La laitière de Montfermeil
380 pages
Français

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La laitière de Montfermeil , livre ebook

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Description

Extrait : "– Car, mon lieutenant, ça ne peut pas toujours aller ainsi, et vous en conviendrez vous-même. Le grand Turenne ne menait pas quatre batailles de front et ne se trouvait pas à six affaires dans la même journée... – Non, mon cher Bertrand, mais César dictait en mpeme temps quatre lettres dans différentes langues, et Pic de la Mirandole se flattait de connaître et de pouvoir discuter de omni re scibili..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 31
EAN13 9782335121834
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335121834

 
©Ligaran 2015

CHAPITRE PREMIER Conversation en cabriolet
– Car, mon lieutenant, ça ne peut pas toujours aller ainsi, et vous en conviendrez vous-même. Le grand Turenne ne menait pas quatre batailles de front et ne se trouvait pas à six affaires dans la même journée…
– Non, mon cher Bertrand, mais César dictait en même temps quatre lettres dans différentes langues, et Pic de la Mirandole se flattait de connaître et de pouvoir discuter de omni re scibili …
– Pardon, mon lieutenant, mais je ne sais pas le latin.
– C’est-à-dire qu’il prétendait connaître toutes les langues, approfondir toutes les sciences, réfuter toutes les sectes, concilier tous les théologiens.
– Comme je ne crois pas, mon lieutenant, que vous ayez tant d’amour-propre, je ne vous comparerai pas à ce monsieur de la Mirandole, qui voulait savoir tout. Quant à César, j’en ai entendu parler comme d’un grand homme ; mais je suis bien sûr qu’il n’avait pas autant de maîtresses que vous.
– Tu te trompes, Bertrand ; les grands hommes de l’antiquité avaient de nombreuses esclaves, des concubines, et répudiaient souvent leurs femmes afin d’en prendre de nouvelles. L’Amour, la Volupté avaient des temples en Grèce ; et ces fiers Romains, qu’on nous peint si sévères, ne rougissaient pas de se livrer aux plus folles débauches, de se couronner de myrte et de roses et de prendre parfois dans leurs banquets le costume de nos premiers parents…
– Pour Dieu, mon lieutenant, laissons de côté les Romains, avec lesquels je n’ai jamais tiré un coup de fusil, et revenons à nos moutons…
– Je veux te prouver, mon pauvre Bertrand, que nous loin de passer en folies les générations qui nous ont précédés, nous sommes beaucoup plus sages qu’elles…
– C’est pour ça que vous avez quatre maîtresses…
– J’aime les femmes, je l’avoue ; je dirai plus, je m’en glorifie : ce penchant est dans la nature. Je ne puis pas voir une figure agréable, de beaux yeux, sans éprouver un doux tressaillement, une émotion, un je ne sais quoi, enfin, qui prouve mon extrême sensibilité. Est-ce donc un crime d’être sensible dans un siècle où l’égoïsme est poussé si loin ; où l’intérêt est le mobile de presque toutes les actions des hommes ; où nous voyons des auteurs préférer l’argent à la gloire ; des hommes en place ne s’occuper que du soin de conserver la leur su lieu de songer au bien qu’ils pourraient faire ; des artistes mendier les suffrages des gens qu’ils méprisent, et tendre la main à la sottise lorsqu’elle est en faveur ; des hommes de lettres fermer avec soin la route à leurs confrères lorsqu’ils aperçoivent en eux un talent qui pourrait faire pâlir le leur ; où partout, enfin, la porte est fermée au mérite obscur, et s’ouvre, devant l’impudence, la fatuité que la richesse accompagne ? Si l’égoïsme ne s’était pas glissé flans toutes les classes, si l’amour de l’argent ne remplaçait pas l’amour du prochain, en serait-il ainsi ? Et tu me fais un crime de ma sensibilité ! Tu me reproches de ne pouvoir entendre sans en être attendri le récit d’une belle action ou d’une touchante infortune ; de donner mon argent à des gens dont je suis la dupe ; de me laisser prendre comme un sot aux discours d’un enfant qui me dira qu’il mendie pour sa mère, ou d’un pauvre ouvrier qui m’assurera qu’il est sans ouvrage et sans pain ! Eh bien ! mon cher Bertrand, j’aime mieux ma sensibilité que leur froid égoïsme, et je trouve dans mon âme des jouissances que les cœurs indifférents ne connaîtront jamais.
Cette conversation avait lieu dans un charmant cabriolet auquel était attelé un cheval fringant, et qui roulait sur la jolie route du Raincy à Montfermeil ; un petit jockey de douze à quatorze ans était derrière la voiture, dans laquelle Bertrand était assis près d’un jeune homme mis avec élégance, qui, tour en lui répondant, fouettait de temps à autre le coursier fringant qu’il dirigeait.
Bertrand s’était retourné à demi pendant la fin du discours du son maître ; et pour cacher l’émotion qui commençait à le gagner, il s’était mouché et avait pris une forte prise de tabac ; un peu remis alors, il avait prononcé d’une voix où perçait l’attendrissement :
– À Dieu ne plaise, mon lieutenant, que je vous fasse un crime de votre sensibilité ! je connais votre bon cœur ; je sais combien vous êtes obligeant, serviable !… et je pourrais citer de vous mille traits dont bien des gens se seraient vantés, tandis que vous les avez cachés avec soin.
– Ceux qui se vantent du bien qu’ils ont fait ressemblent à ces gens qui vous offrent quelque chose de façon que vous n’acceptiez point : les uns et les autres ne donnent qu’à regret.
– Sans chercher bien loin, moi-même, mon lieutenant, ne m’avez-vous pas comblé de vos dons, recueilli, logé, nourri ?
– Tu es un imbécile, Bertrand ; ne me sers-tu pas d’intendant, de factotum, d’homme d’affaires, de confident… et d’ami, ce qui vaut mieux que tout le reste, et ce qui ne peut se payer ?
Ici, Bertrand se retourne entièrement, et se mouche de nouveau, parce qu’une grosse larme est tombée de ses yeux. Il prend deux prises de tabac ; et après avoir serré avec effusion la main que son maître lui tendait, il prononce d’une voix attendrie :
– Oui, monsieur, vous êtes le meilleur des hommes, vous avez mille qualités ! et il ne faudrait pas que quelqu’un vînt me dire le contraire !… Morbleu ! mon sabre n’est pas encore rouillé !
– Allons, tu vas faire mon éloge, maintenant ; songe donc, Bertrand, que c’est pour me gronder que tu as commencé cet entretien.
– Vous gronder !… non, mon lieutenant, mais vous faire observer qu’il serait plus raisonnable de n’aimer qu’une seule femme à la fois ; sauf à changer dès que vous en verriez une autre qui vous plairait davantage.
– Écoute, Bertrand, je vais te faire une comparaison que tu sentiras tout de suite…
– Vous n’y mettrez pas de Grec et de Romain, mon lieutenant ?
– Pas un seul. Tu aimes le vin, Bertrand ?
– C’est vrai, mon lieutenant, j’avoue qu’une vieille bouteille… d’un bon cru ! il n’y a rien qui vous égayé comme ça !
– Tu aimes le beaune ?
– Beaucoup, mon lieutenant.
– Le bordeaux ?
– Ah ! ça sent la violette ; c’est un bouquet délicieux !
– Et le volney ?…
– Je n’ai jamais su lui résister !…
– Et le chambertin ?
– Je me mettrais à genoux devant, mon lieutenant.
– Si tu avais une bouteille de chacun de ces vins devant toi, est-ce que tu en abandonnerais trois pour n’en boire que d’une seule ?
– Je vous réponds, mon lieutenant, qu’elles y passeraient toutes quatre, et que je ne m’en trouverais pas plus mal.
– Pourquoi donc veux-tu, quand je suis entre quatre jolis minois qui ont chacun quelque chose de séduisant, que j’en abandonne trois pour ne faire la cour qu’à un seul ?
– C’est parbleu vrai, mon lieutenant, vous ne le pouvez pas il faut que vous les buviez… je veux dire que vous les aimiez toutes les quatre, et je vois bien maintenant que c’est moi qui ai tort.
C’était presque toujours ainsi que se terminaient les discussions entre Bertrand et Auguste Dalville. Auguste avait vingt-sept ans et vingt mille livres de rente ; son père était mon lorsqu’il était encore au berceau, et sa mère lui avait été enlevée depuis six ans ; c’était de cette époque que dataient les folies d’Auguste, qui avait voulu se distraire d’une douleur bien naturelle, puis avait fini par n’être plus le maître de résister à un sexe près duquel il ne cherchait d’abord que des distractions.
Cependant, le désir de porter un joli uniforme et peut-être de gagner des épaulettes, avait engagé Auguste à entrer au service. On était en paix ; mais un jeune homme qui a de l’instruction, de l’éducation, ne reste pas simple soldat. Auguste, qu’on avait fait sous-lieutenant, se plaisait à écouter Bertrand, qui avait servi comme caporal de voltigeurs, et s’était trouvé à Austerlitz,

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