Le Même sang
253 pages
Français

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Le Même sang , livre ebook

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Description

"Le passé était le passé. L’Europe était là, maintenant. Elle, elle avait définitivement tiré un trait. Pourquoi son père ne pouvait-il tourner la page? Pouvait-il au moins comprendre que cette quête monomaniaque n’intéressait pas sa fille? Qu’elle aurait préféré qu’il se tourne vers l’avenir? Qu’il se mette à écrire comme il en avait émis plusieurs fois le souhait?" Un roman passionnant dont le récit couvre trois générations, prenant sa source dans l’Allemagne nazie des années trente. Les histoires de Sara, traductrice française, de Jérémy, journaliste au L. A. Times, et de Hermann, fils d’un industriel allemand de l’entre-deux-guerres, sont toutes les trois relatées dans un style nerveux, précis, qui colle parfaitement à l’ambiance du roman. Une course suffocante, qui n’est pas sans rappeler d’autres ouvrages, comme Lignes de faille de Nancy Houston, véritable conversation inter générationelle contre le temps et l’Histoire, qui révélera de sombres secrets.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 décembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748372007
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Même sang
Frédéric Michelet
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Même sang
 
 
 
De tout temps, les hommes se sont sentis concernés par l’hérédité. Elle recèlerait leur nature profonde, à travers les caractères innés que leur ont transmis leurs parents. Elle conditionne aussi la part d’eux-mêmes qu’ils transmettent physiquement à leurs enfants.
Encyclopedia Universalis
 
 
 
La vie des morts consiste à survivre dans l’esprit des vivants
Marcus Tullius Cicero
 
 
 
1. Yalta
 
 
 
Hermann entendit des voix dans le couloir. Des ordres gutturaux. Des bruits de pas cadencés. Il se leva d’un bond. C’était sans doute pour eux. Enfin. Cette attente interminable allait cesser. Il épongea la sueur qui lui couvrait le front. Sortit le paquet froissé de sa poche et son briquet, alluma nerveusement une cigarette. Il inhala de longues bouffées. Il s’approcha du lit et s’empara des feuillets. Il relut consciencieusement la dernière mouture. Tout irait bien. Il fallait que tout aille bien. Qu’ils signent, bon dieu ! Qu’ils signent et ils pourraient enfin partir. Il devait retourner à Berlin, il devait les rejoindre au plus vite. Les sauver ! Les protéger de la tourmente ! Des coups secs furent frappés à la porte. Hermann écrasa le mégot dans le cendrier de verre translucide. Resserra sa cravate devant l’armoire à glace. Le mobilier était moche à pleurer. Comme tous ces meubles soviétiques. Ces chambres tristes et sordides. Ces immeubles neufs qui bordaient la route depuis l’aéroport. Seules les résidences du front de mer et le palais de Livadia dans lequel il résidait échappaient à cette norme. Il était loin de son pays. De sa maison ébranlée par les explosions où l’attendait Lili. Ici, il était à l’abri. Loin de la folie. De la guerre et des bombes. Des cadavres pendus à chaque coin de rue. Des charniers. Lili devait se terrer dans la cave pour échapper aux bombardements. Elle était peut-être déjà morte. Écrasée sous des mètres cube de béton. Serrant contre elle le cadavre de leur fils. Hermann se coiffa rageusement et pressa son camarade. Monsieur prenait son temps, comme toujours. Les deux hommes lissèrent une dernière fois le pli de leur veste. Tous deux n’avaient plus l’habitude de porter des costumes et des cravates. Hermann jeta un dernier coup d’œil dans le miroir et contempla son visage. Un homme de vingt-huit ans, aux cheveux sombres. Les traits déformés par l’appréhension et les responsabilités. Il se détourna. Ramassa l’épais dossier frappé d’un aigle souverain, ouvert sur son lit, et se dirigea vers la porte, tandis que les coups redoublaient. Son camarade, un jeune homme de vingt-quatre ans aux yeux clairs, blond comme les blés. Ouvrit vigoureusement le tiroir de la table de nuit et y prit un revolver.
— Klaus ! Laisse ce pistolet ici, prévint Hermann. Tu ne feras pas dix pas avec tous ces gardes qui surveillent ce palais. Pose-le. Tu ne devais pas venir ici avec une arme. C’était formellement interdit.
—  Mein Gott , ces pourparlers sont interminables. Je voudrais être en train de me battre à Berlin, rugit le blond.
— Nous sommes ici pour négocier, trancha Hermann. Négocier ! Échanger ! Tu entends ? Ton père a été clair, tu dois m’obéir et ne pas te faire remarquer.
— Ha ha ha, t’obéir ! Je suis ton supérieur hiérarchique. Tu devrais claquer des talons en t’adressant à un SS Hauptsturmführer …
— Cette mission n’est pas militaire. Le chef de la Chancellerie Bormann a été on ne peut plus clair. C’est moi le responsable des tractations économiques.
— Ah, si mein Vater l’a dit… Calme-toi, je plaisante, répondit narquoisement Klaus. C’est grâce à moi si tu es ici, Hermann. Des putains de vacances au bord de la mer.
— Nous ne sommes pas en permission. Ce rendez-vous est crucial pour l’avenir du Reich. Ton père a placé ses espoirs entre nos mains. Aujourd’hui, nous allons les faire signer et nous repartirons. Tu pourras te battre si tu veux, notre pays sombre dans le chaos. Tu pourras même mourir pour la patrie si ça te chante. Moi, j’ai une mission à accomplir et je l’exécuterai.
— Me prends pas pour un Dummkopf , je connais l’enjeu beaucoup mieux que tu ne pourrais l’imaginer, trancha le jeune homme.
Que voulait-il dire ? Hermann soutint son regard. Frappé une fois de plus par cette détermination glaciale et implacable. Klaus ricana et rangea l’arme dans son tiroir. Hermann ouvrit la porte et tomba nez à nez avec une escouade d’hommes en arme. Les deux Allemands sortirent. Encadrés par les soldats, ils suivirent le couloir, dans la direction du monumental escalier. À chaque palier et chaque corridor, des militaires aux aguets les arrêtaient et vérifiaient leur sauf-conduit et leurs papiers d’identité. Parvenus dans le hall de marbre, un sergent au regard soupçonneux, les somma d’attendre. Ils s’immobilisèrent entre deux palmiers dattiers émergeants de gigantesques pots. On entendait des mouettes criailler. L’odeur salée de la mer leur parvenait par intermittence. Le soleil dardait ses rayons. Déjà brûlant en cette fin de matinée de février. Hermann se prit à s’imaginer de l’autre côté de la route, sur la plage avec Lili et Toni, leur petit garçon de quatre ans. Loin de la neige et du gel. Loin du fracas des armes et de la guerre. Toni et Lili. Une fois de plus, il tremblait pour eux. S’il réchappait de cette guerre, il quitterait l’Allemagne. Loin de cette folie meurtrière. Loin de ces fauves sanguinaires et déments qui dirigeaient le pays.
Un bruit de moteur attira son attention. Par la large porte-fenêtre Hermann observa le manège des voitures. Un événement se préparait. Des généraux russes et alliés et de nombreuses personnalités se massaient devant le palais. Des photographes installaient leurs trépieds. Les soldats grouillaient maintenant comme dans une fourmilière. Il repéra des tireurs embusqués sur les bâtiments voisins. Le grand jeu !
Un capitaine encadré par deux policiers militaires, armes à la main, fit irruption dans le hall. Il claqua des talons, contrôla une nouvelle fois leurs papiers et les entraîna à l’extérieur.
— Dépêchez-vous, fit-il, nous ne pouvons pas rester là.
Hermann et Klaus lui emboîtèrent le pas. Klaus ne cessait de jeter des coups d’œil vers le groupe d’hommes qui s’assemblaient devant les photographes.
— Les chefs du monde libre, gouailla-t-il. Des pantins ! Des youtres !
— Tais-toi, ordonna sèchement Hermann. Tiens-toi tranquille ou rentre dans ta chambre.
— À vos ordres, ironisa Klaus.
Hermann contint son exaspération envers son compatriote et rattrapa le capitaine. Il tourna la tête vers les photographes entourés d’une nuée de militaires en armes. Devant eux, s’installèrent trois silhouettes dans des fauteuils. Le type en manteau nanti d’une moustache et d’une casquette étoilée, il le reconnut sans peine. Staline ! Le maudit ! Le traître ! Celui qui pilonnait Berlin et allait bientôt réduire la ville et le Reich en cendres. Tuer sa femme et son enfant ! Mais n’avait-il pas le droit de se venger, avec ce que le Reich avait infligé aux Russes, aux Ukrainiens et aux Biélorusses ? Le petit gros au cigare devait être l’anglais Churchill. Et le troisième, l’homme à lunettes, épuisé, au teint bilieux, le Président américain, Franklin Delano Roosevelt. Un démocrate. Un démagogue et ami des communistes. Ses subordonnés allaient-ils faire échouer leur projet ? Mais des opinions politiques empêchaient-elles de faire des affaires ? Certainement pas ! Une démocratie devait bien vivre, non ? Et puis cet homme avait été porté au pouvoir par des groupements d’intérêts, comme les autres ! Comme tous ! En tous les cas, ces groupements d’intérêts devaient être intéressés par leur proposition. C’est ce que pensait son supérieur Bormann. Et Bormann ne se trompait jamais. Il avait prédit avec certitude tous les événements qui s’étaient impitoyablement enchaînés. La guerre. Le rapprochement des alliés. Les réserves insoupçonnées des Russes. Leur farouche détermination. L’aveuglement du Führer. Sa folie. Et bientôt la chute du Reich.
Le capitaine leur intima l’ordre de presser le pas. Ils s’engagèrent sous un porche, gardé lui aussi par de nombreux militaires. Il les laissa aux mains d’un homme qui se présenta comme le Colonel Terensky. Celui-ci les précéda devant une lourde porte encadrée par quatre gardes en alerte, mitraillette au côté. L’officier ouvrit la porte et s’effaça. Hermann entra, Klaus sur les talons. Les six hommes qui siégeaient autour d’une massive table de chêne les dévisagèrent. Aucun d’entre eux ne fit signe de se lever. Le monde et le pouvoir étaient en train de changer de main. Martin Bormann avait eu raison une fois de plus. Un nuage de fumée planait sur la pièce. Une odeur acre de tabac exotique empuantissait l’air. Les deux Allemands prirent place. Hermann remarqua avec soulagement que les documents contenant leurs derniers pourparlers étaient étalés sur le sous-main du vice ministre de l’économie des États-Unis d’Amérique. Un homme d’affaires. Celui-ci lui adressa un léger hochement de tête. Le délégué anglais se contenta d’un regard froid et méprisant. Un officier à la poitrine parée de médailles ne daigna même pas lever la tête. Quelle nation représentait-il ? Il se contentait d’observer par la fenêtre les éclairs de magnésium qui illuminaient la pelouse. Un deuxième officier supérieur les observait, sourire aux lèvres. Un sourire calculateur. Carnassier. Dangereux.
— Nous ne signerons pas ! fit soudain l’A

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