Le Feldwebel caramel , livre ebook

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« Le sommeil tardait à me détacher de l'inquiétude qui me tenaillait le ventre. Je ne disais rien mais j'étais aux aguets de la moindre anomalie sonore des éléments qui se déchaînaient par à-coups à l'extérieur. J'avais bien raison de tendre l'oreille. Depuis quelques minutes un autre grondement provenant de loin semblait s'amplifier de plus en plus comme celui d'un fauve qui se rapprochait. Mon père qui sommeillait lui aussi s'adressa à ma mère qui venait de se lever soudainement. — Ce sont les escadrilles de forteresses volantes anglaises. Des bombardiers qui vont ou reviennent de bombarder l'Italie. » Soixante-dix ans plus tard, le vieux Gérard se remémore les quatre années de son enfance pendant l'Occupation allemande. Il a cinq ans à peine lorsqu'il subit de part et d'autre du portillon du jardin de sa maison les événements qui vont faire basculer sa vie : sa famille recherchée par la Gestapo est menacée en permanence... Après les aventures de cape et d'épée, le dernier récit de Bernard Marché nous entraîne cette fois dans le sillage de ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale. D'une plume alerte, pudique, parfois émouvante, il retrace son parcours angoissant. Le choix des mots, l'enchaînement des situations dans un cadre anxiogène trahissent la douceur des sentiments enfouis sous la chape de plomb des circonstances. De quoi satisfaire les amateurs les plus exigeants de romans authentiques...

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Date de parution

18 mars 2016

Nombre de lectures

1

EAN13

9782342049725

Langue

Français

Le Feldwebel caramel
Bernard Marché
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Feldwebel caramel
 
 
 
 
Préface
 
 
 
Soixante-dix ans plus tard, le vieux Gérard se souvient des quatre années de son enfance pendant l’Occupation allemande.
Il a 5 ans à peine lorsqu’il subit de part et d’autre du portillon du jardin de sa maison les événements qui vont faire basculer sa vie. Sa famille recherchée par la Gestapo est menacée en permanence.
Après la Libération, il partage l’inquiétude de ses parents malchanceux. Quand ses forces l’abandonnent ou dans les situations angoissantes, son ventre se noue. Heureusement pour lui, il a toujours une petite place pour les bons caramels. Hans Steinberger, le feldwebel de la Kommandantur, lui avait fait connaître cette gourmandise jusqu’au 15 juillet 1942, quand le jeune garçon quitta précipitamment de nuit sa ville natale.
 
 
 
Chapitre I. La tarte sablée et le caramel
 
 
 
Ce mois de juillet 2010 avait commencé par une canicule difficilement supportable, identique à celle de l’été 2003. Personne ne l’avait prévue, même les plus avisés en matière de météo comme les voisins de Gérard dont c’est le sujet de conversation favori. Ces braves gens avaient déclaré pendant tout le printemps aux quatre coins de leur jardin, que nous aurions un été pourri comme le précédent, deux jours de beau temps, un jour moyen et un quatrième de mauvais temps avec de la pluie et du vent. Gérard en tenue de jardinier, chapeau de toile militaire sur la tête et sabots de caoutchouc aux pieds, les avait écoutés poliment. S’appuyant de toute sa taille et de tout son embonpoint sur le manche de la pelle, on l’aurait cru attentif mais son esprit vagabondait ailleurs.
Il ne pouvait pas s’empêcher de songer à son passé. C’était une habitude systématique, un besoin bienfaisant qui lui était nécessaire pour déverser son trop-plein d’énergie, pour calmer ses regrets et ses chagrins. Curieusement, ce retraité de l’administration ne pensait à son enfance que lorsqu’il ratissait les allées désherbées ou la pelouse fraîchement tondue de son jardin de la banlieue de Bordeaux. Trop nerveux, distrait et sans imagination, il avait horreur du bricolage. En revanche, avec un marteau ou une pelle entre les mains, il se défoulait sans réfléchir jusqu’à tremper sa chemise en enfonçant les tuteurs des tomates ou en creusant des trous pour y planter des arbustes. Bref, ses activités de plein air étaient très salutaires pour son équilibre. Il intriguait également son entourage lorsqu’il semblait accroché à un outil de jardinage. Absorbé par une profonde réflexion, il nettoyait le sol avec application afin de refaire une beauté à son environnement. En quelques secondes, tout son être s’envolait très loin vers des lieux et des souvenirs restés intacts dans sa mémoire.
Une fois de plus, le râteau rentra en action pour rassembler les plantes victimes de la pioche dévastatrice. Gérard transpirait comme d’habitude. Attentif à son travail, il avançait lentement en pivotant sur lui-même en arcs de cercle successifs, une fois à droite, une fois à gauche, pour ne rien oublier des herbes récalcitrantes. Cela lui permettait surtout, au début de l’ouvrage, de jeter un coup d’œil circulaire permanent à son épouse Caroline-Marie allongée sur un fauteuil de jardin sous la voûte épaisse du catalpa. Depuis l’opération chirurgicale qu’elle venait de subir trois semaines auparavant, elle sortait pour la première fois dans le jardin. Son état de faiblesse et l’action des antidouleurs ne lui permettaient pas de se tenir longtemps debout. Gérard avait installé la petite table pliante près d’elle avec une boisson fraîche, une pâtisserie à portée de la main et quelques caramels. En cette fin de matinée, l’épais feuillage de l’arbre gardait un peu de fraîcheur nocturne. C’était très agréable et Caroline-Marie ne craignait pas d’être importunée ou piquée par les insectes volants. Roro le chat et Doggy le chien, les deux gardiens de la maison, veillaient à éliminer d’un coup de dent ou de griffe tous les indésirables identifiés ou non. Ces deux-là étaient les enfants de la maison. Ils étaient traités comme tels à part la scolarité et encore. Comme dit le voisin d’en face à propos de sa nouvelle petite chienne : « Cela vaut mieux que de parler aux murs ! ».
Gérard se retourna pour examiner le résultat des premiers mètres de ratissage. Une mince couche de sable fin recouvrait le falun. Le demi-tour sur lui-même se transforma en un retour éclair vers sa lointaine jeunesse. Son passé venait de resurgir une fois de plus en ouvrant la parenthèse. Le jardinier bascula avec délice et appréhension dans les premiers souvenirs gravés dans sa tête.
En ce début d’été 1942, la charmante sous-préfecture de l’ouest de la France se blottissait craintivement entre sa forêt et sa rivière. Fombourg n’avait pas encore cicatrisé ses plaies dues aux bombardements, ni oublié les vaillants fantassins tombés au champ d’honneur lors de l’offensive allemande. La quiétude de cette attrayante localité et le soleil estival adoucissaient un peu la vie de la population qui subissait les privations sans se plaindre. L’Occupation était très présente. Elle se déplaçait insolemment un peu partout dans la ville comme un iceberg au milieu de l’océan. Hélas ! La partie immergée déployait ses desseins tentaculaires qui préparaient de funestes lendemains pour les futures victimes du régime national-socialiste et ses alliés de Vichy. Comme partout dans ces moments-là, il fallait être débrouillard pour s’en sortir tant bien que mal. Les combines ou les filières louches se mettaient en place et prospéraient malheureusement au détriment des plus démunis. Le petit Gérard allait sur ses 4 ans et demi, Étienne, son frère cadet, allait bientôt fêter ses 2 ans. Leurs parents les chérissaient particulièrement. Leur amour pour leurs deux garçons atténuait le chagrin d’avoir perdu récemment leur fille aînée. Gérard, garçon éveillé, s’impliquait bien trop souvent malgré son jeune âge dans les affaires des grandes personnes. Ainsi, pendant que sa mère faisait la causette avec madame Hénaud sa voisine de l’avenue des marronniers, ce jeune garçon ne se mêlait pas de leur conversation mais il s’affairait à préparer une tarte pour le goûter ou pour le dessert du soir. Accroupi à quelques mètres des deux femmes, il avait soigneusement rassemblé le sable fin du trottoir en une fontaine circulaire comme il l’avait vu faire à son père avec la farine sur la table de la cuisine, les dimanches de tarte aux pommes. Ses petites mains allaient et venaient silencieusement devant lui, entassant cette farine ocre dont il éliminait les grumeaux de silex. Plongé dans son ouvrage délicat, il ne percevait que le murmure rassurant des deux femmes qui s’apitoyaient sur les difficultés à vivre sous la botte de l’Occupant. La fontaine de farine minérale ne devait pas convenir à l’apprenti pâtissier qui en tapotait le tour de sa petite main gauche pour en parfaire la forme. Il termina son œuvre par une caresse de satisfaction et l’admira encore quelques instants. La recette demandait réflexion et dextérité. Gérard prit un des œufs du panier d’osier que madame Hénaud avait négligemment posé à terre et le cassa avec précision sur le rebord de fer arrondi du trottoir qui surplombait le caniveau. Il ne s’arrêta qu’au quatrième œuf de la douzaine achetée à prix fort à la mère Gaillard, la porteuse de lait ambulante du quartier des Fleurs. Les mains du petit plongèrent dans le creux de la fontaine et commencèrent à pétrir le mélange jaunâtre et gluant. La pâte à tarte s’épaississait et Gérard clôtura par un soupir de satisfaction l’étalement parfaitement réussi à petits coups de poing. Manquait la parure du gâteau. Il choisit les plus lisses des graviers qui traînaient çà et là et les étala sur la pâte avec délicatesse. Le dessert était prêt mais l’enfant fronça subitement les sourcils.
— Merde, j’ai encore oublié la cannelle ! s’exclama-t-il à haute voix.
La suite se déroula très vite. Les deux voisines se retournèrent dans le même temps. Leurs yeux s’agrandirent de surprise et d’incrédulité. Leurs bouches s’ouvrirent mais aucune parole ni aucun son n’en sortit. Le pâtissier en herbe se retrouva empoigné par la taille et porté jusqu’au perron de la maison par sa mère pendant que madame Hénaud comptait amèrement les œufs restant dans le panier d’osier. Cette vieille dame, ancienne directrice d’école communale, était dépitée, comme la poule aux œufs d’or spoliée de son trésor.
 
Puis vint le temps des décisions de part et d’autre du portillon et de la clôture de mitoyenneté. Gérard dut présenter ses excuses à la voisine et lui demander pardon. Sa mère lui recommanda de n’utiliser dorénavant que ses jouets et son cheval de bois à bascule pour s’amuser. Cette mesure n’était ni une punition ni une récompense pour ce fils de cavalier. À tout prendre, il préférait faire des tartes. Y avait-il une relation avec le fait que son père avait fait un apprentissage de pâtissier chez « Dalaire », place Gambetta à Fombourg avant de s’engager au 17 e régiment de hussards ?
Très certainement ! Il avait simplement observé et tenté de copier son papa gâteau qui exerçait ses talents chaque dimanche ou à l’occasion des fêtes pour le régal de la famille ou des invités. Il pouvait alors satisfaire sa curiosité en regardant son père pétrir de sa seule main valide après sa blessure de guerre. Ensuite viendrait le temps de savou

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