Le Cahier , livre ebook

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2012

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Répulsion, étrangeté, détestation... Ils sont noirs, les sentiments que porte Marine à l'encontre d'une mère adoptive jugée trop superficielle et lisse, quelque peu théâtrale dans sa maternité. Aussi, dès qu'elle peut mettre de la distance entre elles, Marine décolle-t-elle pour l'Irlande où plongeraient ses vraies racines. Le décès de son père adoptif, choyé et protégé, la contraindra néanmoins à revenir en France et à recôtoyer celle qu'elle hait tant et plus... Proximité qu'il faudra alors abolir de manière absolue, par quelque moyen que ce soit... Même le plus noir. La mère et la mort... L'amer et l'amour... Valse sombre et funeste entre ces pôles que ce roman-confession qui dit la relation destructrice de Marine à celle qui l'aura élevée et à celle qu'elle mettra au monde... Dans cette oeuvre vénéneuse qui nous fait tutoyer une narratrice criminelle, au style bercé par le désenchantement, A. San Vicente del Valle ose ainsi bousculer les images bienveillantes liées à la maternité et autopsie un désamour frappé par les remords et la culpabilité.
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Publié par

Date de parution

18 octobre 2012

Nombre de lectures

35

EAN13

9782748394047

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo












Le Cahier

Antonia San Vicente del Valle










Le Cahier






















Publibook
Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook :




http://www.publibook.com




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IDDN.FR.010.0117709.000.R.P.2012.030.31500




Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2012



Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://antonia-san-vicente-del-valle.publibook.com



Quand les Dieux veulent nous punir,
Ils exaucent nos prières.
Oscar Wilde







La nuit tombe sur le gris d’une journée sans soleil. Une
pluie fine enveloppe toute chose d’une lueur blafarde,
quelques parapluies noirs s’avancent sur les trottoirs d’une
allure pressée.

Une femme, une valise à la main, traverse la chaussée
et se dirige vers moi. Elle n’a pas de parapluie, ni
d’imperméable, ses cheveux défaits tombent sur ses
épaules, la pluie a imprégné ses vêtements. À travers la vitre de
l’hôtel, je la regarde, courbée, misérable. Je ne sais
pourquoi une angoisse m’envahit, cette femme dégage du noir,
du lugubre. Alors que certains explosent sous la pression
de leur optimisme, de leur joie intérieure, l’inconnue
répand autour d’elle un halo de ténèbres. Je frissonne. Je ne
peux détacher mes regards de cette femme accablée. Un
pressentiment m’étreint. Un malheur est en marche.
Encore une de mes idées folles !

Je m’efforce de fixer mon attention ailleurs. Une
fenêtre s’éclaire dans l’immeuble en face. Un enfant court pour
se mettre à l’abri. Non, rien ne peut me détourner de cette
femme qui avance maintenant vers cet hôtel que je dirige,
indifférente à la pluie, indifférente à tout semble-t-il. Je
fixe la porte espérant, contre toute attente, que la femme
en gris va ignorer cette porte et qu’elle va finalement
disparaître dans la nuit, me laissant seulement du vague à
l’âme.

11 Je compte un, deux, trois, jusqu’à vingt. Je pousse un
soupir de soulagement. Non, la porte est restée fermée. À
ce moment précis, elle s’ouvre très, très doucement et la
femme en gris apparaît. Elle s’arrête à l’entrée, regarde
autour d’elle lentement, se retournant pour tout voir,
s’arrêtant à chaque détail. Elle hoche la tête et doucement
s’avance vers moi, qui la regarde derrière le comptoir
audessus duquel figure le mot « réception » en lettres dorées,
au-dessous, un panneau supportant les clefs des chambres.

Ses yeux glissent sur moi, sans me voir. Elle veut une
chambre pour deux ou trois nuits. Je place devant elle une
fiche qu’elle doit remplir. Elle la prend, ses mains sont
mouillées, elle me dit qu’elle me la remettra demain.
J’acquiesce. Je détache une clef, c’est la clef de la
chambre trente-cinq au troisième étage. La valise est là, à ses
pieds, je la soulève, elle est légère. Ensemble, nous nous
dirigeons vers l’ascenseur. Elle exhale une odeur âcre et
humide. L’ascenseur s’arrête au troisième étage, je la
précède jusqu’au numéro trente-cinq, j’ouvre la porte de la
chambre, elle entre, je laisse sa valise à l’entrée. Aucune
parole échangée, son visage est figé sur ses yeux éteints.

Doucement, son regard remonte de sa valise à ses
mains, puis se pose sur moi, sur mon visage, cherche mes
yeux, j’ai l’impression d’un faisceau lumineux qui se
déplace, cherchant un indice. Elle me regarde fixement,
l’espace de quelques secondes qui me paraissent une
éternité. Une lueur vite éteinte a traversé ses prunelles ; les
paupières retombent sur ce fugitif éclat, sur cette lueur de
vie. D’un geste brusque, elle se détourne, fixe la fenêtre et
la pluie qui continue de tomber, je lui demande si elle
désire être réveillée le lendemain matin.

Non. Ce qu’elle aimerait, c’est avoir une bouteille de
whisky et un sandwich, est-ce possible ? Je lui apporte une
12 bouteille de John Walker, un jambon beurre et lui souhaite
une bonne nuit. Elle me répond d’un vague hochement de
tête. Je redescends à la réception, mal à l’aise, je ne peux
me défaire de l’idée que le malheur est entré avec elle, que
sa présence va perturber mon quotidien.

La nuit s’est écoulée sans autre incident.

L’hôtel commence une nouvelle journée.
13


Les nuages se sont dispersés et le soleil fait une
apparition encore timide, les arbres et les toits sont luisants de la
pluie de la nuit. Je me demande qui est cette femme qui
tire derrière elle sa vie, pareille à un animal mort. Va-t-elle
quitter sa chambre ce matin ou y séjourner une nuit
encore ? Hier, elle m’a affirmé ne pas savoir. Décidément, je
ne peux penser à autre chose. Un nébuleux souvenir essaie
de remonter à ma mémoire. À qui, à quoi me fait-elle
penser ? Je ne saurais dire et, cependant, il me semble que
surgissent des impressions, des fantômes d’images
familières et effrayantes, tout à la fois. Je suis envahi d’un
malaise inexpliqué. Mon esprit est hanté d’images de
vêtements noirs, de voiles de deuil, de tombes ouvertes dans
un lieu lugubre, par un matin gris, pluvieux et froid. Je
n’arrive pas à stabiliser ces images qui défilent dans ma
tête, ni à leur donner une apparence acceptable.

Les bruits familiers s’installent petit à petit. Les
femmes de ménage vaquent à leurs occupations avec
discrétion et efficacité. La porte s’ouvre sur de nouveaux
clients. D’autres déjà prêts, se dirigent vers la salle où sont
servis, si on le désire, des petits-déjeuners. Des paroles
s’entrecroisent, des remarques sur le temps, sur les
monuments dignes d’être visités en ville, mais aussi dans la
région. On échange des cartes de visite. Habituellement, je
trouve tout ce mouvement, ces papotages agréables et je
me mêle volontiers aux conversations pour conseiller tels
ou tels endroits dignes d’être vus. À l’occasion, je raconte
l’historique de certains lieux. Les touristes sont heureux et
m’en savent gré.

Mais aujourd’hui, je reste derrière le comptoir de la
réception, l’oreille aux aguets, dans l’attente de je ne sais
quoi. Rien, rien ne se passe. Je me dis que je suis en train
14 de devenir paranoïaque. J’essaie de penser à autre chose.
Ah, voici le courrier. Je le pose à côté du téléphone, je n’ai
pas envie de l’ouvrir. Ca ne presse pas, on verra plus tard.
Mes yeux vont à la pendule de l’entrée : dix heures ! Déjà
dix heures. Je n’ai pas vu la femme en gris dans la salle
des petits-déjeuners. Peut-être va-t-elle commander son
déjeuner dans sa chambre. J’appelle le service. Non, la
femme en gris n’a pas réclamé un petit-déjeuner. Dans une
demi-heure, le service va s’arrêter. Que peut-elle faire ?

Je regarde à nouveau la pendule de l’entrée : onze
heures ! Les clefs des chambres occupées sont maintenant

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