La Révérence
130 pages
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La Révérence , livre ebook

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Description

"— Bon alors ? — Ça, c'est bon ! Ça, c'est bon ! Ça aussi ! Je crois que tout y est. Une semaine de préparatifs et me voilà arrivé à l'heure fatidique. Dans un peu plus d'une heure tout sera bouclé. Enfin ! Déjà ! C'est tout le problème avec moi, ce n'est pas encore arrivé que je me languis, et à l'approche je sais que c'est bientôt la fin, ce qui fait que je ne profite jamais du moment présent. Je ne sais pas ce que je veux. J'appelle ? J'appelle pas ? J'y vais ? J'y vais pas ? J'aime ? J'aime pas ? Je fais ? Je fais pas ? Le temps presse ; vite, vite, il me faut enfiler mon costume. Je l'ai choisi sobre, pour l'occasion ; un anthracite, ça passe toujours. La chemise blanche ? Oui la blanche, c'est bien. Une cravate ? Oui, une cravate, la bleue ? Non la rouge ? Bof, finalement la mauve. Je m'applique tout particulièrement pour la cravate, un double nœud, c'est important, ça fait toujours plus habillé, c'est plus présentable."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748378405
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Révérence
Bruno Amato
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Révérence
 
 
 
À Mémaine, à Eugène.
 
 
 
Tirer sa révérence est un
acte noble, la rater
est un manque de savoir-vivre.
Bruno Amato
 
 
 
Chapitre un
 
 
 
— Bon alors ?
— Ça, c’est bon ! Ça, c’est bon ! Ça aussi ! Je crois que tout y est.
Une semaine de préparatifs et me voilà arrivé à l’heure fatidique. Dans un peu plus d’une heure tout sera bouclé. Enfin ! Déjà !
C’est tout le problème avec moi, ce n’est pas encore arrivé que je me languis, et à l’approche je sais que c’est bientôt la fin, ce qui fait que je ne profite jamais du moment présent. Je ne sais pas ce que je veux. J’appelle ? J’appelle pas ? J’y vais ? J’y vais pas ? J’aime ? J’aime pas ? Je fais ? Je fais pas ?
Le temps presse ; vite, vite, il me faut enfiler mon costume.
Je l’ai choisi sobre, pour l’occasion ; un anthracite, ça passe toujours. La chemise blanche ? Oui, la blanche, c’est bien.
Une cravate ? Oui, une cravate, la bleue ? Non, la rouge ? Bof, finalement la mauve.
Je m’applique tout particulièrement pour la cravate, un double nœud, c’est important, ça fait toujours plus habillé, c’est plus présentable.
Je suis devant le miroir, je me contemple longuement. En l’espace d’une seconde je me surprends à penser que le mec que j’aperçois n’est finalement pas si mal.
La quarantaine tout juste, le cheveu généreux, brun, aucun cheveu blanc. Le sourcil légèrement fourni, mais pas trop. Les yeux bleus, un bleu clair qui étonne souvent au premier regard. Bref, finalement pas si mal que ça ! Oh et puis non ! Le nez est bien prononcé, le sourire fade, les cernes sous les yeux.
Bon allez, ça suffit, j’en ai assez pour aujourd’hui, point trop n’en faut.
Les effluves de cuisine arrivent jusqu’à moi, de plus en plus prononcés au fur et à mesure que le plat se réchauffe.
Cette odeur de bœuf bourguignon me réjouit à l’avance. La viande a mijoté plus de vingt-quatre heures, dans du vin rouge, du bourgogne, un bon bourgogne, un très bon. Et la viande, de la joue de bœuf, bien marinée, bien imbibée de ce vin qui va lui permettre d’obtenir ce goût de ragoût tant attendu et cette tendreté absolue.
Les carottes choisies avec attention chez le primeur, de la sablée, de la sale, comme disent certains. Et les pommes de terre mises au dernier moment quand la sauce du bourguignon commence à bien frémir et à bouillonner sereinement. Ouah, quel régal à venir !
La table est installée depuis le début d’après-midi, une belle nappe blanche brodée de mon arrière-grand-mère maternelle que le blanchisseur a fait ressortir comme neuve.
L’argenterie est de mise, une Christofle dégotée dans une brocante de la campagne normande. La porcelaine, une Deshoulières, blanche avec un liseré doré.
Un bouquet de fleurs, des roses rouges posées en plein centre de la table.
Bref, une table de fête, de circonstance.
Je pénètre dans la salle à manger et lance :
— Tout est prêt, la fête peut commencer !
J’ai clamé cette phrase avec une intonation joyeuse, le sourire aux lèvres. Je suis heureux, j’ai tellement attendu ce moment.
Un petit coup d’œil dans la cuisine, tout va bien. Le bourguignon continue son travail, il me reste l’entrée à sortir du réfrigérateur : une belle tranche de foie gras maison cuit au cognac et qui me nargue depuis deux jours.
Je m’empare de la bouteille de champagne, un Philipponnat, réserve royale, que je verse dans une coupe de cristal.
Je m’installe confortablement dans le fauteuil club, qui sent bon le cuir, puis contemple religieusement l’énorme bibliothèque que j’ai fait installer il y a quelques années, sept mètres de large sur près de quatre mètres de hauteur, le tout débordant d’œuvres de différents auteurs chinés en salles des ventes, en brocante, ou encore dans les librairies de la région. Certaines rares et chères, d’autres dépouillées et usées. Il faut dire que j’en ai parcouru des kilomètres pour me ravitailler et assouvir mon envie de lecture, ma passion de l’objet.
Elle trône, magistralement, et j’en suis fier, ce qui agaçait au plus profond d’elle-même mon ex-femme qui me disait toujours :
— Tu passes plus de temps à admirer tes livres qu’à me regarder.
Elle n’avait pas tort. Je n’en suis pas fier, mais c’était la vérité.
J’ai été douze ans marié à Véronique. Nous nous étions rencontrés chez des amis, puis nous sommes devenus très vite inséparables. Nous n’avons pas pu avoir d’enfant, un problème physiologique l’en empêchant. Ça a été un drame pendant quelque temps, puis après nous nous y sommes habitués.
Je dois avouer que je n’ai pas été très doué pour la vie en couple, car je suis persuadé qu’on ne peut pas vivre toute sa vie avec la même personne, c’est lassant, c’est fatigant. Les premiers mois ont été particulièrement sublimes avec beaucoup de partage, d’échanges, d’amour, d’escapades. Et puis le temps a fait son œuvre, subrepticement. Petit à petit on rentre le soir de sa journée de travail et on embrasse machinalement sa femme comme on caresse son chien. On ne regarde plus l’autre, on le subit. On ne partage presque plus rien, on s’engueule. Et pourtant on croit qu’on s’aime encore.
Elle est donc partie, c’est normal, j’en aurais fait autant si j’en avais eu le courage.
 
— Bon allez, il est temps de passer à table maintenant, sinon ça va être trop cuit.
J’ai l’impression d’entendre la voix de ma mère, stridente, qui dit cette même phrase à chaque fois qu’elle a des invités.
Le foie gras repose au centre de l’assiette. J’en coupe un morceau que je m’apprête à porter à mes lèvres, mais me ravive aussitôt car il me faut me servir un verre de vin jaune.
Le morceau atterrit dans ma bouche, une pépite de bonheur ravage mon palais. La substance pâteuse, relevée, légèrement alcoolisée me provoque un feu d’artifice de saveurs et de plaisirs.
Le bourguignon, vite le bourguignon ! Je vais finir pas être en retard. Il est vingt et une heures trente, plus que trente minutes.
L’assiette regorge de ce savoureux mélange de viande, de rondelles de carottes et de pommes de terre. Les volutes de fumée transportent cette odeur merveilleuse de viande mijotée.
Je me régale, c’est un délice. Si je n’étais pas si pressé je serais capable d’en oublier le temps.
Le dessert, une crème brûlée, légère, onctueuse, avec de la vanille venue tout droit de l’île de la Réunion.
 
Quelques secondes plus tard, je m’affale dans mon fauteuil club, un verre d’armagnac posé à côté d’un Cohiba, ce célèbre cigare cubain. Encore à côté repose le réveil figé à dix heures, ce réveil de mon père auquel j’ai ôté la pile pour que les aiguilles restent collées à cette heure.
J’entends le tic-tac de l’horloge que je fixe, le temps s’égrène, s’effiloche. Le compte à rebours a commencé.
Je suis comme l’athlète qui se met en piste et se prépare au concours. C’est la dernière ligne droite avant le but final.
Je me lève, je vérifie que la tringle à rideaux tienne bien, je l’ai fait renforcer hier pour m’assurer qu’elle supporte mon poids. L’ami qui me l’a installée m’a dit fièrement :
— Elle ne se décrochera jamais avec tout ce que j’ai mis. Un éléphant pourrait se pendre que ça ne lâcherait pas.
C’était le but recherché.
Bon allez, c’est parti.
Dos à la fenêtre, sur un tabouret, j’installe précautionneusement la corde autour de mon cou, je la tends légèrement pour m’assurer que le tout tienne bien. Je regarde autour de moi. Ma bibliothèque, mes quelques souvenirs de voyages, la lettre que j’ai laissée à l’intention de mes proches pour qu’ils comprennent, puis le réveil que j’ai figé à dix heures pour qu’ils n’aient pas à chercher l’heure, c’est plus simple pour eux.
Je suis heureux, c’est chouette, je vais enfin respecter ma parole, celle que je me suis promise il y a une semaine.
Il est maintenant vingt et une heures cinquante-neuf, précisément. D’une seconde à l’autre la grande aiguille va bouger et passer le cap de l’éternité. Le tic-tac est lent, je m’impatiente. Je pense à une célèbre phrase « Adieu monde cruel », puis je souris.
L’aiguille passe le cap fatidique, je ne peux reculer devant l’adversité. Je plonge dans l’abîme. Je sens cette corde serrer mon cou puis très vite cette pression s’emparer de ma tête, cette lourdeur envahir mon cerveau dans une impression d’atmosphère feutrée. C’est ça le bonheur final !
Mon corps bouge dans le vide. J’entends au loin un craquement de je ne sais où. Je perds connaissance dans une jouissance absolue. Adieu monde cruel.
 
 
 
Chapitre deux
 
 
 
— Monsieur Garnier, monsieur Garnier, réveillez-vous !
J’entends au loin des voix, j’ai mal à la tête. J’entrouvre un œil, la lumière du jour me force à le refermer aussitôt.
Un marteau-piqueur s’enfonce dans mon crâne, j’ai la sensation d’avoir la gueule de bois comme au temps des soirées estudiantines où je ne pensais qu’à faire la fête avec mes copains plutôt que de passer mon temps à étudier.
C’est ça le paradis ? Tu parles, c’est de la foutaise, je m’attendais à quelque chose de plus doux.
— Monsieur Garnier, réveillez-vous !
Mais bordel, pourquoi veux-tu que je me réveille, fous-moi la paix.
Je tente une nouvelle fois, j’ouvre de nouveau un œil, je le laisse entrouvert. Je lutte pour ne pas le refermer.
Je m’attendais à un autre spectacle !
— Bonjour, monsieur Garnier.
Je balbutie :
— Bonjour, madame.
Elle est penchée sur moi, une femme portant une bonne cinquantaine, souriante, presque rassurante. Elle me pre

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