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EAN : 9782335094893
©Ligaran 2015
Préface de Madame Beecher Stowe
POUR CETTE NOUVELLE TRADUCTION DE SON LIVRE
Au moment de mettre sous presse la dernière feuille de ce volume, nous recevons cette préface que l’auteur de la Case de l’Oncle Tom a bien voulu écrire à notre demande, tout exprès pour cette traduction.
L’ÉDITEUR
L’auteur de la Case de l’Oncle Tom est profondément touchée de l’enthousiaste sympathie avec laquelle le beau pays de France répond au cri de fraternité et d’émancipation poussé par l’esclave américain. C’est l’honneur de la France d’avoir aboli l’esclavage dans toutes ses colonies ; c’est sa gloire que pas une goutte du sang de l’esclave ne souille son manteau d’hermine.
La France, l’Angleterre, jadis ennemies acharnées, se sont unies de nos jours pour donner un grand exemple au monde : elles ont ouvert les cachots, brisé les chaînes, délivré les opprimés. Avec quel calme, avec quelle tranquillité cette œuvre d’amour s’est accomplie ! Les insurrections, les tumultes, l’affreux désordre, l’effusion de sang dont on nous menaçait, – où sont-ils ? – Le soleil de la liberté s’est levé radieux dans une aube sans nuages, tandis que les chants, les prières des esclaves affranchis montaient, encens précieux, jusqu’aux pieds de celui pour qui la liberté de l’homme est d’un prix infini.
Faut-il, hélas ! que l’Amérique, incrédule et sans foi, tarde encore, et refuse d’entrer dans la noble carrière que l’Angleterre et la France ont si glorieusement ouverte ? Oh ! que les cœurs bienveillants et pleins d’ardeur de la nation française unissent leurs prières aux nôtres, afin que, digne d’elle-même, ma patrie délivrée rejette cette liane parasite, qui s’enlace à l’arbre vigoureux de l’indépendance, et dont l’étreinte est mortelle.
L’auteur s’est proposé, dans ce livre, un but encore plus élevé que celui de l’émancipation ; elle a voulu porter nos regards vers la source de toute liberté, vers le Sauveur Jésus. – De faux prophètes, des ministres menteurs, venus, disent-ils, en son nom, mais qu’il n’a point envoyés, diront vainement que le Christ autorise l’oppression et sanctionne l’esclavage, l’apôtre saint Paul répond à tous par ces paroles : « Là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté. »
L’Église chrétienne, dès l’origine, enseigna que Dieu et l’homme sont inséparablement unis dans la personne de Jésus-Christ. Ne nous apprit-elle pas ainsi, avec une égale certitude, que la cause de Dieu et la cause de l’homme sont identiques, et qu’il ne peut y avoir divorce entre la vraie religion et la véritable humanité ?
Oh ! combien cette pensée d’un Rédempteur, homme et Dieu tout ensemble, exalte et rehausse la race humaine ! De quelle confiance ne remplit-elle pas tous ceux qui prient pour le progrès de l’humanité ! De quelle terreur ne doit-elle pas frapper ceux qui oppriment leurs frères ! Si chaque être humain est frère du Seigneur ; l’injustice envers l’homme n’est plus seulement cruauté, barbarie, c’est impiété et sacrilège.
« Nous voyons se lever l’aurore du grand jour, du jour du Christ. Comme le son d’eaux vives entendu au premier crépuscule de l’aube, les prières des justes montent et environnent son trône.
Cependant encore un peu de temps, et sa présence rayonnera encore plus sur le monde.
Alors paraîtra ce royaume où habite la justice, alors viendra ce roi qui règne par le joyeux suffrage de tous les cœurs.
Il délivrera le misérable qui criera à lui , et l’affligé, et celui qui n’a personne qui l’aide.
Il aura compassion du pauvre et du misérable, et il sauvera les âmes des malheureux.
Il garantira leur âme de la fraude et de la violence, et leur sang sera précieux devant ses yeux.
Il vivra donc, et on lui donnera de l’or de Schéba ; on priera pour lui continuellement, et on le bénira chaque jour.
Sa renommée durera à toujours ; son nom ira de père en fils, tant que le soleil durera, et on sera béni en lui ; toutes les nations le publieront heureux.
Béni soit éternellement son nom, et que toute la terre soit remplie de sa gloire. »
Amen, amen.
H. BEECHER STOWE.
Avant-propos de l’éditeur
Madame Weston Chapman, qui embrassa des premières aux États-Unis la cause de l’abolition, et qui l’a si activement servie de sa fortune, de son cœur et de son talent d’écrivain, avait engagé madame L. Sw. Belloc, au nom de madame Beecher Stowe, à traduire la Case de l’oncle Tom , lorsque nous eûmes la même pensée. Cette double circonstance décida madame L. Sw. Belloc à entreprendre cette traduction de concert avec mademoiselle Adélaïde de Montgolfier, qui, depuis vingt ans, a partagé ses travaux sur la littérature anglaise.
En apprenant cette détermination, madame Beecher Stowe a adressé à ces deux dames une lettre de laquelle nous transcrivons le passage suivant :
« Je suis très flattée, mesdames, que mon humble ami, Oncle Tom , ait des interprètes tels que vous pour le présenter aux lecteurs français. J’ai lu une traduction de mon livre en votre langue, et quoique assez peu familiarisée avec le français, j’ai pu voir qu’elle laissait beaucoup à désirer ; mais j’ai remarqué aussi dans la gracieuse et sociable flexibilité de la langue française une aptitude toute particulière à exprimer les sentiments variés de l’ouvrage, et je suis de plus convaincue qu’un esprit féminin prendra plus aisément l’empreinte du mien. »
Ces quelques lignes expliquent cette nouvelle traduction de la Case de l’Oncle Tom . Les gens de goût ont depuis longtemps apprécié le mérite des différentes traductions de mesdames L. Sw. Belloc et A. de Montgolfier. Nous espérons que la scrupuleuse fidélité de celle-ci, et le bonheur avec lequel les nuances les plus délicates de l’original y ont été rendues, seront appréciés des lecteurs.
Nous avons ajouté à cette traduction un portrait de madame Beecher Stowe, gravé par M. Fr. Girard, d’après un original très ressemblant.
Notice sur Madame H. Beecher Stowe
La Case de l’Oncle Tom est moins un livre qu’un acte de foi, d’amour, d’ardente charité. Comme l’apôtre, l’auteur a dit à l’âme atrophiée : « Au nom de Jésus le Nazaréen, lève-toi et marche ! » Et l’âme engourdie s’est redressée, a secoué sa torpeur, et s’est sentie revivre. Tout ce qu’il y a en nous d’instincts nobles, bons, généreux, s’est réveillé à cette voix. Tous nous avons pleuré, aimé, admiré avec madame Beecher Stowe. C’est un des magnifiques attributs de notre nature que cette communion d’émotions pures et saintes, et c’est le plus glorieux privilège du vrai génie, du génie du bien, que d’éveiller cette sympathie universelle et féconde. Honneur donc à la femme forte qui, malgré la pression d’un égoïsme effréné, au milieu de l’ardent conflit d’intérêts passionnés et aveugles, a obéi à l’élan instinctif et irrésistible de son cœur : honneur aussi aux multitudes qui ont adopté son œuvre, et qui en ont fait le succès !
Ce qui distingue madame Beecher Stowe entre tous les écrivains, c’est qu’elle est appelée, et qu’elle a sa mission. « Lorsque Dieu commande de prendre la trompette, dit Milton, et d’envoyer un souffle au loin, il n’est pas donné à la volonté de l’homme de choisir ce qui se doit dire, ce qui se doit taire. »
Profondément pénétrée de l’esprit du christianisme, le regardant comme la source de toute vérité, de toute liberté, de toute justice, l’auteur de l’Oncle Tom ne s’est pas crue libre de « cacher la lumière sous le boisseau, » et de garder plus longtemps le silence sur les souffrances des opprimés, et l’iniquité des oppresseurs.
« Jésus-Christ, nous écrivait madame Beecher Stowe en son langage biblique, réunissant en une même personne Dieu et l’homme, a relevé l’humanité de la poussière, et l’a faite vénérable : quiconque pèche contre l’homme, pèche donc aussi contre Dieu.