Le Médecin de l impasse
256 pages
Français

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Le Médecin de l'impasse , livre ebook

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Description

En 1962, François, 16 ans, bouleversé par la mort de Flora, sa jeune fiancée, s'enfuit de la maison du fond de l'impasse, dans la banlieue parisienne, où il est né et a vécu avec ses grands-parents. Vingt ans plus tard, devenu médecin au Canada, il rentre en France, quelques mois avant l'élection présidentielle de mai 1981, et installe son cabinet dans cette maison. Pendant ces vingt ans, la population de l'impasse s'est complètement renouvelée, avec l'arrivée, notamment, de l'immigration maghrébine. Avec ses patients, François fait des rencontres qui vont changer le cours de sa vie. Il y a notamment Thiyya, la belle jeune femme berbère dont il tombe amoureux, qu'il va courtiser jusqu'à Essaouira ; Victorine, une vieille femme dont le cancer est en phase terminale, qui lui demande d'abréger ses souffrances ; Patrick, le jeune drogué atteint du SIDA, à l'époque où il n'existe aucun traitement contre cette terrible maladie ; Marielle, la brillante avocate, qui va le défendre avec passion devant la cour d'assises où le médecin se trouve mis en accusation... Après Impasse Valmy (2013) qui abordait notamment les drames de la guerre d'Algérie et de l'avortement clandestin vécus par François, adolescent dans la France des années soixante, Jean-Pierre Hoss brosse cette fois, à travers l'histoire de François devenu médecin, une fresque de la vie en banlieue dans les années quatre-vingt, et évoque certaines questions aujourd'hui encore en pleine actualité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342156362
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Médecin de l'impasse
Jean-Pierre Hoss
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Médecin de l'impasse
 
I
L’Île-de-France était enveloppée d’une épaisse couche de brouillard lorsque l’Airbus de François amorça sa descente vers l’aéroport Charles-de Gaulle.
Cela faisait presque vingt ans qu’il était parti. Qu’il avait quitté son pays, sa famille, ses amis.
Quitté la maison au fond de l’impasse, dans cette banlieue parisienne où il était né, où il avait grandi.
« Quitté », à vrai dire, le mot est faible : il les avait fuis.
Fui ce cul-de-sac, ce bout du monde de centre-ville où il avait fourvoyé sa vie. Où celle qu’il avait aimée, son premier amour, Flora, la petite italienne du début de l’impasse, était morte. Morte parce qu’ils étaient incapables d’élever l’enfant qu’il lui avait fait, l’année de leurs seize ans. Morte parce que l’avortement était interdit, à cette époque-là, et que la faiseuse d’anges était incompétente.
Il avait voulu repartir à zéro. Effacer l’ardoise. Faire comme si le passé n’avait pas existé. Fuir le cadre et les témoins de son malheur, pour tenter d’oublier le souvenir du drame en éloignant ceux qui le font vivre.
Trois jours après la mort de celle qu’il aimait, avant le lever du jour, il s’était enfui de la grande maison du fond, où il vivait avec ses grands-parents.
Il avait rejoint Le Havre et s’était engagé comme mousse sur un paquebot en partance pour le Canada.
À Montréal, pour subvenir à ses besoins, il avait trouvé un emploi de commis aux expéditions dans une société d’import-export. En suivant des cours du soir, il avait, en deux années, passé son baccalauréat, puis s’était inscrit en médecine à l’Université de Montréal.
Dix ans plus tard, il avait obtenu son diplôme de médecine générale et été nommé à l’hôpital Saint-Luc.
C’est dans cette ville qu’il avait vécu près de vingt années.
Jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre d’un notaire d’Argenteuil, là où se trouvait l’impasse, dans la banlieue ouest de Paris.
« Monsieur, écrivait l’officier ministériel,
J’ai le regret de vous informer, si vous ne l’avez déjà appris, que votre grand-mère, madame Marie Neuville, est décédée.
Vous êtes l’unique héritier de son patrimoine, qui comprend, pour l’essentiel, la maison sise 25, Impasse Valmy à Argenteuil.
Afin de régler les détails de sa succession, il est nécessaire que vous vous présentiez à mon étude dans les meilleurs délais… »
La nouvelle de la disparition de sa grand-mère lui avait causé un choc.
C’est elle, avec son grand-père sourd et malade, qui l’avait élevé, après la mort prématurée de ses parents, qu’il n’avait pas connus.
Cinq ans plus tôt, il avait appris trop tard le décès de son grand-père, et n’avait pu se rendre à ses obsèques.
Depuis sa fuite précipitée, François n’était pas retourné en France.
Le souvenir de la mort injuste de Flora et le sentiment d’échec qu’il avait ressenti alors, étaient trop forts pour qu’il puisse rentrer dans son pays, même pour quelques jours.
— Aller-simple Paris ou aller et retour Montréal ? avait demandé l’employée d’Air Canada.
— Aller et retour, avait-il répondu sans savoir vraiment ce qu’il voulait.
Son rendez-vous chez le notaire était fixé au surlendemain.
Il demanda au chauffeur de taxi de l’arrêter devant un hôtel près de la gare Saint-Lazare, d’où partaient les trains pour Argenteuil. Puis il entreprit de visiter Paris.
Il n’était guère sorti de sa banlieue, avant de quitter la France. Sa connaissance de la capitale se limitait aux rues autour de l’Hôtel de Ville et de la Bastille, quand, lycéen, il avait défilé contre l’OAS, et au souvenir, douloureux, dans le quartier de la Trinité, quand il avait accompagné Flora chez l’avorteuse.
Le Louvre et la Concorde, Notre-Dame et Montmartre, et même la tour Eiffel, il les avait vus davantage dans les cartes postales des bouquinistes de Montréal ou les livres d’art de la bibliothèque de l’Université qu’au cours de sa vie de banlieusard.
Un petit vent glacial balayait les rues de Paris en ce mois de février 1981.
François déambula des heures durant, souvent à contresens de cohortes de piétons pressés d’arriver au travail ou de rentrer chez eux, indifférents aux monuments centenaires qui jalonnaient leur parcours.
Pour se rendre chez le notaire, il prit un train très tôt, le lundi.
Les wagons étaient presque vides, à cette heure-là, dans le sens Paris-banlieue.
Asnières, Bois-Colombes, Colombes, Le Stade. Il regarda défiler le paysage comme on feuillette les pages d’un album souvenir. En vingt ans, de hautes barres d’immeubles sans style étaient venues s’intercaler entre les pavillons de meulière, composant une sorte de millefeuille de banlieue hétéroclite.
Le train amorça son freinage en abordant le pont sur la Seine. Un quart d’heure à peine après son départ de Paris, il s’immobilisa en gare d’Argenteuil.
L’étude du notaire se trouvait dans une petite rue donnant dans l’artère principale, avait indiqué la secrétaire. François avait interrompu ses explications, l’assurant qu’il connaissait les lieux.
En fait, il ne reconnut pas le centre-ville, et dut demander son chemin.
Le cœur de la cité s’était complètement transformé, une nouvelle avenue avait été percée au milieu des rues centenaires, devenant l’axe principal de la ville, bordé de commerces modernes et d’immeubles-tours.
Le notaire était un homme rondouillard au crâne dégarni, avec de petits yeux vifs cachés derrière d’épaisses lunettes, dont le discours était haché par les volutes de fumée qu’il tirait, l’air gourmand, d’un énorme cigare.
« Une brave femme, votre grand-mère, dit-il sobrement. « Rassurez-vous, elle est morte pendant son sommeil. Elle n’a pas souffert, ne s’est pas vue mourir d’après ce qu’on m’a dit. Une mort comme on en aimerait tous », ajouta-t-il, soudain secoué par une interminable quinte de toux, avant d’ouvrir le testament.
Manie – c’était le surnom de la grand-mère que François lui avait donné très tôt – lui léguait la maison du fond de l’impasse et le modeste pécule qu’elle avait accumulé.
« Je suis fière de toi, François », avait-elle écrit d’une main tremblante. Je n’ai été que l’infirmière sans diplôme de l’impasse. Toi, tu pourrais, si tu le veux, en devenir le médecin. J’aimerais bien que tu viennes t’installer ici. Pourquoi pas, sinon, en Normandie, le berceau de notre famille ? De toute façon, ton choix sera le bon. J’ai confiance en toi. »
Dans un post-scriptum, elle demandait à son petit-fils de veiller à ce que les volailles de son poulailler ne meurent pas de faim.
François eut de la peine à contenir son émotion en lisant ces lignes qui faisaient surgir en lui des flots d’images de son enfance. Il entendit à peine le notaire le saluant d’un pompeux « Au revoir cher Docteur » en le raccompagnant.
Il marcha une bonne demi-heure, retrouvant parfois au détour des rues, des images familières, s’étonnant à d’autres moments de la disparition de certains édifices ou de boutiques restés gravés dans sa mémoire.
Dans la rue qui montait vers le pont du chemin de fer, juste avant l’entrée de l’impasse, il reconnut l’établissement de bains-douches où sa grand-mère l’emmenait parfois, enfant, le dimanche matin. La façade était inchangée, avec son enseigne en lettres capitales noires plaquées sur le mur : « Les bains modernes ». Mais un sous-titre, en lettres bleues un peu plus petites avait été ajouté : « Hammam ». Sur le trottoir d’en face, la devanture de la petite épicerie italienne, dont l’odeur de parmesan rance lui donnait envie de vomir, lorsque, enfant, il y allait faire des courses, était barrée d’une affiche annonçant « Ici ouverture prochaine d’une boucherie halal ».
L’entrée de l’impasse était située juste après le pont de chemin de fer.
Lorsqu’il aperçut le panneau « Impasse Valmy », les battements de son cœur s’accélérèrent.
Ce qui le frappa dès l’abord, c’était la chaussée revêtue d’une couche de gravillons goudronnés, à la place du mâchefer gris et poussiéreux qu’il avait connu. Comme si l’impasse avait perdu un peu de son caractère singulier, pour se rapprocher des chaussées ordinaires de la ville.
L’un des premiers pavillons devant lequel il fallait passer, était celui des parents de sa jeune fiancée morte. François craignit de voir sortir soudain la mère de Flora, une Italienne au verbe haut, qui pointerait vers lui, vingt ans après, un index accusateur en le rendant responsable de la mort de sa fille et l’accuserait de s’être enfui lâchement juste après son décès. Instinctivement, il hâta l’allure.
Heureusement, la porte du pavillon resta close. Il retrouva un peu de calme pour poursuivre son chemin vers la maison du fond et passer en revue les souvenirs qui revenaient, à mesure que défilaient sous ses yeux les façades de meulière ou de crépi.
L’impasse était déserte en cette fin de matinée froide. La seule silhouette qu’il aperçut fut celle d’une femme avec un foulard sur la tête, qui secouait un tapis à la fenêtre du pavillon de l’ancienne école de danse où il avait esquissé ses premiers déhanchements de twist.
Sur le trottoir en face, à la place du verger dans lequel il allait grappiller des cerises en partant à l’école, s’élevait un pavillon cossu au style nouveau riche. Les autres façades avaient gardé leur apparence un peu sale, sauf deux ou trois dont le crépi avait été rafraîchi.
Il avait fait les deux tiers du chemin lorsque le silence fut rompu par une sorte de grondement saccadé derriè

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