La Chaussure
127 pages
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La Chaussure , livre ebook

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Description

On trouve ici ou là sur le bord des routes une chaussure abandonnée. Vous êtes-vous jamais demandé comment elle était arrivée là ? Et si, pour en savoir davantage, vous acceptiez de vous perdre sur le bord des chemins, jusque dans la carriole d’Iris ?

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2019
Nombre de lectures 3
EAN13 9782312064826
Langue Français

Extrait

La Chaussure
Anne Markyse
La Chaussure
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-06482-6
Pour Clémentine, Aurore et Louis,
Pour tous les amis de lumière
qui m’ont accompagnée cette année
Et pour l’Ami retrouvé
À l’homme qui planta les arbres,
À la femme qui les arrosa,
Au semeur d’Espérance,
Aux cueilleurs d’olives et de Liberté
Un air de fête
Jeff gara sa voiture sur le terre-plein près du manoir où avait lieu le repas du mariage. C’était un jour de juillet, chaud et lumineux. Les mariés étaient resplendissants, la cérémonie religieuse avait été superbe et émouvante, la lumière était belle sans être criarde, les mariés, leurs témoins et leurs familles s’étaient prêtés de bon cœur aux traditionnelles photos sur le parvis de l’église. Jeff était content de lui. Son appareil photo autour du cou, il sortit de sa voiture et se dirigea vers celle des mariés.
Il les arrêta d’un geste avant qu’ils ne descendent de la C4 où ils avaient tous les deux pris place à l’arrière, se glissa sur le siège passager avant et leur tira plusieurs portraits. « Voilà, c’est bien, un dernier regard l’un vers l’autre, voilà, parfait, c’est parfait ». Il savait qu’il avait été choisi pour le naturel qui émanait de ses photos, aussi n’insista-t-il pas davantage pour ces quelques clichés « posés ». Il ressortit de la voiture et, n’attendant même pas qu’ils fassent de même, il reprit sa posture nonchalante, à l’affût du moindre instant insolite à saisir.
Le cortège des invités commençait à arriver. Nombreux furent ceux qui se pressèrent autour de la voiture des mariés. Lui , pourtant photographe officiel de la journée, ne s’y attarda pas. Il savait que les mariés auraient des dizaines de clichés d’eux en train de descendre de leur voiture. Inutile d’immortaliser également le même instant, la même expression de leur visage. En revanche, il photographia la « meute » des photographes… Puis il se dirigea vers le couvert des arbres, où deux grandes tables fleuries avaient été installées pour le buffet. Ainsi qu’il s’y attendait, il y trouva un groupe d’enfants.
Il adorait se mettre à hauteur d’enfants, photographier des détails que nul autre ne voyait, mais qui évoqueraient immanquablement cette journée unique. Oh, il n’était pas vraiment proche des enfants. Il n’en avait pas lui-même, et n’éprouvait aucun plaisir à retrouver ceux de ses amis qui en avaient déjà. Trop bruyants, trop sales, trop accaparants, voilà comment il les percevait. Ce qu’il aimait chez les enfants, c’est qu’ils lui rappelaient son enfance à lui, cette part naïve en lui, jamais vraiment disparue, cette spontanéité qui était la leur, et qui leur permettait tout, dans un monde où tout était devenu contrôle de soi et de son image. Il souriait en voyant leurs petites mains se tendre vers le buffet, à peine disposé sur les tables, tandis que les adultes autour d’eux attendaient poliment qu’on leur donne le signal avant de se servir. Il aimait par dessus tout voir un enfant éclater de rire, spontanément – la photo avait l’avantage en plus qu’elle ôtait le caractère parfois sonore des éclats de rire, n’en restait que la joie pure, intense, puissante. Les adultes à côté paraissaient un peu guindés, sourire aux lèvres certes, mais jamais vraiment cette même joie tonitruante.
L’avantage non négligeable aussi pour ce séducteur-né – beau gosse au demeurant – à laisser son regard errer vers les plus jeunes, c’est qu’il y avait toujours une ou plusieurs femmes à trouver « tellement touchant » qu’il ait « pensé à prendre en photo les enfants ». Le must étant quand cette charmante personne était elle-même célibataire et dans l’espérance – très féminine – d’éprouver un jour la maternité. Car elle comptait alors parmi les plus attendries mais surtout… les plus disponibles pour la suite de la soirée…
C’est ainsi, Jeff finissait souvent la soirée de mariage dans les bras d’une nouvelle conquête. Ses amis le charriaient et prétendaient qu’il était devenu photographe spécialisé dans l’évènementiel, uniquement pour les nouvelles rencontres qu’il espérait y faire. Lui s’en défendait, assez mollement pour tout dire, car oui il y avait une part de vérité dans leurs remarques.
Curieusement , lui, le séducteur convaincu, savait saisir comme personne les moments heureux de ces jeunes couples amoureux, « unis pour la vie, pour le meilleur et pour le pire », selon la formule consacrée. Ils étaient l’antithèse de ce que représentait ses amours libertins, et pourtant Jeff n’avait pas sa pareille pour immortaliser les journées de mariage. Il était l’un des meilleurs de sa génération, raison pour laquelle d’ailleurs il pouvait s’autoriser à demander des prix exorbitants pour sa prestation. On était à une époque où l’image de soi n’avait pas de prix, et où les mariés étaient prêts à débourser de fortes sommes pour leur album de mariage. Il gagnait donc très bien sa vie, et disposait de beaucoup de temps libre dans la semaine. Cette vie lui convenait parfaitement.
Ce jour-là cependant, il était d’humeur chagrine. Aucune des jeunes femmes célibataires du mariage ne lui avait vraiment tapé dans l’œil. Il continuait à se promener entre les groupes, et photographier les visages, les sourires ou les regards complices. Mais ce qu’il préférait observer c’était les mains. La main qui passe négligemment dans les cheveux, la main qui tient le verre, la main qui donne la main à un enfant, la main qui donne la main à un amant, la main qui retient, la main qui donne, la main qui prend, la main manucurée, la main baguée, la main timide, la main prudente, la main chaleureuse,…
Il s’arrêta assez brusquement. Il venait de remarquer des mains qui, bien que fines et délicates, racontaient à elles seules le miracle de leur sensualité. La femme qui les agitait ainsi gracieusement dans les airs se tenait au milieu d’un groupe de cinq ou six personnes, dont celui qui semblait être son mari. Jeff leur sourit, leur fit comprendre qu’il voulait les photographier, ils levèrent tous leur verre vers lui. Un joli groupe d’amis ; les mariés seraient contents. Jeff n’eut pas le loisir de s’attarder auprès d’eux davantage. Son initiative avait fait des émules, et d’autres groupes voulaient se laisser photographier. Il en oublia presque la jeune femme et ses jolies mains.
C’est elle qui revint vers lui, un peu plus tard pendant le cocktail, tandis qu’il s’octroyait un moment de pause et se faisait servir un verre.
« Vous m’en offrez un ?
– Avec plaisir », dit-il en se retournant, charmé par la voix qu’il venait d’entendre.
Quand il découvrit que la femme en question n’était autre que celle de l’après-midi, dont il avait admiré les mains, il fut un peu interloqué. Que lui voulait-elle donc ? L’alliance qui brillait à son annulaire n’en faisait pas une candidate potentielle pour la suite de la soirée… Il prit un deuxième verre et le lui tendit. Ils s’éloignèrent un peu dans une allée, au milieu des arbres. Elle riait déjà. Tout en elle riait, avant même qu’il ne parle, avant que leurs bavardages ne se pervertissent.
« Je vous trouve très séduisant ».
Jeff ravala sa salive. Ainsi donc, elle attaquait d’emblée… Il s’agissait d’être à la hauteur de la joute verbale à venir…
« Vous êtes très belle vous aussi.
– J’ai vu que je vous plaisais tout à l’heure.
– Comment l’avez-vous su ?, demanda-t-il.
– Donc vous ne niez pas !
– Non en effet je ne nie pas !
– Votre regard vous a trahi ! assura-t-elle.
– Qu’avait-il de si désarmant mon regard ?
– Désarmant je ne sais pas, mais désarmé, il l’était assurément, eut-elle la taquinerie de répondre.
– Vous n’êtes jamais prise au dépourvu ?
– Jamais !
– Que venez-vous faire dans ce mariage ? questionna-t-il.
– Je suis la cousine du marié, l’unique cousine en vérité, puisque tous les autres sont des cousins.
– Ainsi, vous avez grandi dans un univers d’hommes.
– On peut dire ça comme ça ! C’est assez utile en tout cas pour apprendre à les mener par le bout du nez.
– Je ne sais pas si le bout de mon nez se laissera mener !
– Vous y consentez pourtant déjà, rien qu’en me disant cela…
– C’est une éventualité, ce n’est pas encore une certitude, la prévint-il.
– On verra, on verra », dit-elle en riant, et elle le planta là, le laissant très troublé.
À partir de ce moment-là, il eut bien du mal à se replonger dans l’ambiance du mariage. Fort heureusement, les mariés réclamèrent une grande photo de groupe, et il retrouva tout son professionnalisme en plaçant les invités p

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