Le jean et la soie
272 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le jean et la soie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
272 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

On s'attache à un jean, on l'use jusqu'au bout, jusqu'à la trame. Un jean c'est robuste, fiable et, en dépit d'une certaine rusticité, confortable. Et puis, rien n'interdit la soie entre lui et sa peau. La soie c'est délicieux, voluptueux, raffiné, quoique fragile. La rugosité du quotidien blesse assez peu la vie quand la soie du rêve la caresse...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 août 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332966254
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright

Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-96623-0

© Edilivre, 2015
Mozart et… la térébenthine !
Elle est agenouillée devant une improbable commode qui n’en a que le nom et à qui elle tente de redonner une seconde vie. En dépit de la relative fraîcheur prodiguée par l’ombre du patio sur lequel donne son atelier, la chaleur méditerranéenne de cet après-midi de juillet est écrasante et de petits cheveux blonds, échappés d’un chignon élaboré à la va-vite et retenu par un crayon, sont collés sur sa nuque perlée de transpiration. Une mèche longue qu’elle ramène machinalement derrière l’oreille s’obstine à revenir lui balayer la joue. Elle est vêtue d’un tee-shirt blanc enfoui sous une salopette en jean assez informe. Une forte odeur de térébenthine imprègne le lieu. Des dizaines de petits pots de nuances pastel sont ouverts sur une table carrée, en pitchpin, dont le bois est déchiré en son milieu. Elle l’a recueillie dans son antre, peut-être émue par la déchirure, même si elle témoigne simplement d’un brutal écart d’hygrométrie entre le grenier dont elle a été extirpée et l’atelier où elle se trouve maintenant.
Il contemple ce tableau digne des plus belles aquarelles de Bénédicte Frisbey. Sans doute, si un rai de lumière les débusquait, découvrirait-il quelque toile d’araignée vibrant sur l’andantino du concerto pour flûte et harpe de Mozart, l’harmonie de l’instant parfait. Il l’observe immobile, indécelable dans la pénombre et sent monter en lui un désir violent, licencieux, de bousculer cet instant paisible, de l’extraire de ce décors où elle existe sans lui, où elle est heureuse sans lui, avec Mozart et la térébenthine ! Lui qui déteste cette odeur a soudain l’impression qu’elle agit sur lui comme un puissant aphrodisiaque.
Il s’approche doucement derrière elle qui ne l’entend pas – Dieu sait à quoi elle rêve –, se baisse vers cette nuque moite et courbée comme une liane, l’effleure de ses lèvres, doucement, bloque l’imperceptible sursaut qu’elle a esquissé, une fraction de seconde avant de reconnaître son parfum et la douceur de ses lèvres. Maintenue si fort contre lui, étourdie par cet obsédant va-et-vient de ses lèvres sur sa nuque à la limite du supportable, juste alternée avec la pression plus impérieuse et moins attendue de ses dents. Lorsqu’il sent que sa résistance est vaincue, il la relève doucement, la reprend un instant dans ses bras le temps de planter un regard dont le désir assombrit l’éclat et la transparence dans le sien, saphir de Ceylan. Bénissant cette salopette trop grande qui la défend si peu et dont il fait habilement sauter les bretelles, il la soulève pour mieux se fondre dans son corps, dans cette chaleur dont il n’a cessé de rêver jusqu’à l’obsession depuis qu’il est entré et l’a surprise, dans une autre vie, loin de lui.
Encore fondus l’un dans l’autre, reprenant leur souffle, ils prolongent quelques instants ce cadeau de l’après-midi. Même Mozart s’est tu et seul le ressac de la mer rythme le battement fou de leurs cœurs. Il accompagne doucement sa descente, l’écarte un peu de lui pour chercher à nouveau son regard qui peu à peu perd ce flou que le plaisir lui a donné et revient sur lui. Des mèches blondes sont collées maintenant sur son front. Il remonte sa salopette le long de son corps, toujours étonné qu’une peau si fine, si délicate, puisse goûter le contact d’une matière aussi grossière… Elle se laisse faire, n’esquisse pas un geste pour l’aider à se rajuster. Elle l’observe, amusée, effacer méticuleusement toute trace de la tempête qui vient de mettre du désordre dans sa tenue notoirement impeccable.
La petite église…
Je suis assise dans cette petite église de mon village, si belle, si claire. Un seul des deux battants était ouvert, clin d’œil amical à mon cœur un peu lourd et je suis entrée. Perturbée, songeuse, j’ai déposé mon fardeau.
Je ne cherche plus Dieu dans une église, ce que j’ai fait longtemps en vain, avant de comprendre que lui aussi trouvait sans doute ce lieu trop compassé pour le message simple et affectueux qu’il avait à transmettre. Je le rencontre parfois, lorsque je reviens en moi, fatiguée du bruit ambiant. Il m’attend, paisible, pour une conversation amicale. Malgré tout, j’aime tout particulièrement l’atmosphère dépourvue de solennité de celle-ci. Rien d’ostentatoire. C’est un peu comme si je m’arrêtais prendre le thé chez un ami, juste pour faire le point, échanger nos ressentis, sauf qu’il n’y a pas de thé.
Après tous ces mois de calme, d’apaisement, de sensualité étale voire à marée basse, à nouveau cet élan, ce magma refroidi qui bouge et quelque chose se remet en marche. Comment ? D’où est-ce venu ? Quelques mots d’une chanson, une intonation plus tendre, oubliée, et le désir est là. Violent. Intact. J’ai 57 ans et comme dit Foresti : « je ne suis pas fatiguée, je suis vieille et je t’emmerde ! ». J’ai vraiment cru que c’était terminé mais pourquoi encore ces images d’un autre temps, ces images d’avant mon cataclysme, mon explosion interne. Avant cette débâcle qui a englouti les rêves lumineux d’une petite fille.
Une voix douce, intérieure, toujours là, toujours apaisante me souffle : « parce que ces images datent d’avant justement, avant la contrainte, avant l’humiliation, la détresse. Avant la tâche, la salissure, le crachat, avant la résignation, le contrôle, avant… Et ta sensualité n’a vraiment existé qu’à ce moment-là, avant d’être foudroyée, réduite à néant, foulée aux pieds ».
Le cygne…
Une toute jeune fille est assise sur un siège de fortune. Son long tutu rose poudré retombe gracieusement autour d’elle, ployée sur sa jambe gauche allongée sur un tabouret. Elle masse sa cheville douloureuse avec un puissant anti-inflammatoire. La porte de la caravane s’ouvre doucement sur le directeur de ballet, inquiet.
– Ça va aller, Élisa ?
– Oui, ça devrait !
– Repose-toi, tu as une demi-heure avant de reprendre. Je suis désolé, je n’ai personne pour te remplacer.
– Ça va aller.
Il ressort de la caravane en refermant la porte doucement derrière lui. Elle a mal mais n’imagine pas faire défection. Elle espère seulement que sa cheville va tenir le temps de terminer sa prestation.
La porte s’ouvre à nouveau mais cette fois sous une pression brutale, livrant passage à… la tête d’affiche, manifestement contrariée, du concert dont le ballet d’Élisa assure la première partie. Il ne l’a pas vue dans le renfoncement du petit salon et commence à se dévêtir. Elle tousse, gênée, pour manifester sa présence. Il sursaute violemment, se retourne et voit… un cygne au long cou penché sur une patte visiblement abîmée !
– Mais qu’est-ce que vous faites là ?
– Excusez-moi, je me suis blessée à la cheville et on m’a conduite dans cette loge pour la reposer.
– De mieux en mieux ! Ce n’est pas suffisant de se préparer dans un placard à balais, il faut en plus le partager !
Voyant que sa présence l’agace, elle récupère sa jambe et tente de se lever. Il l’arrête d’un geste :
– C’est bon, vous pouvez rester ! Votre cheville est sacrément enflée. Personne ne peut vous reconduire chez vous ?
– Je n’ai pas terminé. Je participe au final.
– Parce que vous comptez danser avec une cheville dans cet état ?
– C’est déjà beaucoup moins douloureux…
– Vous voulez rester estropiée pour la vie ?
Et la balayant sans vergogne d’un regard connaisseur :
– Ce serait dommage !
Elle rougit sous ce regard qui achève de la déshabiller et ne répond pas. Il finit de se préparer rapidement et au moment de sortir, lui demande doucement :
– Comment vous appelez-vous ?
– Élisa et vous ?
Il rit et beau joueur répond :
– Paul. Bonsoir Élisa et… bon courage !
– Merci.
Elle reste un peu déconcertée par ce jeune homme nerveux, agité, capable de passer aussi rapidement d’un agacement parfaitement discourtois à une douceur presque câline.
La foudre
Petite fille de douze ans sous un chapiteau bondé, suffocant, bruyant, éblouissant.
Ma sœur m’a entraînée à ce concert. Je me suis laissé faire. Moi si calme, si secrète, si rêveuse, si… loin du bruit des autres. J’aime les demi-teintes, le clair-obscur, les petits coins intimes. Plus petite, j’aimais me glisser sous la table quand elle était recouverte d’une grande nappe, un cocon.
La lumière d’abord, violente, le rayon incandescent qui vient me chercher, minuscule, debout, cramponnée au montant du chapiteau pour ne pas tomber, être engloutie, anéantie. Les premières mesures d’un rythme effréné et soudain il est là, ses cheveux blonds éclaboussés de lumière, dans cet enfer de bruit plus que de musique, un mélange de fragilité et d’autorité et ce désespoir que j’entends, que je comprends, qui me parle au cœur et au corps. Une énergie inhumaine, un tourbillon étourdissant, affolant.
Mon corps se réveille, petit papillon timide qui déploie des ailes froissées mais avides de chaleur, de lumière et se met à trembler, à vibrer. Le corps tendu comme un arc, la vibration devient intolérable. Un monde de sensations et d’émotions s’est ouvert et la volupté, c’est cet arc tendu entre lui et moi, à la limite de la rupture, cette prise de pouvoir instantanée et irréversible dans la moiteur d’un chapiteau, saturé de sons et de lumière.
Le retour du cygne…
Paul examine les portraits de mannequins qu’on vient de lui soumettre en vue d’une séance photos destinées à paraître dans un magazine pour adolescents. L’une d’elles retient son attention. Il s’y attarde longuement et finit par tendre la photo à la directrice d’agence. Rendez-vous est pris.
Quelques jours plus tard, les spots sont prêts. Élisa attend patiemment, discutant avec le photographe manifestement agacé par un retard coutumier qu’il assimile à un ostensible mépris pour son travail

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents