180
pages
Français
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2016
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Ebook
2016
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Publié par
Date de parution
03 octobre 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782334213400
Langue
Français
Après son recueil de nouvelles ‘Ten minutes’ qui nous emmena en Russie, au Brésil et au Cameroun, Jean-Michel Bloch nous propose un roman : le journal d’un écrivain en mal de vivre et en panne d’inspiration qui décide de fuir ses habitudes et d’affronter délibérément des situations déstabilisantes et parfois dangereuses. En compagnie de son chien, ce qui se révélera être d’importance.
Un road movie cocasse - émaillé de réflexions existentielles - qui vibre aux chaleurs de New-York, de l’Ouest américain et de Cuba. Ses rencontres l’aideront à se remettre en question, mais cela sera-t-il suffisant pour renaître ?
...Je pars à la recherche du bar le plus louche et, après moult hésitations, j’entre dans l’un d’entre eux et commande une bière plutôt qu’un whisky afin de tenir le plus longtemps possible. Je me cale au bar, entouré d’alcoolos et de marginaux, de quelques rats aussi, noirs et bedonnants, qui semblent être des habitués. Deux heures que j’enfile des bocks dont l’amertume s’accroît sans que rien d’extraordinaire ne se produise. Décide de rentrer et salue les rats.
Sur le chemin du Milady une fourche, deux rues, l’une éclairée et encore animée, l’autre sombre et vide. La première m’invite avec courtoisie, l’autre me défie. J’hésite, hier j’aurais pris l’éclairée, aujourd’hui je suis tenté de choisir la menaçante, ce que je fais. J’avance en feignant un pas assuré malgré les chauves-souris qui me frôlent – l’alcool, Batman qui fait un tour ou de vraies chauves -souris ?...
Publié par
Date de parution
03 octobre 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782334213400
Langue
Français
Couverture
Copyright
Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-334-21338-7
© Edilivre, 2016
Prologue
Prologue
1 er avril, la nuit
Un aigle royal plane très haut dans le ciel, les ailes déployées sur l’air bleu d’un matin de soleil.
Je suis cet aigle royal.
Vallées, collines et montagnes s’offrent à moi dans l’innocence d’un jour nouveau.
Une imperceptible inclinaison de l’aile droite et je change de courant porteur qui m’emmène plus haut, plus loin.
J’aimerais prolonger le vol mais je dois rejoindre mon nid.
Alors que je vire de bord, j’aperçois des plumes dorées à l’extrémité de mes ailes qui se détachent et partent au vent. C’est bien la première fois mais je ne m’en inquiète pas plus que cela quand le phénomène se reproduit. C’est maintenant une envolée régulière de plumes qui me quittent et avec elle mes certitudes d’invincibilité.
Inquiet, j’accélère l’allure pour rejoindre mon nid au plus vite. Enfin il se profile à l’horizon mais celui-ci s’est transformé en un ardent bucher. Arrivé à sa hauteur, mon corps déplumé m’entraîne dans une chute vertigineuse vers le brasier. Je m’efforce en vain de réduire la vitesse et d’éviter le feu qui se rapproche inexorablement.
Je finis par m’écraser et m’enflamme, le crépitement du feu couvrant mes cris de douleur.
La violence des flammes perce le rêve et je sursaute en hurlant.
Pieds ballants hors du lit, corps mouillé de sueur, tête engoncée dans mes ailes calcinées, je jette un regard mauvais sur la page blanche qui me nargue. J’ébauche une cigarette sur la terrasse, avale un comprimé salvateur et replonge dans la nuit en recherche d’un paradis perdu.
Au matin, la page est toujours aussi blanche, un linceul d’une blancheur qui me glace.
Je dois trouver une solution, trop longtemps que je tourne en rond. J’ai bien pensé à quitter mon nid pour Cuba, l’île aux écrivains. J’imagine un petit hôtel au bord d’une plage, une jolie métisse endormie sur un grand lit de coton blanc, une vieille machine à écrire et une bouteille de rhum… sur la trace d’illustres prédécesseurs.
Bien peur que cela ne changera rien à l’affaire, au vide qui m’habite.
Je regarde mon chien Max qui ronfle à mes pieds et j’envie son insouciance.
2 avril
J’ai cinquante ans ce matin et ma vie fut une belle vie, écrivain à succès, une femme merveilleuse, de beaux enfants… Aujourd’hui, je n’écris plus, ma compagne est morte il y a trois ans dans un accident, mes enfants ne sont plus des enfants – ils me visitent pieusement chaque dimanche, un gâteau sous le bras, et leur bienveillance me gêne – je n’ai plus de combats à mener, ma vie n’est plus une rivière joyeuse mais un étang immobile, l’Envie m’a abandonné, laissé seul sur la route.
Les objets chinés par ma femme lors de nos escapades amoureuses, les fleurs à qui elle parlait le matin, sont des compagnons attentifs qui témoignent de notre amour, mais ils entretiennent sournoisement une nostalgie peu propice aux projets. Je préférais lorsque la douleur de sa disparition était vive, brûlante, déchirante. Aujourd’hui, la plaie a cicatrisé et je suis un poisson mort aux écailles sans éclat qui flotte ventre à l’air en surface d’un marais stagnant et poisseux.
Les rares amitiés que j’ai obstinément préservées ? Je n’ai plus rien à partager, je ne fais plus rire les copains, et je me fous de leurs histoires de couples qui s’épanouissent ou s’étiolent, des filles qu’ils collectionnent pour les célibataires sur le retour en mal de jeunesse.
Aucune urgence, plus rien à perdre d’essentiel, aucune nécessité de me battre pour conquérir une réussite professionnelle, acquise puis révolue, pour préserver un bel amour, qui vécut et mourut, pour protéger des enfants qui aujourd’hui s’inquiètent du “vieux”. Le proverbe chinois “Ne finis jamais ta maison” prend tout son sens, je n’ai plus rien à bâtir.
J’oublie, sexuellement aussi je suis mort, ce qui n’est certes pas vital, mais néanmoins prématuré à la cinquantaine, et le plaisir solitaire cela va un moment.
L’écriture qui fut ma passion et ma nécessité ?
J’écrivais mes romans reclus dans mon bureau, bien assis dans un large fauteuil de cuir, bercé par les bruits familiers de la maison, ma femme chantonnant dans la cuisine, les cris des enfants et du chien jouant dans le jardin, l’hiver le crépitement du feu de cheminée…
Ainsi confortablement installé, mon imagination traversait les océans, escaladait les montagnes, donnait vie à des êtres monstrueux ou attachants.
Comme Alexandre Dumas écrivit ses romans historiques dans son château de Monte-Christo à Port-Marly, à l’opposé de ceux qui mirent leurs propres vies à contribution, Ernest Hemingway qui chassa l’éléphant en Afrique, Jack London qui endura les souffrances des chercheurs d’or du Montana…
Seulement voilà, mon imagination s’est tarie, comme le ressort d’une montre se casse d’un coup sans prévenir, tuée par le silence des bruits familiers qui me donnaient le courage d’affronter les dangers dont j’affligeais les personnages de mes fictions.
J’écrivais et vivais l’aventure par procuration. Ne me faut-il pas changer de mode opératoire, me mettre personnellement en scène, dans mon cœur, ma chair, mon sang ? Quel saut, quelle révolution ! Puis-je devenir Pancho Villa ?
5 avril
Ce soir Robert vient dîner.
Robert est un ami d’enfance que j’admire pour avoir eu la sagesse – et le courage – de céder son entreprise florissante afin de “profiter de la vie”. « Je continuais, j’aurais amassé une petite fortune, au lieu de cela j’ai juste de quoi vivre jusqu’à la fin. Ne sachant si elle viendra vite ou pas, je dépense peu, juste au cas où je vivrais jusqu’à cent ans ! Tu sais, le merveilleux de la frugalité c’est de jouir au maximum de ce que tu as, et de ne désirer que ce que tu pourrais t’offrir ».
Il s’assoit dans son fauteuil préféré et je lui sers son porto.
Son crâne chauve brille de manière inhabituelle sous la lumière du plafonnier, lui donne l’aspect d’un moine tibétain qu’accentuent la large tunique orange, les petites lunettes rondes cerclées de fer et les sandales de cuir qu’il porte. Il pose son verre sur la table basse, rajuste ses lunettes et déclare solennellement « Toi, ça n’a pas l’air d’aller fort »
Je proteste, puis d’un coup je craque et déverse sur mon ami tibétain le flot d’émotions que je ressasse douloureusement depuis mon cauchemar.
– Es-tu conscient que beaucoup envieraient la beauté de tes souvenirs, et combien il est préférable de s’éteindre riche, au propre mais surtout au figuré, d’un merveilleux passé plutôt que dans l’amertume des regrets de n’avoir rien vécu de beau ?
– Sauf Robert que je meurs doucement, confortablement je te l’accorde, mais je me meurs tout de même, et mon cœur bat au ralenti… Je ne sais comment qualifier mon état, dépressif, mélancolique, apathique ? Pour sûr, je suis mou, mou et mou, la mollesse et la paresse sont devenues mes principaux attributs.
– Alors change de vie, quitte ces souvenirs qui t’encombrent, voyage, tente de nouvelles expériences…
– J’ai bien pensé à deux destinations, deux terrains d’aventure. L’une urbaine, New-York, une ville que je connais bien, mais cette fois en évitant la facile Manhattan pour plonger dans des districts plus durs, ceux où il ne fait pas bon de vieillir. L’autre, une nature sauvage et vierge, les steppes mongoles. Ses cavaliers m’ont toujours fasciné, leur mode de vie fait rêver. Accompagner la transhumance d’un troupeau de rennes, partager la yourte d’une femme mongole aux yeux bridés…
– Là tu t’égares, je te conseille plutôt New-York, les steppes mongoles ce n’est plus de ton âge, tu n’as pas la condition physique et il s’agirait pour le coup d’un suicide programmé. Prends la route 66 et traverse l’Ouest américain. En quête d’une belle pouliche, s’esclaffe en se tenant les côtes le moine tibétain soudainement grivois.
– On parle, on parle mais, pour parler franc, partir m’effraye. Tu te souviens de ma tentative avortée de “délocalisation”, du temps où j’étais encore marié ? J’écrivais sur un fugitif qui se cachait et je souhaitais me mettre physiquement en situation. J’ai trouvé sur internet un petit hôtel au bord du lac d’Aiguebelette, à deux heures de route. Une fois sur place, tout se prêtait à l’atmosphère angoissante recherchée. Un lac sauvage où plongeaient de sombres falaises, le vent mauvais d’une saison hivernale qui hurlait sous les tuiles du toit, des hôteliers aux mines patibulaires… un authentique coupe-gorge pour écrivain égaré ! Tellement angoissant que je n’y suis resté qu’une nuit et suis rentré tout penaud à la maison !
– Il faut savoir ce que tu veux, pour rebondir il te faut tout casser, te mettre en danger, un séisme violent, un coup d’état, pas de demi-mesure. Oses pour une fois, nom de Dieu ! Pardonnes mon franc parler, mais autant je t’aime, autant je connais la paresse de ton caractère. Des expériences authentiquement nouvelles, qui te feront souffrir, important de souffrir sans quoi pas de changement, ne peuvent se vivre que loin de tes repères, loin de ta maison et de tes amis, chez qui tu te réfugierais dès que le danger serait trop présent.
– Message reçu. Si nous faisions une pause, suis démâté. J’ai préparé un gigot d’agneau bien de chez nous… avant de mastiquer des hamburgers !
Robert parti, je le revois, dos bien calé dans son fauteuil, pieds à l’aise dans ses sandales, me distillant ses conseils de courage, glorifiant la souffrance… un “coup d’état”, un “séisme”, n’importe quoi ! Se déraciner est autrement plus perturbant que de vendre son entreprise !
Sur le tard, avant de m’endormir, la réconciliation vient enfin, je sais qu’il m’aime…
6 avril après-midi
Partir ou rester, cette question bouillonne d