Le Murmure des ruisseaux
434 pages
Français

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Le Murmure des ruisseaux , livre ebook

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Description

Du gardien de chèvre au photographe d'art devenu écrivain, Gérard Ronsheim relate des petites histoires vécues, de celles qui forment l'esprit et le caractère. Le premier temps, de la naissance à l'âge de 13 ans, vous transporte de l’innocence aux premiers émois d'un enfant de la dernière grande guerre. Père juif, mère protestante, élevé par des nourrices catholiques et instruit par des instituteurs déjà farouchement laïques, il découvre ses neuf frères et sœurs à 13 ans. Il commence alors un nouveau parcours.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414104031
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-10401-7

© Edilivre, 2017
Ce que l’on apprend de la vie ne vient pas des livres. Ceux-ci ne sont que des aide-mémoire déformés au bon plaisir de leurs auteurs.
La vie s’invente en parcourant les chemins que les hommes qui nous ont précédés ont tracés et au bord desquels, ils ont laissé des signes qu’il faut que chacun d’entre nous reconnaisse afin de les adapter à leur façon de penser et d’agir.
Certains ne voient jamais ces nombreuses marques. Elles jalonnent pourtant le parcours de leur existence. Ainsi, Ils disparaissent, aussi isolés qu’ils ont vécus. D’autres par contre, dont il me semble avoir fait partie sur le tard, ont remarqué un jour quelques pousses nouvelles et comme elles ne demandaient qu’un peu de soin, ils s’y sont attachés en prenant garde de ne pas en détruire les racines renaissantes.
Pour mes enfants et ma famille dont les racines ont su si bien résister à la bêtise humaine en leur demandant de prendre un soin attentif pour mes petits-enfants.
Il m’a semblé intéressant de raconter à bâtons rompus des histoires vécues. Je destine avant tout, ces extraits de souvenirs à mes enfants. J’ai peu vécu avec eux et je n’en doute pas, ils pourront au travers de ses récits revivre quelques sensations endormies dans leur mémoire d’enfant.
Cette première partie n’est qu’une mise en bouche dont le goût je l’espère leur donnera l’envie de me connaître mieux.
Fanny
Fanny a l’habitude d’aller faire ses besoins, lorsqu’elle est à la « Siouère », derrière la grange à foin, un peu en retrait du corps de ferme réservé à l’habitation, invisible de la route, à l’abri des regards indiscrets. Elle déteste la fosse d’aisance, car, été comme hiver, les mouches y organisent un ballet interminable perturbant le bon déroulement du procédé naturel et Fanny a l’habitude d’affirmer que rien ne remplace la sérénité pour accomplir une tâche essentielle.
C’est ainsi que le silence se fait son complice car, si quelqu’un venait à s’approcher, Fanny dont l’attention met tous ses sens en éveil le devinerait. La trêve du silence le dénoncerait plus sûrement que les trompettes de Jéricho. Ce n’est pas que Fanny ait peur de qui que ce soit, voire même de quoi que ce soit, c’est simplement par amour-propre. Être surpris dans cette position ne serait certes pas très glorieux.
Fanny, grande femme mince, parisienne jusqu’au bout des ongles, blonde aux yeux bleu clair, est plus habituée au confort bourgeois par ses fréquentations professionnelles et sa vie passée qu’aux astreintes rurales, et sa fierté en souffrirait fortement.
Paul Valéna, Italien réfugié a fui les sévices de Mussolini avec toute sa famille pour ses idées. Célibataire, beau parleur, la trentaine, coqueluche des femmes du village et beau-frère de Jésuine, se décide. Un soir au repas, en présence des convives de la famille Malacrida et Valéna, il demande à Fanny si elle sait d’où viennent les morceaux de soie lui servant à faire les chemises de ses enfants. Fanny lui répond :
–  Oui, des toiles de parachutes des résistants Français et des Anglais qui viennent rejoindre les forces de résistance dans le maquis.
Paul sourit et lui demande encore :
–  Et sais-tu où ils sont cachés lorsqu’ils atterrissent ?
–  Non, dit Fanny.
Alors, tous les convives se mettent franchement à rire jusqu’aux larmes, et Paul, avec des hoquets dans la voix, au bord de l’asphyxie, lui avoue :
–  Dans la grange à foin.
Fanny rougit, pense aux planches disjointes clouées sur la structure du bâtiment faisant office de grange puis panique un peu, regarde les convives sans les voir, regarde Paul, les yeux fixes, emplis de colère, elle regarde à nouveau les convives, ils rient toujours aussi fort et de bon cœur, et enfin se détend en disant simplement.
– Q u’ils ont sûrement vu pis que cela durant cette vilaine guerre, et l’incident fut clos.
Pour Fanny, le temps n’est pas à la rigolade, même si sa bonne humeur est permanente.
Elle doit faire face aux problèmes de l’alimentation, des vêtements, des chaussures, problèmes cruciaux et primordiaux pour la vie de ses enfants.
Le village de Saint-Mézard, avec ses cent trente âmes, installées sur l’ensemble de son territoire, ne possède aucun magasin d’alimentation ni boutique de mode, pas même un petit comptoir de distribution ou de représentation.
Pour ses achats, il faut se rendre à Lectoure ou à Auch en autocar car, pendant cette guerre, plus aucun véhicule de commerce ambulant ne passe dans le village. L’entreprise de transport en autocar Ménard dessert ce secteur, les cars ne peuvent circuler que lorsque le temps s’y prête et surtout, si les routes le permettent, car, les bombardements deviennent assez fréquents depuis que la résistance se développe dans cette contrée.
Pourtant, Fanny sait bien qu’il faut faire vite, Pierre, Claude, Jacques et Gérard, ont besoin de vêtements et de chaussures. Elle-même a un besoin urgent de quelques petites choses indispensables, afin de garder une certaine féminité malgré les événements tragiques de cette période troublée, et les enfants grandissent chaque jour un peu plus. La guerre peut-être, mais la vie doit continuer. Après s’être renseignée en utilisant le seul téléphone du village, cela est possible, elle va pouvoir se rendre en ville comme chaque mois ou presque.
Il ne fait pas très chaud, il pleut de temps en temps. Novembre est à la porte. Cette fraîcheur, après ces mois d’été que personne n’a encore oubliés, va faciliter la tâche de Fanny si rien ne vient perturber le déplacement de Monsieur Ménard et de son autocar.
Après s’être préparée, elle passe dans le cellier, sous l’escalier. C’est là qu’elle enferme Grutsie le cochon d’intérieur, une truie de deux cents bons kilogrammes de viande et de couenne, mais attention, que personne n’y touche car, tout le village connaît Grutsie.
Elle passe devant chez chacun des habitants au moins deux fois par jour durant les périodes scolaires. Elle va soit accompagner, soit rechercher les enfants à l’école du village. Lorsque les cours ne sont pas terminés, elle s’assied en se tenant bien droite, son regard fixé sur la porte d’où sortiront Pierre et Claude, comme chaque jour que Dieu fait et dont elle ignore l’existence.
Elle ignore également l’heure, et pourtant, elle n’est jamais en retard et jamais en avance.
Son horloge interne fonctionne parfaitement, probablement parce qu’elle lui fait confiance, instinctivement, sans se poser de questions.
Quand Fanny entre dans le cellier, Grutsie ne s’y trouve pas. Elle ouvre son manteau et saisit, pendus aux poutres par des vieux clous rouillés par l’âge et l’usage, deux poulets, déjà attachés par un cordage à chaque paire de leurs pattes.
Elle les passe à son cou, sous le col, elle y ajoute deux canards et deux lapins, le tout déplumé et dépiauté la veille au soir.
La voici fin prête à se rendre à la ville. Bien sûr, elle paraît un peu forte ainsi, mais le regard des autres, lorsqu’il s’agit de la survie de ses petits, ne laisse en elle aucun sentiment particulier. Seul compte le résultat et non pas les apparences qui les amènent.
Elle sort du cellier, regarde autour d’elle et constate que la truie est assise au bord de la route. Il semble que cette petite maligne ait compris que Fanny se prépare à partir et, désireuse de ne pas gêner sa maîtresse, elle se met volontairement à l’écart de l’agitation.
Fanny crie à sa voisine, sortie à ce moment sur la terrasse de son escalier, de prendre bien soin des enfants quand ceux-ci reviendront de l’école.
Elle prend la direction de l’église afin de se placer au bord de la route de Lectoure pour y attendre l’autocar. Le village est calme, les hommes valides sont dans les champs et les femmes préparent des plats dont elles ont le secret. Cette fin d’octobre est encore verdoyante. Les côtés de la route sont humides, les flaques y sont nombreuses, et Fanny prend bien soin de ne pas marcher dans l’eau, ses chaussures de ville ne sauraient résister à une faute d’inattention, ce serait impardonnable. C’est la dernière paire de chaussures acceptable et mieux vaut faire envie que pitié lorsque l’on se déplace pour négocier.
Sortant de ses pensées, Fanny entend un léger frottement derrière elle.
Sans crainte, elle se retourne pour constater la présence de Grutier ; celle-ci, comme à son habitude, a emboîté le pas de sa maîtresse. Elle sait parfaitement où elle se rend et Fanny, avec un sourire, pense que cet original animal domestique l’attendra au bord de la route à son retour. Son instinct d’animal la guidera à l’heure voulue afin de ne pas faillir à ce qui semble lui être comme un devoir que rien au monde ne pourrait contrarier.
Fanny aperçoit l’église sur sa gauche, et un peu en contrebas, le petit lac entouré d’arbres dont le reflet s’étale à ses pieds, comme dans un miroir. Sa surface frissonne, caressée par ce petit vent toujours présent lorsque la pluie n’est pas loin. Le clocher semble se dresser contre les mauvais esprits. Ils sont hélas légion quand l’opportunisme prend le pas face aux devoirs de civisme. La route de Lectoure est maintenant très proche.
Fanny ne juge même pas utile de se retourner, elle sait que rien de mauvais ne peut lui arriver dans son village d’adoption.
Le ronronnement d’un moteur se fait entendre, l’arrêt de l’autocar est vide, elle sera donc la seule de Saint-Mézard à se rendre à Lectoure cette fois-ci.
La route est cahoteuse, les trous de bombes mal réparés ou simplement à nouveau découverts, sont un handicap sérieux à l’avance de l’autocar. Les passagers sont remués dans tous les sens. Fanny reconnaît certaines têtes qu’elle a déjà aperçues, soit dans

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