La déchéance de la nationalité ou la désagrégation de l Etat
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Français

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La déchéance de la nationalité ou la désagrégation de l'Etat , livre ebook

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Description

La déchéance de nationalité vantée comme si c’était la seule solution possible contre la radicalisation des jeunes dans le djihadisme et le terrorisme n’est autre que la déchéance de l’État républicain lui-même. En effet, le principe fondateur de la République réside dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui prône l’égalité devant la loi, que celle-ci vise à protéger ou à punir. La loi doit être entendue ici comme tout type de loi, y compris, et surtout la loi fondamentale qu’est la Constitution. Ainsi, mettre deux catégories de Français dans le cadre de la Constitution, c’est détruire le principe fondateur de l’État au détriment des valeurs du vivre-ensemble car la nationalité, avant d’être rattachée à la personne à qui elle est délivrée, et c’est quel que soit le mode d’acquisition, est d’abord rattachée à l’État. De ce point de vue-là, déchoir un individu de sa nationalité, c’est arracher un membre du corps de l’État, comme on aurait arraché une dent de sa bouche juste parce qu’elle a mordu sa langue ou tout autre membre de son corps dès lors qu’il a fait mal au reste du corps. Ainsi, l’État n’est plus un État solide, mais un État liquide, voire gazeux. Malheureusement cette décision d’insérer la déchéance de nationalité dans la loi fondamentale de l’État n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux si ce n’est qu’on a assisté à quelques surenchères médiatiques dont la teneur est largement rapportée ici. Cette absence de débat sur la question a donné logiquement lieu à un déficit de réflexion jusque dans l’avis favorable et très contestable du Conseil d'État relatif à ce projet de loi constitutionnelle qui, au départ, n’avait jamais pour objectif de constitutionnaliser la déchéance de nationalité, loin s’en faut, il suffit d’écouter avec un peu d’attention le discours de François Hollande du 16 novembre 2015 devant le Congrès de Versailles pour s’en convaincre. Il est difficile de ne pas remarquer que le président de la République a choisi de mettre en jeu le fondement de l’État au détriment d’une réponse pourtant attendue face au malaise qui frappe une catégorie de jeunes Français qui sont désœuvrés. Et cela, paraît-il, pour satisfaire non tant l’opposition et les opinions extrêmes qui réclamèrent depuis longtemps la déchéance de nationalité que pour mettre sur pied sa propr

Informations

Publié par
Date de parution 21 janvier 2016
Nombre de lectures 5
EAN13 9782312041506
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

La déchéance de la nationalité ou la désagrégation de l’État
Serge Surin
La déchéance de la nationalité ou la désagrégation de l’État
Réflexions sur le principe d’égalité face à la déchéance de la nationalité française comme sanction juridique constitutionnelle d’une « catégorie » de Français « susceptibles » de commettre des crimes de terrorisme ou « potentiellement » encline au terrorisme






LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2016 ISBN : 978-2-312-04150-6
Avant-Propos
La déchéance de nationalité vantée comme si c’était la seule solution possible contre la radicalisation des jeunes dans le djihadisme et le terrorisme n’est autre que la déchéance de l’État républicain lui-même. En effet, le principe fondateur de la République réside dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui prône l’égalité devant la loi, que celle-ci vise à protéger ou à punir. La loi doit être entendue ici comme tout type de loi, y compris, et surtout la loi fondamentale qu’est la Constitution. Ainsi, mettre deux catégories de Français dans le cadre de la Constitution, c’est détruire le principe fondateur de l’État au détriment des valeurs du vivre-ensemble car la nationalité, avant d’être rattachée à la personne à qui elle est délivrée, et c’est quel que soit le mode d’acquisition, est d’abord rattachée à l’État. De ce point de vue-là, déchoir un individu de sa nationalité, c’est arracher un membre du corps de l’État, comme on aurait arraché une dent de sa bouche juste parce qu’elle a mordu sa langue ou tout autre membre de son corps dès lors qu’il a fait mal au reste du corps. Ainsi, l’État n’est plus un État solide, mais un État liquide, voire gazeux. Malheureusement cette décision d’insérer la déchéance de nationalité dans la loi fondamentale de l’État n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux si ce n’est qu’on a assisté à quelques surenchères médiatiques dont la teneur est largement rapportée ici. Cette absence de débat sur la question a donné logiquement lieu à un déficit de réflexion jusque dans l’avis favorable et très contestable du Conseil d'État relatif à ce projet de loi constitutionnelle qui, au départ, n’avait jamais pour objectif de constitutionnaliser la déchéance de nationalité, loin s’en faut, il suffit d’écouter avec un peu d’attention le discours de François Hollande du 16 novembre 2015 devant le Congrès de Versailles pour s’en convaincre. Il est difficile de ne pas remarquer que le président de la République a choisi de mettre en jeu le fondement de l’État au détriment d’une réponse pourtant attendue face au malaise qui frappe une catégorie de jeunes Français qui sont désœuvrés. Et cela, paraît-il, pour satisfaire non tant l’opposition et les opinions extrêmes qui réclamèrent depuis longtemps la déchéance de nationalité que pour mettre sur pied sa propre stratégie politique face à l’opinion. Une telle mesure ne pouvait que pointer une fois de plus encore les faiblesses de l’État qui décide de fuir devant ses responsabilités face à la jeunesse en créant de faux problèmes en vue d’en apporter des fausses réponses qui trompent ainsi l’opinion publique.
Introduction
Hobbes écrivait que « Pour établir la paix, les hommes se dessaisissent de leur droit sur toutes choses et concluent un contrat. {1} » Ce contrat, c’est le contrat social repris et développé par Rousseau en 1762. Ce contrat social en tant que fondement de l’État ne peut être révisé que pour aller dans le sens de la paix sociale et du vivre-ensemble.

Mais cette paix sociale est menacée d’un coup en plein cœur avec la question de la déchéance de leur nationalité française d’une catégorie de Français ayant été condamnés pour crime de terrorisme contre l’État. Décidément, les droits et libertés fondamentaux sont à la merci des situations de crise et de guerre. La nationalité française avait déjà juridiquement un double visage, mais les débats actuels sur la déchéance de cette nationalité a mis en évidence sous un nouveau jour le principe d’égalité. Les attentats de Paris {2} sont passés par là. Le 16 novembre 2015, au Congrès réuni à Versailles, François Hollande avait annoncé une réforme constitutionnelle en évoquant la déchéance de nationalité, mais on ne comprenait pas que cette déchéance de nationalité devait se trouver dans la Constitution. En effet, le président avait, avant de parler de la déchéance de nationalité, annoncé que « cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. Il en va de la déchéance de nationalité […]. {3} » Cette annonce ne signifie en rien que la déchéance de nationalité – qu’elle concerne des personnes nées Français-es ou pas – devait être insérée dans la Constitution. La preuve c’est que le président a annoncé la réforme constitutionnelle proprement dite avant d’évoquer les mesures qui doivent « l’accompagner ». Et puis, compte tenu du fait que le constituant de 1958 a remis les questions liées à la nationalité au législateur ordinaire à travers l’article 34 de la Constitution, il n’y a aucun doute que la volonté d’insérer la déchéance de nationalité dans la Constitution n’a nullement été évoquée au Congrès de Versailles du 16 novembre 2015, mais a été impulsée par les surenchères politiques après le discours de François Hollande. Ce dernier, voulant convaincre de voter sa réforme constitutionnelle par l’opposition, a cédé à ses exigences. C’est dans ce contexte que l’avant-projet de loi constitutionnelle dit de protection de la Nation soumis au Conseil d'État le 1 er décembre 2015 a fait état d’un article 1 er {4} visant à insérer la déchéance de nationalité dans le corpus constitutionnel, sans mesurer la signification de cette disposition du point de vue politique. Ainsi, la seule réaction face au terrorisme du gouvernement semble n’être que la proposition d’un projet de loi constitutionnelle visant à menacer de déchoir certains Français de leur nationalité. Mais, loin de protéger la nation, ce projet de loi la fragilise profondément même s’il n’est finalement pas voté, car ce sera un dangereux précédent dont les extrêmes ne manqueront pas de réitérer en référence à un projet tout socialiste . Il ne s’agit pas seulement d’une question de droit, de conformité à la Constitution, de savoir si c’est constitutionnel ou inconstitutionnel. Il s’agit surtout de la solidité du corps politique, de l’État (de droit), et de l’idée même du contrat social républicain.

L’émotion qui a poussé à l’idée folle de la déchéance de nationalité se trouve, malheureusement, à tous les étages de la société française (politiques, médiatiques, populaires, etc.). Il ressort d’un article du Monde daté du 17 décembre 2015, analysant l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi constitutionnelle {5} , que « le Conseil constitutionnel a jugé que les personnes nées françaises et celles ayant obtenu la qualité de Français par acquisition étaient dans la même situation au regard du droit de la nationalité. Dès lors, en élargissant aux personnes nées françaises la sanction de la déchéance déjà autorisée par le code civil pour les personnes devenues françaises par acquisition, la disposition envisagée ne crée pas non plus une rupture d’égalité entre ces deux catégories de personnes. » Tout est donc centré, non tout à fait sans raison, sur le principe d’égalité et sur la justification ou pas d’une différence de traitement entre Français ; mais il semble qu’on n’a pas vu que l’égalité devant la nationalité est un principe inconditionnel qui ne peut connaître aucune exception, sous peine de tuer l’État.

Des rumeurs couraient du 17 au 23 décembre 2015 selon lesquels cette mesure sur la déchéance de nationalité serait finalement abandonnée. Tout

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