine où il travaille. »
Debout les mains le long du corps, il reçut en tremblant cette instruction.
Ce commandant était un homme sombre et trapu. Son visage carré demeurait totalement inexpressif et ses paroles ne traduisaient aucune nuance.
 
Le train, en s’arrêtant brusquement, tira Hashimoto de son cauchemar. Il ignorait où il se trouvait. Tous les voyageurs, les traits fatigués, fermaient les yeux. Ballotté à nouveau par le train cahoteux, la torpeur l’envahit. C’était avec la rage au cœur qu’il avait dit : « Bien mon commandant ! » Il regrettait amèrement son amour pour l’anglais. Pourquoi si jeune avait-il été fasciné par cette langue ?
Un livre lui avait tourné la tête : La vie de Fukuzawa  2 . Après son premier séjour en Amérique, Fukuzawa revient au Japon avec un trésor : un dictionnaire anglais ! Et il ne cesse de proclamer : « Il faut absolument apprendre l’anglais ! Qu’importe ce que disent les autres ! » Ces « autres » sont tournés vers la langue hollandaise, mais Fukuzawa voit plus loin.
Au moment de cette lecture, Hashimoto Masao n’avait que douze ans. Mais il devint aussitôt un disciple secret de Fukuzawa. Il récupérait des livres et des articles en anglais. Il les déchiffrait lui-même à l’aide d’un vieux dictionnaire. À la dérobée, il écoutait des émissions de radio en anglais. Rien d’étonnant s’il choisit la faculté d’anglais à l’université de Keiô. Mais quelle descente aux enfers que de devenir espion du pays de ses rêves !
Le train s’arrêta en pleine campagne. Les voyageurs silencieux attendaient patiemment. Puis il démarra, reprenant lentement son rythme.
Hashimoto sentit les griffes de la colère le pénétrer en repensant à sa vie à Karuizawa. Chaque jour, il circulait à bicyclette dans les rues de la ville. Habillé en ouvrier, d’un air innocent, il distançait Peter Johnson. En revenant du travail, Peter partait chercher de la nourriture. Celle-ci se faisait de plus en plus rare. Même le marché noir pour obtenir du riz et des pommes de terre devenait impossible. Hashimoto le suivit discrètement pendant une semaine jusqu’au village voisin. En sortant des fermes, son sac semblait plein.
Tous les soirs, il faisait un rapport au commandant. Jusqu’au moment où l’ordre tomba : « Il est temps d’entrer en contact amical avec Johnson ! »
L’autorité des paroles du commandant lui serra les tempes. Oubliant qu’il était dans le

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