Le Banquet des Ombres
346 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Banquet des Ombres , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
346 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Vingt-cinq nouvelles « fantastironiques », vingt-cinq tranches de vie : le sens du devoir d’un certain général Hugo, la réinsertion de Canina le cannibale, une étrange représentation du roi Lear...
Chaque nouvelle est suivie de sa version revisitée : l’auteur, se souvenant d’un texte sorti de son clavier il y a six mois, ou six ans, éprouve une certaine nostalgie. Il a envie de retrouver ses personnages : que sont-ils devenus ?
Il les invite donc à un banquet et s'entretient avec eux, parfois comblé, souvent agacé, voire indigné par un parcours dont il n'est plus le maître... Il pêche dans leurs récits des idées utiles et (peut-être) un peu de modestie.
Le lecteur redécouvre alors chaque nouvelle sous un autre angle, tandis que l’auteur, en clair-obscur, rejoint la galerie de ses personnages.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 avril 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332698216
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69819-3

© Edilivre, 2014
Du même auteur
Du même auteur :
• Le plus jeune fils de l’écureuil (nouvelles)
Robert Laffont, 1958
• Une folie au bord de la mer (roman)
Robert Laffont, 1960
• Corsaire Julien (scénario B.D., illustrations d’Alexis)
Pif Gadget, 1976
• Hurleville (roman)
Jean-Claude Lattès, 1981
• Un silex à la mer (poèmes)
Gallimard, 1991, prix José-Maria de Hérédia
• Les Enfances (roman),
Viviane Hamy, 1990, prix Jean Giono 1991
• L’arbre jongleur (poèmes), Maison de Poésie,/Presses universitaires
de Nancy, 1993, prix Verlaine
• Les Angelicos (théâtre)
L’Harmattan, 1997
• Chroniques de la destruction de Paris (poème épique en dix-huit scènes)
Droséra, 2009
« Comédies pour le son » :
Sur France-Culture, 1982-1988 :
– Apolline de Chinon-Nazaire
– Charles d’Aubigné ou le beau-frère extravagant
– Le philosophe à quatre pattes
– Zia ou la comédie du dieu chacal
Avertissement au lecteur…
Voici l’entrée au Banquet : un tome sur 26 (25 nouvelles sur 634). Ces histoires se présentent dans l’ordre alphabétique de leurs titres : en d’autres termes, avec la liberté du hasard – espérant ainsi ressembler à la vie.
Chacune est suivie de sa « Revisite ». C’est le récit d’une retrouvaille : celle de l’auteur et de ses personnages. Il les a créés des mois ou des années plus tôt, et s’inquiète de savoir ce qu’ils sont devenus, depuis qu’ils agissent à leur guise sans lui demander son avis.
Il les convoque donc, par le moyen d’un Banquet, au cours duquel ils devront lui raconter leur « Vie d’Après » celle où ils étaient libres . Il en sortira fier de ses créatures, ou, qui sait ? déçu, chagriné, voire scandalisé ; ici le lecteur, qui est présent par définition, pourra juger s’il aurait trouvé les mêmes « chutes » ou de meilleures.
Au fil des Banquets, on reconnaîtra parfois des têtes connues : comme Monsieur Genais , vieux notaire sarcastique ; Denis Collomb , enquêteur « parallèle », d’autres encore. Ces sortes de « sociétaires », reviennent sans suivre un « plan » – soucieux peut-être de revoir leurs lecteurs et de les « tenir au courant ».
À boire
Son aide de camp ayant été coupé en deux, le général H*** chercha quelqu’un d’entier pour lui tenir compagnie.
– Je t’emmène vers Vitoria ? dit-il au colonel Rigollet.
– Emmène mon cul. Il faut que je replie mes blessés sur Madrid.
– Tu me prêtes Wurski ?
– Égorgé, mon camarade. Un seul coup de navarraise et personne ne l’avait donné. Nous nous battons contre des courants d’air.
Rigollet finit de se panser le crâne et réussit à y faire tenir son chapeau.
– Mais, Léopold, dit-il en se hissant à cheval, qu’est-ce que tu vas foutre à Vitoria ?
– Voir un peu ce qui reste.
– Tu ne trouveras que des paquets de boyaux. Et la nuit tombe : gare aux loups… Pays de sauvages !
Il enleva difficilement son roussin exténué et partit au tout petit trot.
Léopold H*** chercha de-ci de-là, tirant sa monture par la bride, d’un feu de camp à l’autre. Les hommes dormaient déjà sous leurs charpies où le sang était à peine sec.
– À l’ordre ! cria soudain un sergent d’une voix si écorchée que le général rit amèrement.
– Garde ton souffle. Et assez de garde-à-vous, ils sont sur leurs pieds depuis le petit matin.
– N’empêche, mon général, il faut bien un tour de garde, ces salopards viendraient ramper jusque sous les faisceaux.
À la voix du sous-off, un grand maigre se dressait, raide comme un piquet, dans un cliquetis martial.
– Repos, soupira Léopold. Tu n’es donc pas fatigué ?
– Ça peut aller, mon général.
Léopold regarda de plus près les longues moustaches jaunes, le dolman boutonné, les yeux fiévreux.
– Tu trembles, dit-il. Tu veux boire un coup ?
– Pas de refus, mon général.
La gourde passa de mains en mains. Le sergent lui donna au passage un baiser militaire, toussa, et dit « Ménil, du 7 ème Houzards », voyant l’intérêt du grand chef pour ce soldat bien tenu .
– Ménil, enchaîna Léopold, puisque tu n’es pas fatigué, viens donc en flanc-garde faire un tour avec moi. On se soutiendra avec ça, ajouta-t-il en montrant la gourde.
Il se mit en selle. Ménil, l’arme à deux mains, se plaça mécaniquement contre son étrier droit, et marche. Au-delà des feux du 7 ème c’était la nuit basque pleine de couteaux.
– J’aurais dû prendre une torche, dit le flanc-garde.
– Et servir de cible ? Plus c’est noir mieux ça vaut.
Les couteaux restaient cachés, mais on entendait des plaintes. Léopold dirigea son cheval vers elles, à l’oreille. « C’est ça qu’il cherchait, se dit Ménil. Et il cherche peut-être encore autre chose. Comme cible on ne fait pas mieux, avec toutes ses plumes ».
Un vent râpeux venait leur geler la peau sous le gros drap . Il sifflait depuis les hauteurs d’alentour, vaguement éclairées par la lune quand les nuages, courant trop vite, crevaient. Le temps que passe la déchirure, on voyait défiler des crêtes hérissées de rochers debout ( Ce sont eux qui sifflent, pensa Léopold avant de se secouer et même de se taper sur les manches comme pour réveiller un délirant). Depuis ces railleurs de granit, des pierrailles s’éboulaient sans fin, entrecroisées, à peine aplanies en fond de vallée pour permettre aux armées de manœuvrer un peu.
Le vent avait apporté une plainte : il l’enleva tournoyante, on n’entendait plus rien. Léopold songea à revenir aux feux.
– Là, mon général, dit soudain Ménil en mettant la terre en joue.
– Tu vois quelque chose ?
– J’entends.
En effet, Léopold prêtant l’oreille perçut une sorte de râle, une ou deux syllabes faiblement mais rudement répétées. La lune passa une seconde sur un homme couché, tordu, enroulé dans un manteau en loques qui paraissait noir mais qui était rouge et gluant. Pas d’uniforme visible : juste un profil en lame aiguë, des pommettes africaines qui mangeaient toute la face.
– Tu le comprends ? fit Léopold.
– Oui. Il demande à boire.
– Ça va, dit le général en tendant la gourde.
Ménil, l’objet dans la main gauche (il n’avait pas lâché son fusil) regarda son chef de bas en haut, l’air stupéfait.
– Eh bien donne-lui, fit celui-ci impatienté.
Ménil mit le goulot entre les lèvres de l’homme qui lapa comme un chien.
Puis il cessa de boire.
Ménil reprit la gourde, se pencha pour voir s’il était mort. À ce moment un tonnerre lui cassa les oreilles, une flamme jaillit du manteau sanglant : l’homme avait tiré sur le cavalier. Le cheval se ramassa, hennit, encensa.
– Mon général ! hurla Ménil qui sauta sur ses pieds, pensant peut-être s’interposer entre Léopold et la prochaine balle, si c’était à deux coups.
– Je n’ai pas été touché, grogna l’officier en ramenant son alezan en ligne.
– Mais ce brigand !
– Est-ce qu’il a bu ?
– Oui.
– Alors, dit le général en faisant volter sa monture, achève-le.
Revisite de : À boire
Ceux qui font
Il écartait avec soin ses longues moustaches jaunes pour ne pas les tremper dans le Meursault : je le reconnus donc immédiatement.
– Bienvenue au Banquet, soldat Ménil ! lui dis-je. Mais depuis 1808 vous avez peut-être grimpé jusqu’aux galons de laine ? Ou aux étoiles, qui sait ?
Il grommela :
– Général, comme le père Hugo ? Rigolade. Moi c’est brigadier, et même rien du tout après 1815.
J’insistai. Ce « rien du tout » ne m’avançait guère pour la suite de l’histoire. Il finit par me dire, non sans rudesse, qu’il s’était retrouvé domestique pour ne pas crever de faim comme tous les anciens – ceux qui n’étaient pas assez gradés pour la demi-solde.
– Domestique de qui ? demandai-je. Aidez-moi, brigadier, je ne sais rien de vous depuis le coup de feu de Vitoria.
Il murmura d’une drôle de façon « le coup de feu » et parut soudain rêveur. Il souriait presque en me répondant :
– Domestique de qui ? de Claude Bonhomme – oui, vous dites Saint-Simon maintenant, et c’était bien une espèce de saint… Celui qui en dira du mal !
Il grinçait des dents sous ses terribles moustaches. Je me hâtai de le calmer : l’histoire devenait historique.
– Le comte de Saint-Simon ? dis-je. Je suis comme vous, je l’admire. Un grand homme.
Il tiqua au titre de noblesse, m’expliqua en deux mots que Monsieur Bonhomme avait flanqué sa comté à la poubelle. J’eus droit à un début de conférence sur l’égale dignité des citoyens.
– Mais parlons de vous ! dis-je. Vous êtes l’un de mes Personnages préférés. Bien, domestique, et après ?
– Ça va, soupira-t-il, le peuple vous vous en foutez, alors je me raconte encore un peu – surtout si vous me trouvez une bouteille du même, mon verre est vide.
Je fis le nécessaire avec empressement auprès d’un maître d’hôtel. Un claquement de langue et il continua.
Ce qu’il avait fait « après domestique » ? Encore domestique, mais chez un autre maître, le citoyen Chinon-Nazaire (le duc , pensai-je, sans lui en faire part bien entendu) ; puis, l’ambition venant, rapetasseur de souliers rue de l’Arbre-Sec, sur la cour, avec un petit logis sous les combles.
Le sourire attendri, de nouveau. Je pris bien garde de ne pas relancer, il se préparait à une confidence.
En effet :
– C’est là que j’ai recueilli Monsieur Bonhomme, dit-il. Il était à la rue, c’est tout. Il écrivait des livres, de vrais évangiles, et on ne les lui payait pas. Je l’ai nourri aussi. Je l’ai empêché de mourir.
– De faim ?
– Non, il voulait seulement se pendre. J’ai caché toutes mes cordes et même les lacets de mes clients. Je l’ai surveillé nuit et jour, sans dormir, voilà ce que j’ai fait. Il a fini par me dire : « Ménil, je te demande pardon. Je te vois tout pâle avec des poches sous les yeux. À partir d’aujourd’hui je ne me tue plus ». Il était comme ça.
Comme ça, c’est-à-dire un saint . Ménil se confesse à

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents